Romans et récits : sept livres pour une rentrée d'hiver 2025
- Écrit par : Serge Bressan
Par Serge Bressan - Lagrandeparade.fr / C’est la rentrée ! Au programme et sur les rayons des librairies, d’ici la fin février, pas moins de 507 romans et récits. Dans une troisième et nouvelle sélection, en toute subjectivité, lagrandeparade.com en a retenu sept aussi sensationnels qu’indispensables… Bonne lecture à toutes et tous !
LE COUP DE COEUR
« Mère à l’horizon » de Jacques Gamblin
Il est né à Granville, en bord de Manche. On le connaît acteur au cinéma et au théâtre, avec un Ours d’argent à Berlin et deux Molière à Paris. Jacques Gamblin est aussi réputé lecteur magnifique au service de grands textes. Il a également écrit quelques livres fameux, dont le formidable « Toucher de la hanche » (1997). A 67 ans, il nous revient en primo-romancier avec l’impeccable « Mère à l’horizon ». L’auteur arrive par le train de 16h37, envoie un SMS, demande si elle sera « à la gare malgré tout pour m’accueillir ? » Deux pages plus loin : « Je ne sais rien de ma mère, de son enfance, quelques photos jaunies, avec sa bouée sur la plage… » Au fil des pages, Gamblin pratique l’alternance- le passé recomposé de sa mère qui, ayant perdu l’audition et la mémoire, est « tombée dans le silence », et des réflexions de sa vie artistique à lui. Avec une élégance rare, il déroule une « lettre à mère » qui prend, de temps à autre, des touches de lettre amère… De toutes ces pages, transpire une immense tendresse, un bel amour. Jamais de condescendance du fils face à cette mère grandement diminuée. Granville- Paris et retour, « le bocage défile. La pluie commence à tomber, tranquillement, sans excès, normal quoi », constate le fils-narrateur. Il y a dans ce texte aussi délicieux qu’émouvant l’odeur de la mer, la rumeur d’un théâtre vide, l’enfance et la poésie… et aussi ces corps vulnérables, cette légèreté des êtres- cette légèreté qui nous fait promettre : « l’année prochaine sur la grève »…
« Mère à l’horizon »
Auteur : Jacques Gamblin
Editions : Robert Laffont
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ET AUSSI…
« Le vent passe et la nuit aussi » de Milena Agus
Comme un mot d’ordre : « Littératurez votre existence ! » Parce que rêver est un droit, comme le suggère l’écrivaine italienne (plus précisément, sarde) Milena Agus dans son nouveau roman au titre superbe : « Le vent passe et la nuit aussi ». Soit Cosima, une jeune fille qiu vit la semaine à Cagliari et rejoint en fin de semaine le village où vit sa grand-mère. En chemin, elle croise Constantino Sole, son voisin berger. Lui invente une vie comme Heathcliff, le héros des « Hauts de Hurlevent ». L’imagine montant à cheval dans un roman où elle vibre de passion pour lui… Dans « Le vent passe… », grandement inspirée, Milena Agus ne manque pas de rendre également hommage à Grazia Deledda, prix Nobel de littérature 1926… Résultat : un roman entre rêve et poésie.
« Le vent passe et la nuit aussi »
Auteure : Milena Agus
Editions : Liana Levi
« Nation cannibale » d’In Koli Jean Bofane
Il y a un scandale- conséquence : en mal d’inspiration, le romancier médiocre congolais Faust Losikiya doit fuir la France. Il file vers Haïti, arrive à l’aéroport de Port-au-Prince, ne comprend pas qu’il n’y a pas le soleil comme en son Congo. Début du formidable « Nation cannibale », quatrième roman d’In Koli Jean Bofane, né en République démocratique du Congo et vivant en Belgique. Le romancier médiocre s’est mis en tête de comprendre comment au XIXe siècle, le soulèvement de captifs déportés d’Afrique a installé une république démocratique. Dans sa quête, il va retrouver de vieux amis. De sacrés personnages- un écrivain-journaliste, un sculpteur… Il va aussi croiser un prêtre vodou, une climatologue inquiète, un ancien combattant congolais de 140 ans…
« Nation cannibale »
Auteur : In Koli Jean Bofane
Editions : Denoël
« La loi du moins fort » de David Ducreux Sincey
Ce pourrait être le roman de l’emprise. Ou celui de la mère à mort. Ce pourrait, et c’est aussi le grand roman d’une liberté. Très certainement un des meilleurs premiers romans de cette rentrée d’hiver 2025, « La loi du moins fort » est signé David Ducreux Sincey, longtemps attaché de presse littéraire à Paris. Le narrateur se rappelle, il devait « avoir 6 ou 7 ans à ce moment-là et mon ambition n’était pas de me faire des copains ou de m’amuser ». Il cherchait avant tout celui qui aurait le courage du « seul dénouement possible : la mise à mort de ma mère ». Il le trouve en la personne de Romain Poisson qui lui enseigne tant et tant de la vie. Dans des pages épicées à l’humour, transpire une écriture âpre et amorale. C’est follement vertigineux et monstrueux !
« La loi du moins fort »
Auteur : David Ducreux Sincey
Editons : Gallimard
« Ravagés de splendeur » de Guillaume Lebrun
Après une version queer et hallucinée de l’histoire de Jeanne d’Arc dans « Fantaisies guérillères » (2022), Guillaume Lebrun est de retour. Lui qui élève des insectes dans le sud de la France revient avec un nouveau texte aussi audacieux que transgressif : « Ravagés de splendeur ». Soit Héliogable, empereur roman au début du IIIe siècle. Son règne, court, va déborder de rage et de fureur. Il fait entrer les femmes au Sénat, épouse la grande Vestale Aquila et tombe amoureux un ancien esclave grec- avec les deux, il forme un trouple. Il demande également qu’on l’appelle non pas Empereur mais Impératrice. Et jusqu’à sa mort, il instaure la liberté totale : sexuelle, de culte et d’être. Allègrement déjanté, « Ravagés de splendeur » réussit le grand mix entre « Astérix » et Madonna.
« Ravagés de splendeur »
Auteur : Guillaume Lebrun
Editions : Christian Bourgois
« Les Grands Bruits » de Marente de Moor
Tenue pour l’une des plus remarquables écrivains contemporains des Pays-Bas, après « La Vierge néerlandaise » (2023), Marente de Moor revient en VF avec un deuxième roman, « Les Grands Bruits ». Direction l’ouest de la Russie, dans un village abandonné. Là, la nature envahit de plus en plus l’espace ; là, vivent Nadia et Lev- entre eux, c’est tendu. Depuis quelque temps, d’étranges bruits dans le ciel et la forêt, « comme si Dieu poussait les meubles » tandis que Nadia raconte son histoire, surgit de l’Ouest une femme, Esther, qu’elle voudrait tant oublier. D’une écriture aussi mystérieuse que sauvage, Marente de Moor (traduite en seize langues) esquisse le portrait d’une femme face à différents choix, d’une conscience féminine en colère.
« Les Grands Bruits »
Auteure : Marente de Moor
Editions : Les Argonautes
« J’emporterai le feu » de Leïla Slimani
Le voici donc enfin le tant attendu troisième volume de la trilogie à succès, « Le pays des autres ». En cette rentrée d’hiver, Leïla Slimani (prix Goncourt 2016 pour « Chanson douce ») met donc un terme à sa saga avec « J’emporterai le feu. » Dans cet ultime volet, en personnages principaux, Mia et Inès, enfants de la troisième génération de la famille Belhaj, nées dans les années 1980. A l’exemple de leur grand-mère Mathilde, de leur mère Aïcha ou de leur tante Selma, pour la liberté, elles sont prêtes à la solitude ou à l’exil- ainsi, Mia, étudiante à Paris, va son homosexualité sans se cacher… Une liberté qui, toutefois, a un prix : il faut apprendre les codes, passer outre les préjugés, combattre parfois le racisme… Confidence de l’auteure : « raconter l’histoire récente de mon pays, mais pas d’un seul point de vue ».
« J’emporterai le feu »
Auteure : Leïla Slimani
Editions : Gallimard
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Le parfum des fleurs la nuit : Leïla Slimani à l’isolement au musée…
« Le Pays des autres » de Leïla Slimani : amour et guerre…