Gauguin-Van Gogh : une orageuse amitié
- Écrit par : Christian Kazandjian
Par Christian Kazandjian - Lagrandeparade.com/ Gauguin et Van Gogh à Arles : une cohabitation tumultueuse, une collaboration fébrile et fructueuse
La pièce Gauguin-Van Gogh embrasse les deux mois –du 23 octobre-au 23 décembre 1888- durant lesquels deux monstres sacrés de la peinture ont cohabité à Arles. Vincent Van Gogh, qui vit à Arles depuis février de la même année, invite son aîné de cinq ans qu’il admire, à créer, avec d’autres, une maison d’artistes. Dès le début leur vision de la peinture les oppose : Van Gogh cherche ses modèles dans la nature, sous le soleil radieux de Provence, quand Gauguin ne jure que par l’atelier et l’imagination. Leur désaccord s’étend à leur mode de vie, la nourriture, les habits, les voyages (Gauguin, ancien marin a bourlingué, tandis que Van Gogh a confiné ses déplacements à l’Europe) ; et l’aîné est marié et père de cinq enfants, quand son cadet est célibataire. Seule les réunit leur appétence pour l’alcool et les prostituées qui peuplent le quartier où se trouve la « maison jaune » de Vincent. Les disputes succèdent aux phases de quasi euphorie dans laquelle les plonge leur travail, bien que Van Gogh se considère comme un raté, au fur et à mesure que son état psychique se dégrade : il en arrive à voir dans les toiles de son invité, une critique acerbe de sa personnalité. Malgré les tensions, ils réalisent une série de tableaux consacrés aux Alyscamps : de ces conflits artistiques naitront cependant des œuvres qui, aujourd’hui, affolent les ventes aux enchères. Le drame latent culmine lorsque Gauguin peint Van Gogh peignant des tournesols. Ce dernier y voit une énième attaque de celui qu’il considérait pourtant comme un maître. La violente dispute qui suit précipite le départ de Gauguin. Quant à Van Gogh, il se tranche l’oreille gauche : cela donnera, l’année suivante, le célèbre Autoportrait à l’oreille bandée.
Génie et amitié
Les auteurs David Haziot et Cliff Paillé, qui met en scène avec Noémie Alzieu, se sont attachés à coller à la vérité historique. Il faut dire que la confrontation, en un temps et un espace réduits, entre les deux artistes, tient de la tragi-comédie. Ainsi, l’humour très présent au moment de mitiger les flambées dramatiques, permet de mieux cerner la personnalité, si différente, de chacun des protagonistes. Le décor de châssis, de toiles, dans certaines desquelles, ils semblent littéralement entrer, contribue à édifier la légende et à signifier la frénésie de peindre –surtout chez Van Gogh- des deux hommes. La partition musicale souligne les mouvements, réflexions et dialogues, parfois comiques, souvent tendus entre un Van Gogh cherchant encore sa voie et un Gauguin dont la notoriété va croissant. Quant aux deux comédiens, totalement investis dans leur rôle, ils sont épatants. William Mesguich offre un Van Gogh, tout de fragilité, de doute, de colères explosives, de folie latente. Alexantre Cattez joue, avec finesse, un Gauguin, quelque peu imbu de sa personne, chattemite, viveur. Entre les deux, le mariage parfait de l’eau et du feu.
Un spectacle à voir pour sa qualité d’interprétation, et pour ce qu’il dévoile d’un épisode, pas des plus connus de la vie de deux peintres qui ont, chacun dans sa manière et son style, révolutionné leur art.
Gauguin-Van Gogh
De : Cliff Paillé et David Haziot
Mise en scène : Cliff Paillé et Noémie Alzieu
Avec Alexandre Cattez et William Mesguich
Scénographie : Cliff Paillé
Décor : Alain Villette
Lumières : Yannick Prévost
Costumes : Maxence Rapetti
Production : Cie He Psst
Partenaires : Cie la petite étoile
Soutiens : Centres culturels Athénée Rueil-Malmaison, Jean Vilar Marly-le-Roi, Alexis Peyret Serres-Castet et Villes de Billère et de Pau© Cédric Tarnopol
Dates et lieux des représentations:
- Jusqu’au 16 novembre 2025 au Théâtre du Lucernaire, Paris6e (01.45.44.57.34.) du mercredi 18h30 au dimanche 15h.