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Séraphine Louis : un catalogue et une expo…

  • Écrit par : Serge Bressan

séraphinePar Serge Bressan - Lagrandeparade.fr / Lancinante, la voix commente : « J’ai bien connu Séraphine. Je crois que j’ai le droit de parler un peu d’elle avec une certaine tendresse. C’est en 1924, elle passait souvent vers midi place Henri-IV. A cette époque, Séraphine était une paysanne d’environ 58 à 60 ans, de taille moyenne, robuste, avec un visage ridé constellé de taches de rousseur. Elle était chaussée de souliers d’homme, très propres. Sa jupe était très curieuse. C’était une jupe longue, noire… Elle refusait de parler de son art, elle disait : « La peinture, c’est ma vie, c’est la lumière. Pour vivre, il faut que je fasse des ménages »… » On est à Senlis, département de l’Oise. Au grand nord de Paris, en Picardie. On s’est glissé dans les pas de Séraphine Louis, qui sera surnommée Séraphine de Senlis. Née en 1864, morte en 1942, elle sera le personnage principal de Séraphine, le film que lui consacrera Martin Provost en 2008 avec, dans le rôle-titre, la grande Yolande Moreau (qui remportera, pour sa composition, le César de la meilleure comédienne).
Ces temps-ci, Séraphine Louis est à nouveau à l’honneur. Une exposition d’une trentaine de ses œuvres présentée par la galerie Dina Vierny, à Paris. Et aussi Séraphine Louis. Catalogue raisonné d’un œuvre peint, magnifique, étourdissant et indispensable livre-coffret résultat d’un travail de plusieurs années mené par Pierre Guénégan, qui fut directeur de plusieurs galeries d’art, collectionneur, expert près la Cour d’Appel de Paris, consultant près les Douanes françaises. Dans un récent entretien, il confiait : « Ce livre, je l’assimile à une enquête policière qui m’a mobilisé dix ans. Pour chaque tableau, j’en ai répertorié cent quinze, il faut collecter des renseignements, les vérifier, obtenir des précisions, avant de réaliser une fiche technique… Au fil de mes recherches, j’ai ainsi découvert deux études sur les motivations profondes de Séraphine… » Et d’esquisser le portrait de la peintre qu’il juge « hors du commun » et de cette femme « renfermée sur elle-même mais très exubérante, que rien ne prédestinait à devenir peintre ».
séraphineL’état-civil précise que Séraphine Louis est né le 3 septembre 1864 à Arsy, un village de l’Oise près de Compiègne. Le père, Antoine Louis, est « manouvrier » ; la mère, Victorime Mayard, est femme de journées, elle fait des ménages. Quatre enfants naîtront de cette union- Séraphine, la dernière, ne connaîtra que sa sœur aînée Argentine, les deux autres frère et sœur étant morts avant sa venue au monde, et lorsqu’elle an 1 ans, c’est leur mère qui meurt. Séraphine sera élevée par sa sœur aînée… A 10 ans, elle est placée comme servante dans des fermes. A 18 ans, elle se retrouve au couvent des Sœurs de la Charité de la Providence à Clermont-de-l’Oise, elle y est « bonne à tout faire » pendant une vingtaine d’années avant de partir pour Senlis où elle est femme de ménage chez les petits-bourgeois. « C’est à cette époque que l’artiste naît, affirme Pierre Guénégan. Le jour, elle effectue « ses travaux noirs », selon ses propres termes et, la nuit, illuminée par la Vierge et les anges, qui lui ordonnent de peindre, elle réalise des tableaux… » En peinture, Séraphine Louis est une autodidacte. Femme de peu de moyens, elle fabrique ses couleurs elle-même, achète un pot de peinture et y mélange des herbes, du sang, de la terre… Encore Pierre Guénégan : « Elle ne révélera jamais ses secrets. Mais, petit à petit, elle atteint le merveilleux ».
En 1913 à Senlis, c’est le collectionneur et marchand d’art allemand Wilhelm Uhde qui l’emploie comme femme de ménage. Elle a alors 48 ans. Il a remarqué chez des notables de la ville une petite toile peinte sur bois, quelle n’est pas sa stupéfaction lorsqu’il apprend que son auteure n’est autre que Séraphine… Séraphine Louis, celle que, plus tard, on qualifiera de « femme de ménage et figure de la peinture moderne », il l’accompagne vers le succès en subvenant à ses besoins et, un jour, évoquera une « confession extatique » pour définir l’ardeur et la ferveur de ses tableaux, que l’on définit comme naïfs ou encore primitifs et qui éblouissent par le sens du détail, la légèreté, l’abondance. Surgissent alors d’étonnants bouquets surréalistes, des feuilles, des fruits, des fleurs, des marguerites, un arbre de vie avec des feuilles d’automne, un orange et son feuillage, une autre orange et un quartier d’orange… Dans les moindres détails de ses peintures, Séraphine nous fait des clins d’œil. Et vite, on la classe dans un « club » où l’on retrouve d’autres artistes que l’on dit « naïfs » : le Douanier Rousseau, André Bauchant, Camille Bombois ou encore Louis Vivin.
Mais la belle histoire de la « femme de ménage peintre » va s’achever le 31 janvier 1932. Victime de la crise financière de 1929, Wilhelm Uhde ne peut plus accompagner Séraphine Louis. Elle plonge dans la dépression. Elle est internée à l’hôpital psychiatrique de Clermont-de-l’Oise, puis à son annexe, à Villers-sur-Erquery. Elle cesse de peindre, écrit de nombreuses lettres pour se plaindre- des lettres, pour la plupart, reproduites dans le Catalogue raison d’un œuvre peint. Un jour, elle annonce : « On ne fait pas de l’art dans ces endroits-là ». Elle ne peint plus, ne veut plus peindre. Elle écrit des lettres qui ne sont pas postées et qui, de n ombreuses années plus tard, seront retrouvées dans le grenier de l’asile, dans une boîte à chaussures. Des lettres qu’elle signait : « Séraphine Louis-Maillard sans Rivâle ». Comme pour dire, comme le pense Pierre Guénégan : « Je suis unique »…
Le 11 décembre 1942, Séraphine Louis meurt dans la misère. Elle est enterrée dans la fosse commune du cimetière de Clermont-de-l’Oise...

séraphineA lire
-Séraphine Louis. Catalogue raisonné de l’œuvre peint, sous la direction de Pierre Guénégan. Edition bilingue français- anglais. Editions Lanwell & Leeds Ltd, 395 pages, 120 €..

A voir 
-Séraphine. Exposition à la Galerie Dina Vierny. 36 rue Jacob, Paris 6ème. Du mardi au samedi, de 10H à 18H. Jusqu’au 31 juillet 2021.
01 42 60 23 18.  www.galeriedinavierny.fr

A (re)voir
-Séraphine, film de Martin Provost. 2008, 2h05. Avec Yolande Moreau, Ulrich Tukur, Anne Bennent,… DVD TF1 Video.

 

 


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