Réédition : John Fante, le père spirituel de Bukowski
- Écrit par : Guillaume Chérel
Par Guillaume Chérel - Lagrandeparade.fr/ Mon chien stupide ; Demande à la poussière ; Bandini ; la Route de Los Angeles ; Les compagnons de la grappe ; Le vin de la jeunesse ; Rêves de Bunker Hill... Qui n'a pas lu ou entendu parler de ces titres ? Les éditions 10/18 ont eu l'heureuse idée de remettre en lumière l'oeuvre de John Fante (1909-1983), ce fils d'immigrés italiens, qui, au travers de son double, Arturo Bandini, n'a cessé de raconter le rêve américain : ses illusions et ses déboires. On ne trouvait plus les livres en poche, sauf en occasion, de celui qui a influencé certains écrivains de la beat generation, et surtout Charles Bukowski... Lequel a contribué à faire redécouvert John Fante.
La plupart de ses livres sont des romans autobiographiques. Ses parents étaient des immigrés italiens. Son père était maçon et sa mère était une catholique très croyante. Le grand rêve de John Fante/Arturo Bandini est de devenir écrivain. Un peu comme Jack Kerouac, au style pas si différent que ça, si l'on y regarde de plus près. Ces deux écrivains américains, d'origines étrangères (canuck/bretonne pour Kerouac) n'ont écrit qu'une histoire : la leur. Des fils de prolo qui tirent le diable par la queue pour s'en sortir, sans faire partie du troupeau. C'est, entre autres, ce qui a séduit Bukowski, employé de la Poste qui se décide enfin à tout laisser tomber pour écrire. Henry Miller est aussi passé par ce processus psychologique : pour eux écrire est à la fois une bouée de sauvetage, pour ne pas devenir fou, et une prise de risque sans alternative. Il faut réussir ou crever. Marche ou crève... Le credo du rêve américain. Où tout est possible mais pas sans y laisser des plumes.
Après quelques succès littéraires, John Fante a galéré. Devenu scénariste, Hollywood ne le fait plus travailler et ses livres se vendent peu. A la fin de sa vie, il souffre de diabète et devient aveugle. On lui ampute même une jambe... Mort en 1983, à 74 ans, il a eu quatre enfants, avec Joyce Smart, dont Dan Fante, qui deviendra écrivain également. Ce dernier a eu une relation tumultueuse avec son père. Il quitte le cocon familial pour New York, où il effectue de nombreux emplois précaires – comme son paternel – du genre laveur de carreaux, gardien de nuit, ou colporteur. Dan Fante décède en novembre 2015, à 71 ans, des suites d'un cancer.
John Fante, se rêvait en véritable américain, comme Kerouac, répétons-le. Ses origines familiales l'ont poursuivi toute sa vie, jusqu'à créer un complexe devenu central dans son œuvre. Il ira jusqu'à le renier sans sang de « rital » : « Tous ces objets font partie de l'héritage de mon père, et peu importe qui vient à la maison, mon père adore se planter à côté d'eux et plastronner. Alors je me mets en rogne contre lui. Je lui dis d'arrêter son cinéma de rital et d'être un vrai Américain », disait-il. Mais ce n'est rien comparé aux pages écrites sur sa mère, qu'il trouve aussi étouffante qu'une mère juive, avec l'humour à la Philip Roth, en prime.
C'est dans cette vie d'écrivain précaire, faite d'errance et de petits boulots, que Charles Bukowski trouvera son inspiration. Ses premières tentatives de publication, dans des revues, sont soldées par des échecs, mais c'est dans une bibliothèque, qu'il fréquente souvent à Los Angeles, qu'il fera la découverte de John Fante et s'identifier à Arturo Bandini. Il ira même jusqu'à pousser son éditeur, John Martin, à rééditer cet ouvrage et contribuera à la renaissance littéraire de son modèle. Lors d'une rencontre avec Bukowski, John Fante lui confiera : « La pire chose qui puisse arriver aux gens c'est l'amertume. Ils deviennent tous si amers. » S'il avait su, qu'à Paris, plus de trente ans après sa mort, en France, les éditions 10 / 18 allaient organiser une rencontre-lecture en son honneur, à la Maison de la Poésie (lundi 10 septembre 2018), ça l'aurait conforté dans l'idée qu'il a fait le bon choix... Même s'il n'a pas été un bon père pour Dan Fante, déjà presque oublié lui.
John Fante, réédité chez 10 /18 poche.
La Maison de la poésie ( 157 Rue Saint-Martin, 75003 Paris- - Téléphone : 01 44 54 53 00