Par Serge Bressan - Lagrandeparade.fr / Trois suggestions de lecture pour cette semaine. D’abord, on commence par une plongée dans Venise avec, pour guide, Evelyne Dress et un texte mêlant thriller et histoire d’amour. On enchaîne avec Roselyne Febvre qui remet en lumière une héroïne quelque peu oubliée, pourtant considérée comme « la Lawrence d’Arabie au féminin ». On boucle avec le formidable philosophe des sciences Etienne Klein pour une réflexion sur, entre autres, la naissance de la physique moderne. Bonne lecture !

EVELYNE DRESS : « Les silences de Venise »

La cinquantaine affirmée, Eva travaille dans une étude notariale à Paris. Passionnée de généalogie, elle sort à peine d’une rupture amoureuse. Elle a rendez-vous avec un homme riche, Georgio Scorfino, qui veut connaître qui il est. Il lui demande d’enquêter sur ses origines et son passé familial : pour cette quête d’identité, le prix d’Eva sera, lui assure-t-il, son prix. C’est le début du nouveau roman d’Evelyne Dress, « Les silences de Venise ». Et voici, dans les mots de la romancière et les pas d’Eva, lectrices et lecteurs débarquant dans la Sérénissime avec ces mots qui résonnent : « On ne sent jamais le prix de ce qu'on a, mais seulement de ce qu'on perd ». Dès lors, on va suivre Eva lancée dans une enquête généalogique, avec tous ses aléas, joies et désillusions. Parce que Scorfino n’est pas le vrai patronyme du personnage- de mairie de Venise en rencontres en synagogue, la généalogiste tente de percer le mystère Scorfino, elle y parviendra… Dans le même temps que l’avancement de l’enquête, Evelyne Dress glisse habilement les états d’âme et les questionnements d’Eva qui va à nouveau connaître l’amour avec un jeune musicien de trente ans de moins qu’elle, puis avec Georgino. Ultime plaisir de ce roman : la balade dans cette Venise qu’Evelyne Dress aime et connaît par cœur.

« Les silences de Venise »
Auteure : Evelyne Dress
Editions Glyphe
180 pages
Prix : 18 €.

Pour prolonger sur l'autrice: 

Une semaine de lecture avec Evelyne Dress, Bernardine Evaristo et Philippe Ridet

Une semaine de lecture avec Evelyne Dress, Paul Fournel et Régis Wargnier

ROSELYNE FEBVRE : « Le pacte du désert »

Comme de tradition dans l’Angleterre du carrefour des XIXe et XXe siècles, sa famille la voulait mariée. Diplômée d’Oxford en histoire moderne, Gertrude Bell- née en 1868, en décidera autrement, comme le rappelle Roselyne Febvre dans la biographie romancée qu’elle lui consacre, « Le pacte du désert ». Elle quitte l’Angleterre, direction le Moyen-Orient. Femme brillante, elle est archéologue, diplomate, accessoirement espionne… Elle aimera follement deux hommes, le premier terrassé par une pneumonie, le second tué au combat. Dans une région où, alors, la géopolitique était plus que floue, elle convaincra le secrétaire d’Etat aux colonies- un certain Winston Churchill, de créer ce pays qui deviendra l’Irak et d’y installer le roi Fayçal Ibn Hussein. Ce qui lui vaudra le surnom de « faiseuse de rois », même si en 1921 lors de la Conférence du Caire, elle est sur la photo la seule femme parmi l’aéropage d’hommes… Par une astuce technique, Roselyne Febvre fait raconter son héroïne par une jeune fille dont l’aïeul fut le guide de Gertrude Bell. L’auteure ne manque pas, non plus, d’évoquer avec élégance la majestuosité des paysages, de Jérusalem à Petra, tout en rappelant que Gertrude Bell a joué essentiel un rôle essentiel au Moyen-Orient, ce qui lui fait dire : « Elle est la Lawrence d’Arabie au féminin »…

« Le pacte du désert »
Auteure : Roselyne Febvre
Editions du Rocher
360 pages
Prix : 21,90 €.

ETIENNE KLEIN : « Transports physiques »

Sur son CV, des lignes impressionnantes : professeur à l'École centrale, docteur en philosophie des sciences et directeur du Laboratoire de recherche sur les sciences de la matière au Commissariat à l'énergie atomique (CEA). Sans oublier qu’il écrit- beaucoup. Après Courts-circuits (2023), Etienne Klein nous glisse Transports physiques- un texte sur, entre autres, la naissance de la physique moderne. Notre auteur sait aussi manier l’humour- ainsi, en ouverture : « Ce livre est dédié aux physiciens, aux alpinistes, à tous ceux qui vont se faire voir ailleurs, d’une manière ou d’une autre ». Il peut même affirmer : « Les sciences donnent de la joie ». Ainsi, ayant précisé que « le mot ‘’physique’’ a ceci de rare qu’il existe à la fois au masculin et au féminin : il y a le physique et la physique. D’où deux sortes de ‘’culture physique’’, aux contenus fort différents, d’ailleurs séparées bien comme il faut dans le système éducatif », il déroule quatre parties : corps et cerveau, la non-séparabilité en actes ; du « moi » comme un quasi-cachot, la physique ou l’art d’abattre la bureaucratie des apparences, et quel devenir pour nos corps-esprits ? Malicieux, Etienne Klein ne manque de rappeler qu’« il faut garder un esprit ouvert sur ce qui pourrait nous paraître absurde » !

« Transports physiques »
Auteur : Etienne Klein
Editions : Gallimard
210 pages
Prix : 20 €

Du même auteur: 

Une semaine de lecture avec Eliette Abécassis, Etienne Klein et Jacques Weber