Par Sylvie Gagnère - Lagrandeparade.com/ Gavir et sa sÅ“ur Callo, nés dans les Marais, ont été capturés par des trafiquants d’esclaves, alors qu’ils n’étaient encre que de jeunes enfants. Aujourd’hui esclaves de maison au service d’une grande famille, ils jouissent d’un relatif confort, et profitent d’une bonne éducation. Seule Callo connaît le secret de son petit frère : il a des visions du futur. Pour ne pas s’attirer le mécontentement de leurs seigneurs, Callo conseille à Gavir de taire son don. Les deux enfants sont emplis de loyauté envers Père et Mère, les maîtres de maison, qui les traitent bien, et à qui ils offrent une fidélité absolue.

Une terrible tragédie anéantit la foi et la confiance de Gavir, qui s’enfuit, aveuglé par le chagrin et la colère. Il ne sait pas ce qu’il cherche dans ce voyage : la liberté ? Son peuple ? L’explication de son don ?

Pouvoirs est un roman d’apprentissage, le récit de l’évolution vers soi que va accomplir Gavir. Au fil des épreuves, il découvre son autre talent : le pouvoir des mots, que sa mémoire retient infailliblement et avec lesquels il touche au cÅ“ur ses auditeurs.

Comme dans les deux précédents tomes de cette trilogie (Dons et Voix), le propos est politique, mais il est aussi philosophique et poétique. Le cheminement de Gavir n’est pas sans évoquer des parcours bien actuels, semés de douleurs, de peurs, mais également de rencontres, de solidarité, et d’amitié. La liberté, la culture, le rapport à l’autre composent une existence et doivent s’harmoniser pour que naissent la paix et la joie.

Il n’est pas absolument indispensable d’avoir lu les deux premiers tomes pour apprécier celui-ci, mais la trilogie forme un tout qui prend tout son sens dans son ensemble. Orrec, que nous avons suivi enfant dans Dons, s’aveuglant pour ne pas risquer de blesser les autres avec son pouvoir, puis jeune homme dans Voix, semant l’espoir et la révolte avec ses mots, est dans Pouvoirs, celui dont les paroles éveillent les consciences.

Une nouvelle fois, les thématiques sont puissantes et graves : l’esclavage, la relation toxique entre maître et esclave, la force de la littérature, le douloureux apprentissage de la liberté et de la solitude, la légitimité de l’insurrection et de la violence. La narration, au rythme tour à tour contemplatif et percutant, toujours très imagée, suit les aventures de ce héros-qui-n’en-ai-pas-un, juste un adolescent qui tente de survivre au chagrin et de trouver une (des) raison(s) de (sur)vivre.

Ces Chroniques des rivages de l’Ouest sont un vibrant hommage aux mots, à l’éducation, à la liberté, à la mémoire, à la révolte et à la paix. Elles nous conduisent dans le sillage de protagonistes fragiles et forts, complexes, qui avancent dans des univers souvent violents, mais parsemés de solidarité et d’amitié. L’écriture poétique et riche, profondément vivante, d’Ursula K. Le Guin, nous prend par la main et nous entraîne au cœur de ces existences humaines résilientes et touchantes.

Chroniques des rivages de l’Ouest, tome 3 – Pouvoirs
Autrice : Ursula K. Le Guin
Éditions : Atalante
Collection : La Dentelle du Cygne
Date de sortie : 12 juin 2025
Prix : 22,50 €

De la même trilogie : 

Chroniques des rivages de l’Ouest, tome 1 â€“ Dons : de l’heroic fantasy teintée de politique et de sociologie, un récit envoûtant et poétique

Chroniques des rivages de l’Ouest, tome 2 â€“ Voix : une ode à la puissance des mots, une réflexion profonde sur la révolte, dans un récit vivant et poétique