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La loi des Collines : un roman sombre comme un Bourbon du Kentucky...

  • Écrit par : Guillaume Chérel

la loi des collinesPar Guillaume Chérel - Lagrandeparade.com/ Pour celles et ceux qui ne le connaissent pas encore, présentons Mick Hardin (la quarantaine, divorcé), personnage récurrent, depuis trois opus, de l’américain Chris Offut (68 ans, ex- scénariste, animateur d’atelier d’écriture).

Dans « La Loi des collines », il revient à Rocksalt (Kentucky/Appalaches), après quatorze ans dans l’armée – où il est devenu enquêteur. Sa sœur, Linda, est devenue la première femme shérif du comté. Cette dernière est assez grande pour se débrouiller toute seule (elle jure comme un charretier), avec l’assistance d’un adjoint, Johnny Boy, qui semble aware (façon Fargo, des frères Cohen) mais, bon an mal an, il assure le job. Comme Sandra, la secrétaire du poste de police, avec il flirte sans mièvrerie.

Or donc, de passage dans ses collines natales, perdues au fin fond de l’Amérique, après deux ans d’absence, cette fois, Mick Hardin compte saluer sa famille, avant de s’envoler pour la Corse, au moment où un mécanicien, bien connu dans la région (capable de régler le moteur d'une voiture de course en écoutant son vrombissement), vient de se faire tuer, chez lui, dans sa maison isolée dans la vallée. Sa sœur étant blessée, d’un coup de feu, lors de l’enquête de voisinage, il est provisoirement embauché en tant que shérif adjoint.

Les liens familiaux, en cas de coup dur, ça n’a pas d’égale. Mick se voit obligé d’intervenir dans un conflit familial, d’apparence banal, malheureusement, dans ces contrées restées sauvages. Il découvre existence d’un réseau illégal de combats de coqs et… un deuxième cadavre. Le voilà impliqué jusqu’au cou et parti pour une nouvelle enquête qui va l’entrainer loin de cette petite ville ravagée par la désindustrialisation, et le trafic de drogue, comme dans toute la région. Nous sommes au cœur même des Etats-Unis pro-Trump, ou sans opinion. Chez les Rednecks, les « cul-terreux ». Des « ploucs », de la campagne, quoi, on dirait chez nous, où toutes les familles se connaissent plus ou moins, de loin en loin. Ce qui occasionne des fraternisations automatiques ou des vengeances de voisinage qui n’en finissent pas. Bref, la loi du Talion, édictée par la Bible, il y a plusieurs millénaires, laquelle prime sur la loi des hommes (« Œil pour œil et dent pour dent »). Tant pis pour les conséquences. La réputation prime sur l’équité.

On compare souvent Chris Offut à David Joy, Ron Rash (pour les Appalaches), ou Larry Brown, mais c’est de James Crumley qu’il rapproche le plus, pour son humour noir, et sa manière de décrire l’ambiance d’un bar bourré de testostérones (donc de bêtise), ce qui n’est pas un mince compliment, pour qui a lu la saga du bull-dog du Montana (qui met en scène « Milo » et Sugrhue, deux anti-héros excessifs), publié également avec brio chez Gallmeister (pour la traduction et les illustrations).

Mais revenons à Chris Offutt, qui fait donc partie des auteurs « appalachiens, spécialisés dans  le rural noir », pour résumer. Au milieu d’une nature domptée, mais encore dangereuse pour qui ne connait pas les codes de la région. Plus que la misère, la débrouille et les magouilles y règnent, dans un climat dur et sans pitié. C’est le règne du « marche ou crève », comme au temps du Far-West. Le premier qui dégaine gagne, s’il vise juste. Car il n’y aura pas de seconde chance. Inutile de préciser que tout le monde est armé, même les enfants. Les vieux n’en parlons pas. Ce sont des « taiseux ». On ne parle pas pour ne rien dire, surtout aux inconnus. Les hommes et les femmes sont durs au mal. Ils obéissent à un code d'honneur tacite : « Tu touches à quelqu’un de ma famille », t’es mort ».

Et « si tu parles trop », ça va mal se passer aussi », comme en Corse, ou en Sicile. Ce, sur plusieurs générations. Les rapports humains sont brutaux. La violence ne fait pas loi mais elle règne. Pour autant, Chris Offut n’est pas seulement un auteur de romans sombres, comme un flacon de bourbon. C’est avant tout un écrivain qui a le don pour écrire de bons dialogues (en digne élève d’Hemingway et McCarthy), et sait se montrer poète, voire délicat. Il en dit davantage sur la réalité américaine que bien des reportages. Offutt n’abuse pas d’hémoglobine, ne donne pas dans la fascination morbide pour le énième serial-killer. Il est nuancé. Subtil. N’impose rien. Il expose les faits. Comprenne qui pourra.

« La loi des collines » fait suite aux « Fils de Shifty » et aux « Gens des Collines ». Pour qui aiment retrouver des personnages aussi attachants que familiers, c’est un plaisir à chaque page, comme ce fut le cas en début de carrière de James Lee Burke, en Louisiane, et Craig Johnson, dans le Wyoming. Sans oublier James Crumley, dans le Montana, disions-nous. Quand il enquête, ou se bagarre, on y croit. C’est réaliste. Parce qu’il connait bien ce monde des perdants du quotidien. La relève de James Crumley est assurée.

La loi des Collines
Editions : Gallmeister
Auteur :  Chris Offutt
Traduit de l’américain par Anatole Pons-Reumaux
288 pages
Prix : 24 €
Parution : 5 février 2025

 

 


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