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Nés en BretagnePar Guillaume Chérel - Lagrandeparade.fr/ Kénavo ! Ils sont partout, comme les Envahisseurs… Les Bretons auraient même découvert l’Australie, guidé le Roi Arthur vers la quête du Graal, sauvé la famille princière de Monaco, trucidé la pauvre Bécassine, inondé les Etats-Unis de kouign-amanns, et même vu naître Napoléon. C’est dire… Que cet OVNI graphique (six illustrateurs ont été mis à contribution), fruit d’un auteur pure souche, Thomas Le Gourrierrec, biberonné à la cornemuse, va en surprendre et en amuser plus d’un à Noël.

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Fins de moi difficilesPar Catherine Verne - Lagrandeparade.fr/ On ne courra pas le risque de parier en ces temps de crise que ce livre ne vous dise rien. (Et, à dire "rien", interrogeons de quoi on parle: d'un rien réducteur ou d'un rien irréductible, tel ce cube opaque et impénétrable qui semble n'être "rien qu'un cube" et sur lequel s'ouvre le premier chapitre d'une fort plaisante série de courts billets.) Les humeurs éclectiques et délicieusement divertissantes qu'on y trouve évoquent tous les petits riens montrant le moi à l'oeuvre, et au détour desquels un psychanalyste traque moins ce moi qu'il ne le charme comme un musicien agile fait avec un serpent. On n'a certes pas attendu François Gantheret pour s'atteler à déjouer les astuces du moi, notamment en surveillant nos paroles dont il tire si habilement les ficelles, car, petits-enfants et arrière-petits enfants de Freud, on se méfiait déjà des mots : sait-on jamais assez où ils nous mènent, quand ce n'est pas pour nous mettre hors de nous! Alors, autant ne rien dire peut-être? Quoique le silence fasse surgir les îles - si l'on en croit un haiku cité par l'auteur, lui-même d'une plume élégante et subtile.

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Les sentinellesPar Félix Brun - Lagrandeparade.fr/ Hormis Israël, y a-t-il une autre nation, une autre démocratie capable d’autoriser, de tolérer que les responsables de sa sécurité intérieure, parlent librement et franchement de la lutte anti-terroriste qu’ils ont dirigée pendant trente ans, et de l’évolution ambiguë et controversée du conflit israélo-palestinien, et des tentatives de processus de paix ? Les propos sont précis, illustrés, lucides au gré des attentats, des accords d’Oslo, des  Intifada, de la guerre du Kippour, du sommet de Camp David, de l’assassinat de Rabin….Ils sont sincères, à la fois indulgents et sans concession à propos de l’échec des politiques à établir un processus de paix durable.

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Les tétons flingueursPar Guillaume Chérel - Lagrandeparade.fr/ « Tu ne sais jamais à quel point tu es fort, jusqu’au jour où être fort reste ta seule option ». Cette phrase  de Bob Marley, en tête de chapitre du récit de Sonia Bellouti, joliment intitulé « Les tétons flingueurs », résume parfaitement l’histoire vécue et narrée par cette belle brune d’une quarantaine d’années qui, un jour, sous la douche, découvre une grosseur suspecte sur son sein.

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Mes sincères condoléancesPar Félix Brun - Lagrandeparade.fr/ Vingt années passées près des familles et proches endeuillés, à organiser l’ultime cérémonie du défunt, laissent une multitude d’histoires, d’anecdotes, de quiproquos, de larmes, de souvenirs, de sourires et aussi...de fous-rires. C’est ce que nous résume Guillaume Bailly avec sérieux et  respect dans ces "mémoires incroyables d’un croque-mort" ; il nous invite à découvrir tous les aspects d’une société dans ce recueil insolite : la femme économe qui compare les prix avant les obsèques de son mari ; les amis un peu marginaux qui trinquent une dernière fois en vidant une partie de leur canette de bière sur….. la bière du mort ; le chien qui ne veut pas quitter le corps de son maître décédé ; le couple âgé qui va choisir son cercueil et le capiton assorti à son costume mortuaire de futur trépassé !

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Affaires criminellesPar Guillaume Chérel - Lagrandeparade.fr/  Amateurs de faits-divers morbides s’abstenir. Avec « Les Grands Procès de l’Histoire », Emmanuel Pierrat réussit le tour de force de publier un ouvrage d’une grande qualité esthétique - notamment grâce aux fac-similés des documents de l’époque - sur l'un des sujets les plus racoleurs de notre ère dominée par le voyeurisme télévisuel.

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Le plaisir de penserPar Catherine Verne - Lagrandeparade.fr/ La mode étant aux compilations de citations en tout genre, généralement par lot de 365 pour couvrir l'année de béatitude, la philosophie occidentale aura désormais la sienne avec "le plaisir de penser".

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Chaque jour est un festinPar Félix Brun - Lagrandeparade.fr/ « De tout temps, l’acte de manger a semé les graines dont sont sorties les cités, a façonné la vie politique, s’est trouvé aux racines de la prospérité et de la guerre. » Voilà un agenda, une petite encyclopédie sur les plaisirs de la table, le goût, la qualité des produits, les recettes culinaires, les instruments, les vins, le sexe et la culture... liés au monde de la cuisine. Pendant quarante années, Jales et Kay Salter ont partagé leur vie, leurs expériences heureuses et malheureuses en cuisine, noté les anecdotes, recherché les origines des outils et ustensiles, travaillé les produits nobles, relevé les réflexions et citations en relation avec l’univers de la gastronomie.

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InconnusPar Catherine Verne - Lagrandeparade.fr/ Dépeignant le quotidien du singulier métier de thanatopracteur dans "Aux portes de l'inconnu" qui sortira le 8 octobre prochain, les Editions de l'Opportun lèvent un lourd tabou: notre société hautement nécrophobe répugne en effet à considérer les petites mains qui ajustent les linceuls sur nos dépouilles. Et pourtant, tout un corps de métier s'affaire autour du défunt pour le nettoyer, le rendre présentable aux obsèques, ou porter son cercueil. Histoires de corps croit-on? Pas tant que ça! L'auteur des témoignages ici rapportés, Olivier Emphoux, voit en les thanatopracteurs comme lui des psychologues de l'âme des morts. Lavés, fardés, vêtus, les membres d'un défunt ainsi approchés dans l'intimité seraient vecteurs d'un dernier souffle que des privilégiés entendent s'ils ont l'oreille attentive.  Olivier Emphoux est de ceux-là. De ceux qui, manipulant les corps - 10 000 dans son cas- dialogueraient avec les âmes. De ceux qui, à coup sûr, soulignent la complexité de la vie, à la spécificité inclassable entre pôles clinique et spirituel, dont la nature à la fois organique et psychique défie tout rationalisme opposant le matériel et l'immatériel depuis les tablettes de Ptolémée aux controverses bergsoniennes, en passant par les dissections des médecins "méchaniciens".
Qu'il est de ceux qui approchent moins les morts que les morts ne les approchent, Olivier Emphoux s'en rend compte d'abord par surprise, assistant impuissant à ce qui lui apparaît comme des tentatives des défunts d'entrer en communication avec lui, pour l'assumer ensuite avec la conviction d'une tâche dont la dignité ne saurait se refuser quand on s'en sent la vocation. C'est qu' Olivier est entré dans la carrière de thanatopracteur comme d'autres dans les ordres. Son choix n'est pas motivé par le chômage ou toute autre conjoncture économique, mais par la sincère envie de côtoyer les morts. Voilà un aveu qui fait mentir Larochefoucauld prétendant la mort aussi insoutenable à regarder en face par les hommes que le soleil: loin de nos stratégies familières de myope et d'astygmate pour la reléguer en effet au dernier rang de nos priorités ou en pratiquer le déni le plus éhonté, Annette Geffroy a trouvé un de nos semblables qui ne la quitte pas des yeux au contraire et lui voue une attention rigoureuse de chaque instant. Consciencieux et observateur, il relate dans des carnets les événements marquants de ses journées de travail, comme quand il a le sentiment que le défunt refuse son intervention en lui compliquant la tâche, en tombant à répétition du lit par exemple ou en dénouant sa cravate...
De ces notes personnelles, relatant l'inouïe routine d'Olivier Emphoux, Annette Geffroy fait un livre de témoignage sobre et captivant, où l'émotion le dispute au questionnement. Curieux de découvrir en quoi consiste concrètement son travail, on suit notre thanatapracteur dans ses déplacements,  découvrant ses gestes minutieux autour du mort, certes, dans cette histoire de corps... mais d'âme aussi car, ce faisant, on partage son effroi ou sa compassion, et aussi sa perplexité face à des manifestations post-mortem surnaturelles: y aurait-il donc une vie( juste) après la mort? Sans dogmatisme bigot ni fanatisme ésotérique, sans prétendre divulguer la vérité absolue qui résoudrait cette énigme anhistorique, "Aux portes de l'inconnu" nous mène avec décence sur le seuil d'un voyage qui nous concerne tous et dont la destination suscite les curiosités les plus ingénues, et sans doute les plus imaginatives aussi.
Quel sens, sinon quelle valeur, accorder à ce témoignage particulier? Il ne s'appréhende certes qu'à partir de certains postulats métaphysiques, dont l'affirmation de l'existence d'une âme survivant au tombeau qu'est le corps - si l'on se souvient de la proximité étymologique et platonicienne entre sôma et sêma. Même si par moments, le récit ici prête à une interprétation inter-subjective concluant à la réincarnation ou à la possibilité matérielle d'une communication spirite, on saura gré aux auteurs ici de se livrer à la description sans fioritures de faits et de manifestations rien moins que tangibles: bougies qui s'éteignent seules, armoire qui s'ouvre et dont le contenu se déverse à terre, bruits divers émanant du cadavre, voix, visions, forces éléctromagnétiques, dématérialisation d'objets etc.
Sinon, vous étiez prévenus, pas de réponse à attendre ici à l'énigme, le titre est explicite: il faudra s'arrêter "aux portes de l'inconnu", car ce qui se trouve au-delà relève d'une expérience inédite aux vivants que nous sommes. Olivier Emphoux nous donne à espérer que, parvenus cependant à cet extraordinaire seuil, on ne s'y trouve pas aussi seul qu'on croirait mais sereinement accompagné par des personnes ayant ses qualités humaines, et rappelle que si nous sommes au contraire parmi ceux qui "restent", les thanatopracteurs nous abandonnent un soin qui nous revient sans partage à honorer depuis ce seuil: celui de continuer à aimer ceux qui l'ont, sans nous et avant nous, déjà franchi.

Aux portes de l'inconnu
Auteurs : Olivier Emphoux et Annette Geffroy
Date de parution : 08/10/2015
Editions:  L'opportun
Collection : Hors Collection - 12,90€

 

foulards et hymenPar Guillaume Chérel - Lagrandeparade.fr/
"-Pourquoi ne portez-vous pas de niqab ?
- Ne suis-je pas assez couverte ?
- Si vous voulez manger un bonbon, vous préférez qu’il soit emballé ou pas ?
- Je suis une femme, pas un bonbon."
Voilà ce qu’a répondu la journaliste égyptienne, Mona Eltahawy à… une femme qui portait elle-même le niqab. Il faut dire qu’elle ne portait que le hijab : « Nous, les femmes arabes, vivons dans une culture qui nous est fondamentalement hostile ». Face à ce constat, Mona Eltahawy, elle-même emprisonnée, battue, sexuellement agressée sur la place Tahrir (Egypte) en 2011, a décidé de prendre la parole. Et de dire la difficulté de vivre dans une société patriarcale qui diabolise la femme, la cache, la rejette. Dire la situation de ces femmes forcées de porter le hijab et le niqab, embarquées en pleine rue pour un « test de virginité », battues, violées, excisées, mutilées. Ceux qui haïssent les femmes, c'est parce qu'ils les craignent. Qu'ils craignent ce qui se trouve sous le voile, le nient, piétinent son existence, sous prétexte de mieux le préserver. Parler pour libérer la parole féminine. Car comme nous le rappelle Mona Eltahawy : « (…) l'acte le plus subversif qu'une femme puisse commettre est de parler de sa vie comme si elle importait réellement ». C’est le combat d'une femme pour les femmes.
Mona Eltahawy est née en Egypte et a grandi au Royaume-Uni et en Arabie saoudite. Elle vit désormais entre Le Caire et New-York, a participé au printemps arabe sur la place Tahrir et publie aujourd'hui un document coup de poing, à mi-chemin entre l'autobiographie et le manifeste, sur la place des femmes au Moyen-Orient et sur la nécessité d'une révolution sexuelle : « Être une femme en Arabie Saoudite, c’est être l’incarnation vivante du péché», écrit-elle dans son livre. De son expérience personnelle, elle a tiré un essai percutant, « Foulards et hymens » , qui dénonce la misogynie et la domination qui pèsent sur les femmes du monde arabe. Féministe, elle l’est depuis l’adolescence et plus particulièrement depuis son arrivée à Djeddah, en Arabie Saoudite: « Lorsque j’ai fait connaissance avec ce pays à l’âge de quinze ans, écrit-elle encore, le traumatisme a été si grand qu’il m’a poussée dans les bras du féminisme- je ne sais pas comment dire ça autrement. » À cette époque, l’adolescente Eltahawy parvient à concilier ses convictions avec la tradition et se met à porter le voile, bien qu’elle soit minoritaire dans le milieu qu’elle fréquente : « Les femmes ne sont pas qu’une chevelure et une entrejambe, il faut en finir avec cette obsession sur leur corps, qui est instrumentalisé par des hommes parlant à d’autres hommes. »

Foulards et Hymen

Auteur : Mona Eltahawy

Traduit de l’américain par Carla Lavaste et Alison Jacquet-Robert

Editions: Belfond

258 p, 19 euros

 

lafoliecacheePar Catherine Verne - Lagrandeparade.fr / Visite en territoire "psy" sous le faisceau de lampe torche de Saverio Tomasellae, un psychanalyste vivant à Nice, doctorant à l'Université Paris-7-Diderot sous la direction de Serge Tisseron. Son dada, c'est tout ce qui a trait au trauma, occasionné par l'exil ou la torture par exemple, avec un intérêt spécifique pour la façon dont le sujet entre dans des processus comme l'identification à l'agresseur ou l'addiction. Dans son dernier ouvrage paru chez Albin Michel, il se propose de nous guider  dans les méandres de "la folie cachée".
Le titre prévient explicitement: il est question ici d'éclairer quelque chose qui ne se manifeste pas avec la franche évidence des certitudes mais qu'il faut déceler dans les plis du psychisme et qui ne se saurait donc se prêter ici à une parole exhaustive. Vulgairement ceci dit, un fou, on sait bien ce que c'est : un malade mental pris en charge par la neurobiologie et la psychanalyse. Et il vaut mieux s'accommoder assez vite de ce consensus confortable pour ne pas trouver le vertige, voire la nausée, à mener davantage l'investigation. Or, cette zone de confort qui prête son crédit à toute sérieuse ambition nosographique, Saverio Tomasellae en étire précisément les frontières à l'intention du lecteur, sans jargon ni discours d'initié, plutôt avec simplicité et pédagogie, n'hésitant pas à rappeler les définitions des mots "folie" et autres vocables "psys" comme " intra-projection", "incorporation", "clivage", ou illlustrant son propos théorique d'histoires vécues par des patients, de références mythologiques ou au cinéma et à des auteurs clés sur la question tels Lacan et Foucault. Prêts pour l'expédition en territoire obscur?
Une première partie du livre, qui semble interminable et n'évite pas la redondance, explore des nuances terminologiques du vocable "folie" en vue de nous sensibiliser à la difficulté que les experts trouvent à en cerner le contenu. Culturellement parlant, et pour déborder le champ qui intéresse l'auteur ici, le terme même de "folie", sous couvert de toute nomenclature rigoureuse, aura un peu été le fourre-tout du non-politiquement correct ou la part obscure de l'humanité d'obédience cartésienne, en un mot tout ce que l'humanité rationaliste a exclu d'elle-même, sacrifiant à l'intransigeance du divan freudien. On comprendra donc que tout ce par rapport à quoi il puisse demeurer constant de le définir sémantiquement aux yeux de notre psychanalyste soit son contraire, stricto sensu: le mot "fou" renvoyant à son opposé, "normal", pour le meilleur et le pire, nous voilà invités par l'auteur à observer dans le détail comment ce couple se confond, se déchire, se regarde en miroir dans les faits. Quelques repères historiques appuient cette démonstration d'une impossibilité, en toute honnêteté intellectuelle, à trancher.
La norme étant une balise culturelle qui se déplace, on ne s'étonnera pas qu'il s'avère en effet impossible d'accorder un crédit absolu aux classements à la Littré en matière d'équilibre mental, et le constat n'est pas nouveau en sciences humaines, mais avait-on vraiment envie de le lire blanc sur noir alors qu'on croit les fous assidument internés en asile et les sains d'esprit tranquillement au chaud chez eux? C'est précisément ce sur quoi le psychanalyste souhaite ici attirer notre attention sans concession: rejetant tout étiquetage nosopsychologique de salon qui escamote et gomme les subtilités du réel, il s'emploie  à montrer longuement comment s'imbriquent de façon autrement complexe le fou et le normal, si bien que le lecteur pourra vite se sentir comme happé dans le filet de pistes brouillées.
Cette lancinante immersion au sein de la confusion régnante chez les experts -et par un expert- de la folie, pourra provoquer une impression désagréable, voire vertigineuse. Il est en effet assez angoissant de réaliser à quel point les travaux scientifiques déçoivent nos consciences formatées par des décennies de culte envers la toute-puissante Science et avides de certitudes en béton valables au moins jusqu'à la prochaine révolution épistémologique. Alors quoi? On nous bassine au J.T. d'infos sensationnelles sur l'imagerie médicale dont on vante les prouesses, on nous dissèque des cerveaux en veux-tu en voilà à tour de scapel pour y quadriller un paysage familier de cratères et autres sillons d'apparence sympathique et intelligible à un enfant de cinq ans et ... qui s'avèrent finalement insondables? De qui se moque-t-on? Tout ce bruit pour rien? Et par dessus le marché, on n'est toujours pas en mesure d'isoler le grain de folie en train de germer sous une caboche?
La vérité est là, sous nos yeux au quotidien, indéniable pourtant, à la limite du banal: force est d'admettre cette confusion entre le fou et le sain d'esprit à l'oeuvre au sein de couples courants: partenaires amoureux, parent-enfant, patron-employé... Dans cette vie de tous les jours, celui qui est désigné comme fou l'est souvent par celui qui l'est en réalité - mais ça aussi les enfants de cinq ans le savent, que c'est celui qui dit qui y est. Et la psychanalyse de nous expliquer pourquoi: le fou, c'est celui qui se défend de l'être, parce que je dérange son monde en lui désignant sa folie, et c'est pour cela qu'il me dénonce moi en retour comme anomalie. Il s'agit là d'un effet de miroir qui rend ardu la guérison -ou les deux guérisons.
Ces couples maudits, soit nous les incarnons, soit nous les côtoyons: deuxième degré dans la montée du vertige quand Saverio Tomasellae  nous en décrit des specimens choisis en détail. Car les fous sont partout: un fou peut en cacher un autre comme les trains, voire toute une famille, une collectivité, et ce, à la maison, au travail, dans la rue. Entendez bien: on désigne  là  tout un espace de folie "en dehors" des asiles et maisons spécialisées qui la traitent. Et comment s'en étonner? N'est-on pas toujours le fou d'un autre socialement? Bref personne n'est à l'abri. Là on jette un oeil anxieux sur son enfant de cinq ans en train de jouer innocemment avec sa poupée -ou accessoirement une bobine de fil.
Alors, puisque l'épidémie est grave, voyons ça de plus près: par quel processus psychiques devient-on fou? Qu'on en ait le coeur net pour de bon, histoire de dénicher les resquilleurs. Le psychanalyste entreprend bien de répondre à la question, achoppant sur le fait que la folie s'installe parfois discrètement et lentement chez un individu au point qu'on ne la soupçonne jamais; le fou prend même à l'occasion toutes les précautions possibles pour ne rien laisser paraître de sa folie, son masque social irréprochable étant précisément l'indice d'une laborieuse et systématique dissimulation... pathologique! Là, si le vertige ne vous a  pas assis, il vous tourne au moins la tête. Et ce n'est pas fini: non seulement le fou de tous les jours paraît normal grâce au soin qu'il apporte à ne pas se trahir, mais c'est son entourage qui est amené à se faire soigner, à bout de nerfs - donc vous, potentiellement. Et Saverio Tomasellae d'examiner quels dégâts et par quels processus pervers cette folie non apparente opère cette fois sur l'entourage,  risquant de rendre ce dernier fou aussi -ou plus exactement à la place du malade réel qui a expulsé ainsi son "autre" en lui, en l'aliénant si l'on peut dire, au sens étymologique du terme. (...Mais si vous suivez! C'est développé en note de bas de pages quand c'est compliqué.)
C'est là que des doutes tragiques peuvent s'emparer de vous, effets secondaires d'une lecture au départ peut-être ingénue, mais "aux innocents les mains pleines" dit-on: vous commencez à vous demander si votre dépression n'est pas le symptôme d'une systémie familiale ou d'une folie collective au boulot qui  ferait de vous un patient désigné depuis quatre décennies déjà dans l'indifférence générale; si votre phobie n'est pas le signe que le lien à votre mère symbiotique est toxique alors que tout le monde vous envie chaleureusement cette perle de tyran que vous appelez secrètement Tatie Danielle; en un mot si votre entourage le plus anodin ou le plus fiable en apparence ne vous a pas inoculé le poison de la folie malgré vous, comme on se secoue de ses pellicules sur l'épaule du voisin.
A ce stade sensible de la lecture, vous pouvez, selon, refermer cette somme d'insanités innommables pour vous servir un remontant parce que votre sol familier se dérobe subitement, ou ravaler une sorte de rage incrédule et un tantinet paranoïaque à l'idée d'incarner depuis trente ans déjà l'innocente héroïne du film d'horreur "Rosemary's baby", ignominieusement sacrifiée à la cause d'une secte satanique, si l'on se souvient de cette oeuvre d'anthologie. Selon votre degré de résistance au choc ou votre niveau de curiosité, vous persévérez dans votre lecture hébétée, tendu vers la fin de l'ouvrage dans l'espoir qu'il vous révèle comment sortir de ce piège éhonté sur lequel la société n'a jamais dit mot au J.T. En passant, vous vous demandez aussi un peu pourquoi il faut que de telles parutions comme celle-ci aux éditions Albin Michel aient lieu si tard, après vos quatre divorces, et votre burn-out de l'an dernier. Mais si l'idée d'un complot général vous titille à ce sujet, histoire que jamais ne soit démythifiée la sacro-sainte famille ou la salvatrice polis, méfiez-vous: c'est peut-être que vous délirez. Car le fou, c'est bien vous, non, d'avis unanime? Ou bien...? Reprenons: que dit l'expert déjà pour distinguer l'ivraie du grain...?
Quoi qu'il en soit, une fois copieusement alerté en milieu de livre sur le fait que les fous sont partout, y compris parmi les nôtres, et qu'on en est sans doute un soi-même, que faire? Là, impossible de refermer l'ouvrage: il faut qu'on sache! Et le psychanalyste de nous donner des pistes d'espoir - un soulagement: il aurait tout aussi bien pu nous laisser flipper... Imaginez qu'il nous plante là! Le salut consiste à d'abord prendre conscience qu'on est victime de cette folie dans un premier temps -folie dont on a assez compris combien elle était difficile à identifier et surtout à prouver vu les efforts de l'expert pour le rappeler. Donc, pas gagné cette étape-là... Soit. Sans compter que le fou ne vous aidera pas à le dénoncer, il préfèrera vous faire passer vous pour fou, souvenez-vous. Vous avez suivi? Admettons, vous le dénoncez donc. Ensuite il faut entreprendre un travail sur soi, en veillant à déjouer les mécanismes de défense qui empêchent la confrontation au réel de cette folie et nous confinent par exemple dans le déni du trauma, l'idéalisation de notre tortionnaire, ou encore la culpabilisation d'être une mauvaise fille ou un employé indigne parce qu'on refuse de se laisser encore vampiriser un petit peu - entre autres tours seulement du psychisme plus ravissants les uns que les autres. Développer une bonne dose d'auto-empathie sera nécessaire autant que solliciter l'aide d'un thérapeute, pour mettre de la distance avec le malade toxique alors qu'on entretient tout de même avec ce dernier, rappelons-le, un lien symbiotique potentiellement addictif, voire symptomatique du syndrome de stockholm. Une promenade de santé en somme... Merci pour la visite guidée, doc!
Vous l'aurez compris on peut sortir de cette lecture un peu sonné par la démonstration du "psy". Ce qui, somme toute, doit être accueilli comme une bonne nouvelle: nul doute qu'un psychopathe à votre place ne piperait pas. On peut donc en toute sérénité supposer que vous n'êtes pas fou si vous vous sentez un peu troublé par cette lecture. De là à en dire autant de votre entourage... Et c'est ce que l'on trouve gênant dans la démarche de l'auteur car autant il est pertinent de dénoncer de fausses certitudes, celles qu'une normalisation insidieuse affectionne, autant il est délicat d'exposer un lecteur non averti à l'effroi du vide axiologique, autrement dit sans lui permettre de se raccrocher à des repères stables et fixes, surtout sur un sujet aussi anxiogène. Pour autant on saura gré à  Saverio Tomasellae de ne pas prétendre nous indiquer quelles recettes toutes faites suivre pour en finir une fois pour toutes et de façon mécanique avec la terrible question de la folie si tant est qu'on en souffre, laquelle ne fait bien sûr sens qu'au regard de singularités données, irréductibles à toute généralisation.
Pour finir, ce livre n'aide donc pas plus à guérir la folie cachée qu'il ne rassurait pour commencer sur la fiabilité d'un diagnostic psychiatrique isolant la folie; il explique que les fous avancent parfois masqués et nous recommande une prise en charge d'ordre thérapeutique si l'on s'en découvre la victime.
Ce travail de vulgarisation peut accompagner chaque survivant d'une folie cachée à réaliser sa condition, et ce ne sera pas le moindre intérêt de ce livre de l'orienter à ce titre vers une issue positive. Attention néanmoins aux éventuels marchands du temple ravis d'agiter la menace de "la folie cachée" pour berner le quidam influençable: forts de cette référence, et en la détournant, de pseudo-thérapeutes auront beau jeu de convaincre tout un chacun d'être peu ou prou la victime qui s'ignore d'un entourage atteint de "folie cachée", de sorte à l'encourager à consulter. Je crois donc nécessaire de mettre en garde le lecteur qui se trouverait tenté de faire des amalgames entre son parcours et ceux des patients du psychanalyste ici restitués pour la logique démonstrative, dont il n'est pas établi que les particularismes aient valeur de règle universelle. Entre l'étiquette et l'indéterminé, la mauvaise conscience contemporaine s'empresse encore trop de trancher pour le confort illusoire de la première. Le propos subtil de Saverio Tomasellae a le mérite de refuser cette voie de la facilité, et de nous maintenir à l'orée de nos zones d'insécurité, voire à nous y faire avancer.
Attention donc: vertige en vue. Accrochez-vous, si l'on peut dire. Vous voilà avertis. Si tout à coup vous suspendez votre lecture et vous surprenez à dire tout haut la formule pascalienne: "le silence éternel des espaces infinis m'effraie", ce ne sera pas faute de vous avoir préparés au choc.Il est vrai que depuis l'avènement de la psychanalyse, on a basculé dans un univers aux dimensions infinies et vertigineuses, destructurant les assises confortables du conscient et rappelant, du point de vue épistémologique, celui où se trouvait lancé le penseur du XVIIè, à savoir un univers "dont le centre est partout, la circonférence nulle part". Il n'est pas superflu de s'aventurer avec un guide comme Saverio Tomasellae au séjour abyssal de la confusion. Bonne visite!
On est quand même content de refermer le livre sur la satisfaction inestimable de se sentir en sécurité chez soi, loin de toutes ces turpitudes des experts du psychisme à oublier très vite. On n'est pas bien là, en terrain connu à la maison,... juste entre "nous"?

La folie cachée

Auteur: Saverio Tomasellae

Editions: Albin Michel


 

 

 

TavernierPar Serge Bressan - Lagrandeparade.fr / Jeune homme, la vingtaine naissante en 1961, il est assistant sur le tournage du film « Léon Morin, prêtre ». Le réalisateur s’appelle Jean-Pierre Melville, un des maîtres français du film noir.

Lire la suite : « Mémoires interrompus » de Bertrand Tavernier : toute une vie pour le cinéma

pacinoPar Serge Bressan - Lagrandeparade.fr / A 84 ans depuis le 25 avril dernier, il dit et écrit : « De mon point de vue, en tout cas, j’ai eu une vie assez chargée ». On regarde le bilan purement comptable de cinquante-cinq années de carrière : 87 films, 3 séries télé, 13 prix (dont un Oscar du meilleur comédien) pour 49 nominations… Né dans le South Bronx à New York dans une famille italienne, « sicilienne » précise-t-il, Alfredo James Pacino, dit Al Pacino, est un des deux « monstres », avec Robert de Niro, de ce mouvement, le Nouvel Hollywood, qui a bousculé dans les années 1960-1970 le cinéma états-unien. Donc, le cinéma mondial… Un sujet qu’évoque Al Pacino dans un livre formidable, simplement titré « Sonny Boy », ce qu’on pourrait traduire par « gamin », le surnom que lui avait donné sa mère en référence à une chanson d’Al Jolson, Américain né en Lituanie (1886- 1950) qu’elle appréciait par-dessus tout…

Lire la suite : « Sonny Boy » d’Al Pacino : souvenirs, souvenirs…

Il vient de làPar Guillaume Chérel - Lagrandeparade.com/ « Je l'ai inventé tout entier / Il a fini par exister / Je l'ai fabriqué comme j'ai pu / Ce père que je n'ai jamais eu »... L'idole des jeunes » n'a jamais fait mystère de cette blessure inconsolée : « Ne pas avoir eu de père a marqué toute ma vie. La déchirure... », a écrit Johnny dans son autobiographie.

Lire la suite : La Saga des Hallidays : la part cachée de Johnny...ou L'album de famille de Johnny le belge

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