Costa brava, Lebanon : le Liban à charge et à décharge
- Écrit par : Romain Rougé
Par Romain Rougé - Lagrandeparade.com/ Présenté en compétition officielle du 43e Cinémed, le premier long-métrage de la réalisatrice libanaise Mounia Akl (auréolé du prix de la critique) est en salle depuis le 27 juillet 2022.
Une famille libanaise s’installe dans la montagne pour fuir le chaos de Beyrouth. Là, ils mènent une existence écoconsciente et autosuffisante jusqu’à ce que la construction d’une décharge illégale ne vienne perturber leur tranquillité…
Engagé, prenant, onirique, Costa Brava, Lebanon est une étonnante pépite : il y a d’abord ses personnages complexes dessinés par une écriture subtile puis sa mise en scène, sublime. Il y a ensuite son propos (à charge) mêlant drame social, catastrophe environnementale et récit politique. La réalisatrice, de passage à Montpellier à l’occasion du Cinémed 2021, n’éludait d’ailleurs pas la résonance de son film avec l’actualité dramatique de son pays. Elle y dénonce la corruption (notamment dans le milieu des déchets) mais aussi l’incapacité de gouvernance. « En faisant ce film, j’ai imaginé le pire, une crise économique, écologique et politique de grande ampleur qui fait fuir les personnages… Pourtant, la réalité d’aujourd’hui est bien pire que la fiction », déplore Mounia Akl. Il faut dire que le tournage a brutalement été stoppé par l’explosion du port de Beyrouth en août 2020. Il aura fallu deux mois de deuil pour relancer la machine : « Un acte de résistance inconscient, un besoin d’avoir un objectif dans le tumulte », confesse la réalisatrice.
Costa Brava n’en est pas moins exempt de cocasserie (sacrée Rim !), de poésie (magnifique scène de déchets s’élevant vers d’autres cieux) et… d’ironie. Par exemple lorsqu’une imposante statue stalinienne apparaît pour dénoncer le culte du leader dans un pays où le gouvernement brille par son absence ou son immobilisme. « Ma génération, elle, veut juste une démocratie », renchérit la cinéaste de 33 ans. Loin d’être fataliste, le film explore une tristesse latente et une résilience forcée ou souhaitée chez trois générations de personnages, portés par des actrices et des acteurs saisissants d’épaisseur et de justesse. Certains sont remplis d’aigreur et souhaitent s’isoler du reste du monde quand d’autres auront envie de le découvrir ou de le reconstruire malgré tout. Mounia Akl, elle, admet être devenue un peu « cynique » sans pour autant cesser d’espérer : « Il faut que les choses changent, il faut sortir de ce système qui détruit le beau et les êtres humains » en décrivant un Beyrouth « fantôme » où « la tristesse s’est emparée de la ville ».
Un premier film au réalisme magique maitrisé, genre que Mounia Akl affectionne particulièrement pour « retranscrire les rêves et les espoirs ». Costa Brava, Lebanon regarde devant et laisse entrevoir un bel horizon pour la réalisatrice, le Liban et son cinéma.
Costa Brava, Lebanon
En salle depuis le 27 juillet
Réalisé par Mounia Akl
Ecrit par Mounia Akl et Clara Roquet
Le lien de la bande-annonce : https://www.youtube.com/watch?v=OIW7y7S6ya8