Par Félix Brun - Lagrandeparade.fr / Louise traverse la grisaille d’une existence sans ciel bleu, sans lumière ; elle n’a jamais connu sa mère décédée à son accouchement ; elle a été élevée par un père marqué par son veuvage précoce, qui ne lui parle pas, qui ne lui a jamais parlé….Elle nettoie les chambres dans un vieil hôtel en province, sans éclat, tenu par un couple de "thénardier" des temps modernes. Dans ce décor de maussaderie et de monotonie, Louise va rencontrer une équipe de cinéma en tournage dans ce coin perdu….les promesses et les illusions vont lui faire tourner la tête : "Elle veut autre chose, elle souhaite d’autres mondes tout d’un coup. Elle ne sait pas où partir et qui fuir d’ailleurs." Partir, s’échapper de cette platitude, de cette tristesse, de ce désenchantement "et supplier le chauffeur de la conduire vers le soleil, vers la mer, là où l’horizon n’a point de fuite, là où tout est plat, où aucun bâtiment ne plonge dans l’asphalte, où l’horizon serait un fil tendu entre ses rêves et le soleil." La vie de Louise va se trouver bouleversée par cet interlude chimérique : « ELLE a le sentiment de vivre dans un livre d’images sur lequel on pose un regard sans lire les mots qui les accompagnent. »
Pour un premier roman Dominique Pascaud redonne aux anti-héros la beauté des actes simples, de ces choses quotidiennes qu’on ne voit même plus. Les thèmes abordés (la mort, l’absurdité des relations, la culpabilité de la disparition de la mère, l’amour, l’amitié…) sont traités dans une écriture fluide qui traduit l’ambiance des situations, usant de métaphores à propos. A quand le prochain?
Par Félix Brun - Lagrandeparade.fr/ Vingt ans de vie commune, vingt ans de fidélité…et la routine, la monotonie s’installent dans le couple… "Oui j’ai vieilli ; non je n’ai pas fait attention ; oui nous nous sommes ennuyés, un peu, mais si peu, et tout de même…On en demande beaucoup à la vie, non ? Je vieillissais lentement, bêtement, irrésistiblement, en lisant des poèmes de François Cheng dans le lit encore chaud et conjugal, en t’imaginant avec tendresse assis à ton bureau, en train de jouer à des jeux innocents.[…]Quelque chose déraille mais ce n’est pas moi. C’est le monde qui déraille." Martine découvre que Pierre la trompe et a trouvé une maîtresse sur un site internet, en sélectionnant, en correspondant avec plusieurs interlocutrices, en essayant même ces créatures répertoriées, fichées. La rencontre, la relation choisie s’opère comme lorsque sur le catalogue La Redoute on recherche un produit ou un vêtement, que l’on va recevoir, tester et, en fonction du résultat escompté, on le réexpédie pour en commander un autre…!Martine trahie, trompée, abusée, va vouloir comprendre cette nouvelle forme de cocufiage contemporain, et va s’initier. "Depuis vingt ans qu’elle était fidèle et heureuse, Martine avait même oublié qu’ils existaient : les hommes. » A travers cette démarche, elle va découvrir l’illusion, la perfidie, les faux-semblants et la banalité des échanges…" Humour, rire, plaisir, douceur. Frisson, sensation, passion. Ils cherchent donc de la vie. Tous s’ennuient.[…] C’est cela qui est étrange dans ce site. La force des mots. Ce que l’on exprime de soi."
Un roman saisissant de sincérité et de lucidité, d’une auteure victime de l’adultère sur la « toile ». Elle dénonce l’illusoire, la goujaterie et la lubricité de ces sites de rencontres adultérins, ou la femme et l’homme deviennent de simples objets de consommation. « L’extraordinaire, l’extraordinaire…Voilà ce qu’internet nous propose. Voilà le vrai mensonge et le vrai danger. » Et Martine S. de conclure : « Tout cela c’est virtuel, c’est du rien. »
Martine est sur Gleeden
Auteur : Martine S.
Editions : Editions de La Martinière
Par Félix Brun - Lagrandeparade.fr / Stade est la fiction d’une société sans pitié pour les rebus, les rejetés, les sans grades, les sans domicile, les sans travail, ceux qui font tâche dans le monde idéal imaginé par les politiciens et ceux des "grandes écoles". Nous avons grandi avec la conviction que la politique est faite pour aider les gens à vivre mieux….sans penser que les gens en question sont les hommes politiques eux-mêmes. Voilà un roman d’actualité qui apporte une solution pleine d'humour corrosif au chômage et à la présence des SDF : un simple stade devient un univers concentrationnaire adapté qui organise l’autodestruction des chômeurs et des sans-abris, devenus, l’espace d’une rencontre, supporters d’une des deux équipes de football qui s’affrontent à la mort…avec son lot de résistants, de héros, de sensibilité, de corruption, d’amour.
L’écriture de Pierre Jourdan est simple, sans fioriture ni emphase; son style direct, un peu maladroit parfois. Un livre surprenant toutefois, engagé et engageant, qui tient le lecteur en éveil jusqu’au point final ; Pierre Jourdan nous livre une vision acide mais lucide d’une société en proie à ses pires contradictions….A suivre.
Stade
Auteur : Pierre Jourdan
Editions : Persée
Par Julie Cadilhac - Lagrandeparade.fr / Antoine est le propriétaire d'un bar en Corse. Chaque nuit, il rejoint au lit son épouse Lucille, depuis longtemps endormie, et s'octroie parfois le droit de la réveiller pour jouir de son corps qu'il vénère. Tous deux ont une fille, Agathe, un rayon de soleil d'intelligence et de douceur, et un fils, Joseph, capricieux et impatient. Une nuit, après qu'Antoine ait fait l'amour à Lucille, cette dernière lui "dit quelque chose en souriant, d'une voix pleine d'amour et d'abandon, quelque chose qu'elle articula avec une netteté parfaite mais qu'il lui sembla pourtant ne pas avoir compris. Elle se rendormit tout de suite." Cette petite phrase va hanter Antoine...parce qu'elle trahit peut-être l'infidélité de son épouse. Être pétri de paradoxes, ce barman qui, presque tous les soirs, succombe à la chair facile des clientes, n'accepte pas de son côté l'idée que Lucille puisse avoir une sexualité qui s'épanouisse en dehors du cadre vertueux du mariage. C'est l'heure des remises en question pour Antoine et de l'effondrement de l'hypocrite système sur lequel reposait son existence. Il se rapproche alors de son frère cadet, Paul, écorché vif qui vit retiré dans la maison de village familiale, toujours entre deux verres.
Jérôme Ferrari a une écriture aussi puissante que violente. Il ne ménage pas ses personnages et aborde avec pertinence les thématiques de la filiation, des héritages familiaux, de la culpabilité et de l'innocence et du pouvoir toxique de notre imagination. Structuré en chapitres qui varient les points de vue et les époques, Dans le secret est un roman de qualité qui rappellera à certains le portrait somptueux de la complexité humaine que l'on ne peut qu'applaudir dans " Où j'ai laissé mon âme".
Dans le secret
Auteur: Jérôme Ferrari
Éditions: Actes Sud- Babel
Parution: 2010
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