Menu

Stéphane Koechlin : un dernier vol dans l’ombre du Baron rouge

  • Écrit par : Guillaume Chérel

Dernier volPar Guillaume Chérel - Lagrandeparade.fr/  Sous-titré « Les cinq vies d’Ernest Udet Â», « Dernier vol pour l’enfer Â», de Stéphane Koechlin est une biographie romancée d’un As de l’aviation allemande, pendant le premier conflit mondial, aux prises avec ses contradictions et les affres de la grande Histoire.
Héros de la guerre de 14-18, ailier du mythique « Baron rouge Â», Von Richthofen, membre de cette nouvelle chevalerie où les combats acharnés n’excluaient pas le respect de l’adversaire, notamment face aux héros de l’aviation française, Guynemer et Fonck, Ernest Udet a tenté ensuite, la paix revenue, de reprendre son envol pour le compte d’une industrie en plein essor, le cinéma, qui l’a emmené à Hollywood. Son histoire d’amour avec Leni Riefenstahl illustre cette nouvelle passion. Puis la guerre a une fois de plus déchiré l’Europe. Pour lui qui se moquait éperdument de la politique, c’était seulement l’occasion de voler, voler encore, voler toujours. Comme Saint-Exupéry et Mermoz, ses vrais compatriotes du mondes des airs, loin des bassesses terre-à-terre. Quitte à entrer sans le savoir dans les plans d’une propagande (nazie) qui le dépassait. Quitte à être manipulé par Goering, entre autres… Ernest Udet, malgré ses hauts faits d’arme était en fait un romantique, un sentimental, tout sauf un « rampant Â», allant jusqu’à écrire dans la plus grande revue d’aviation… française.
 Passionné d’aviation, justement, le journaliste-écrivain Stéphane Koechlin retrouve dans ce nouveau livre son univers familier pour décrire les prouesses des pilotes qui valut son succès à "La légende du Baron Rouge" (Fayard 2009). Mais l’épopée de ces chevaliers du ciel, dans le cas d’Udet, se transforme en tragédie personnelle : celle d’un ancien héros instrumentalisé et broyé par l’histoire. Qui se suicidera, usé par l’alcool, comme un autre Ernest, l’écrivain américain Hemingway, dont il partagea l’amour des femmes et des fauves…
Stéphane Koechlin, qui a notamment signé "Juré" (Flammarion, 2005) et "Le vent pleure Marie" (Fayard, 2012), renoue avec un style de narration classique qui eut son heure de gloire dans les années cinquante, soixante. Sous sa plume, on se « rue vers les nuages épais et froids Â». Un rayon de soleil « glisse le long de ses ailes Â». Sa proie « se fond dans la lumière (…) avant de s’évaporer Â». Il est question d’héroïsme de l’aviateur, de gloire et d’admiration… De duels aériens. De nuages glacés, de batailles aériennes et de corps enflammés, d’escadrille aux cent victoires, de sang, de bruit et de fureur et de feu. Il est aussi question de courage, de peur et de mort. Comme d’alcool et de camaraderie virile. On se croirait dans un roman de Joseph Kessel : « Il gagnait toujours, cachait dans le soleil son Albatros à la robe argenté et tombait sur l’ennemi comme un serpent venimeux. Â». Ces hommes mortels, qui semblaient tomber de la lune, vivaient comme s’ils étaient immortels. Ça manque un peu de looping, de sueur et d'odeurs... mais pas de souffle. A défaut d’éternité Stéphane Koechlin a rendu la vie à ces derniers héros, capables de pleurer en apprenant la mort d’un ennemi de circonstance qui s’avérait être un frère dans les cieux. D’authentiques preux aventuriers, pas sans reproches, mais valeureux, transformés en assassins par des idéologues à l’abri de leurs bureaux : « Je ne suis pas allemand, aurait-il dit à Saint-Exupéry conquis, dont il tint à devenir l’ami. Je suis aviateur, ma nation est le ciel. Â» Comme ce livre à rebours de toutes les modes actuelles. Un roman vrai tombé du ciel.

Dernier vol pour l’enfer : les cinq vies d’Ernes Udet, de Stéphane Koechlin, 380 p, 22 euros, Fayard.


À propos

Les Categories

Les bonus de Monsieur Loyal