Vent lointain : le printemps déstabilisant d’une Margaux Motin replongeant dans la vie de couple
- Écrit par : Julie Cadilhac
Par Julie Cadilhac - Lagrandeparade.com/ On la connaissait mère célibataire à l’indépendance chevillée au corps depuis La tectonique des plaques… Margaux Motin nous revient dans une toute autre configuration. Elle a en effet décidé de replonger dans la vie de couple et vit avec Paco les joies d’une famille recomposée. Tout ne se passe pas - hélas! - sans difficultés et très vite des orages viennent assombrir le ciel de leur nouveau cocon douillet. L’occasion pour Margaux de réfléchir à cette nouvelle situation et de peser les avantages et les inconvénients de chacune des options de vie possibles.
C’est toujours avec une belle dose d’espiéglerie et d’auto-dérision que l’autrice aborde son parcours de femme moderne! S’ajoutent dans ce premier opus du Printemps suivant de nouvelles émotions tangibles, celles afférentes à un sujet sensible qui cherche à en connaître davantage sur lui-même et se heurte à des réflexes qui viennent de loin.
Son dessin, vif et expressif, son franc parler délicieux, ses choix narratifs pertinents, offrent une véritable récréation de lecture! On aime particulièrement les planches où Margaux dresse des listes de pour et de contre, sa décoration de cailloux ( on veut les mêmes!), son approche du yoga, sa manière compulsive de dévaliser les magasins - même de jardinage! ….et surtout quand le vent tombe et que le ciel est clair….
On ne vous en dira pas plus...car on vous laisse le plaisir de découvrir les bonheurs et déboires de cette quarantenaire super chouette dont on suit les aventures commes celles d'une copine!
Une parenthèse sincère et drôle, pleine d’amour et de tendresse, dans laquelle l’identification et la connivence sont immédiates! A quand la suite?!
Le printemps suivant
Tome 1 : Vent lointain
Editions : Casterman
Autrice : Margaux Motin
Parution : 7 octobre 2020
Prix : 20€
Nous avons rencontré plusieurs fois Margaux Motin ces dernières années...
La tectonique des plaques : un auto-portrait tordant entre humour corrosif et tendresse ( juillet 2013)
Après J'aurais adoré être ethnologue et La théorie de la contorsion aux Editions Marabout, la blagueuse et illustratrice Margaux Motin revient avec La tectonique des plaques mais chez Delcourt cette fois… et ça secoue! Adepte du franc-parler et des confessions en toute transparence, elle y aborde toutes les misères et splendeurs quotidiennes d'une trentenaire "just divorced" et maman d'une adorable petite princesse. Entre humour corrosif et tendresse, Margaux Motin fait l'auto-portrait tordant de la nouvelle génération des célibataires avec enfant(s). Un album léger et drôle où les responsabilités de grandes personnes riment avec sexe, amour et rock n'roll….et ça fait du bien!

En 2011/2012, vous aviez 33 ans…. Certains disent que lorsqu'on atteint l'âge du Christ, on vit des bouleversements dans sa vie… On y est tout à fait là ...

Oui mais c'est connu, c'est dans la Bible, la constitution, la Déclaration des droits de l'homme, le Code pénal, et tous les bons horoscopes: à 33 ans tu passes un cap, aucun retour en arrière possible. Tu vas mourir et renaître, en plus vieille, plus fatiguée, mais plus détendue du slip.
Raconter sa vie, même si on l'édulcore de détails fantaisistes, ne donne pas parfois l'impression d'en être dépossédé(e)?

Non non, je suis une grande maniaque, tout est parfaitement compartimenté, rien ne m'échappe que je n'ai pas laissé filer.
C'est un album qui offre de nombreuses parenthèses poétiques : s'il fallait citer un poète, lequel serait-ce? et un vers (ou deux )?

Paul Eluard. " À jamais sur terre, tout remue et chante, change et prend plaisir"
La poésie est-elle un genre littéraire dans lequel vous plongez en temps de crise?…Où est-ce simplement dans les mots de certains poètes que vous trouvez la meilleure façon d'exprimer ce que vous ressentez?

Ni l'un ni l'autre, ou les deux à la fois. J'ai toujours eu des recueils de poésie, j'ai toujours aimé ça. À la maison on s'entraîne à parler en rimes. Ça a plus d'allure.
Votre personnage est une somme de paradoxes charmants : vous vous jugez dans la normale ou votre nature d'artiste multiplie votre coefficient de contradiction selon vous?

Oui, mais non.
Célibataire et en couple : deux statuts que vous opposez….Le passage de l'un à l'autre produit-il une amnésie selon vous?

Un black out total même. J'oublie tout, c'est un lendemain de cuite à chaque fois. Mais c'est une chance. Ma capacité à oublier le passé me permet de toujours croire au présent.
La tectonique des plaques, c'est un euphémisme pour qualifier toutes les pressions auxquelles est soumise une maman célibataire 24h sur 24?

Pas tant que ça. La tectonique des plaques c'est surtout le changement, le grand mouvement qu'il faut accepter de suivre en lâchant prise, en arrêtant de vouloir tout contrôler, en laissant tomber ce besoin auto imposé de supporter les pressions. C'est quand mon personnage accepte de dériver avec ses continents qu'elle arrête de subir la pression.
Au fait, c'est quoi la journée idéale de Margaux Motin? Comment mettez-vous votre tectonique en veille?

En l'écoutant au contraire. Je suis maintenant très à l'écoute de ma nature profonde. Et ma nature profonde c'est Hakuna Matata. On va y aller tranquille, pas se mettre trop la pression, donner le meilleur de soi-même dans des conditions de plaisir optimales pour une bonne et belle vie de kiffe.
La culpabilité - notamment vis-à -vis de votre statut de mère - est un sentiment qui anime souvent les pages de votre album… Avez-vous lu le guide du mauvais père de Guy Delisle? L'auteur de bd est-il particulièrement angoissé d'être un mauvais parent du fait de son statut d'artiste qui le catégorie souvent comme un adulte rebelle à l'idée de grandir?

Non je ne l'ai pas lu. La culpabilité, moi, c'est surtout ce qui me tombe dessus quand je me fixe des objectifs surréalistes et que bien entendu je ne les atteins pas. Depuis que j'ai accepté que parfois je suis une mère en or, parfois une ado attardée, parfois une gosse de 5 ans, le tout parfois dans la même journée, et que j'arrête de vouloir coller à l'image que les autres, même ma fille, se font de moi, et bien je vais VACHEMENT MIEUX merci.
Enfin… que souhaiter à Margaux en 2013 ? un mariage, un autre bambin, de nouvelles aventures éditoriales? 

Une maison au milieu des arbres et des oiseaux pour mettre toute ma famille recomposée dedans, et l'envie, l'envie d'avoir toujours envie.
Le lien du blog de Margaux Motin
Margaux Motin: une illustratrice adepte du franc parler ( décembre 2010)
Bonjour Margaux, tout a commencé par, un max de clopes et de caféine, un oui de Muteen et une tenace envie de publier....?
A peu de choses près! je ne suis pas née avec le pouvoir de projection, ma vision à long terme ne dépasse pas les 15 jours, l'envie tenace, c'était juste de bosser pour ce magazine, là tout de suite maintenant, parce que ça m'excitait, pas d'être publiée.
Adepte du franc-parler? Est-ce par naturel ou par provocation?
Par naturel et par éducation. On a toujours parlé de tout en toute liberté et sans prendre de gants, à la maison. J'ai appris à appeler un chat un chat et de toutes façons, je suis un organisme qui ne peut s'épanouir qu'en milieu transparent. J'ai horreur des non dits. j'ai pas le temps. J'aime que les choses soient claires, quitte a être " differentes" dans les 5 minutes. Je préfère quelqu'un qui me dit une vérité, un truc clair et sincère, tout de suite, et qui change d'avis après, que quelqu'un qui tourne mille ans autour du pot.
Un tantinet féministe? ou juste libérée et décomplexée?
J'en sais rien, je ne me pose pas la question en ces termes. Je suis juste moi, au plus près de celle que je suis, sans détour; ça peut heurter, mais ça n'est pas une revendication. Je ne peux pas me prétendre féministe, je n'en sais pas assez sur le sujet. c'est un truc bien plus complexe qu'il n'y parait, le féminisme. Et moi je n'ai pas creusé. Je suis juste une fille qui aime être qui elle veut sans se bagarrer avec le reste de l'univers.
Votre sujet de prédilection: vous-même? L'artiste est-il, par définition, égocentré?
Je crois juste qu'en ce qui me concerne, je suis en apprentissage, et je fais donc de moi même mon sujet d'étude. C'est plus simple, je l'ai sous la main, j'ai plein d'histoires à me raconter, et je suis toujours au plus près de mon personnage. Un jour j'en aurai appris suffisamment pour parler de quelqu'un d'autre.
Vos interlocuteurs-blogueurs sont très présents dans vos bouquins...croyez-vous fort en le lien virtuel?
Mais qu'est ce que c'est que ça, mes "interlocuteurs blogueurs"? Non, je ne crois absolument pas au lien virtuel. Moi j'ai besoin de palper de la chair pour aimer l'autre. J'ai rencontré des gens, de vrais amis, grâce à Internet, mais je les ai aimés grâce à la vraie vie avec des apéros dedans, des vacances, des câlins, des rires et des larmes.
L'art de la chute et de la brièveté: sont-ce les deux qualités essentielles d'une blogueuse?
Ben disons que chez une blogueuse mode par exemple, l'art de la chute et la brièveté, ça peut donner une fille en mini jupe qui se casse la gueule, et ça , ça craint.
Le travail du blogueur n'a-t-il pas des affinités avec celui du dessin de presse?
Si bien sûr. Sauf que tu choisis de quoi tu parles.
Ne parlez-vous jamais que des tracas féminins, des rapports de couple? La sphère politique, par exemple, ne vous a jamais attirée? Dessiner un ministre qui patauge ou un syndicat en déroute?
Pour quoi faire? ça m'emmerde la politique. Pour le coup, ça manque cruellement de franc parler. J'ai pas envie de parler d'un truc dont je n'ai jamais que le quart des infos et encore, souvent altérées. D'autres font ça bien mieux que je ne pourrais jamais le faire. Chacun son boulot.
Allez, une question au hasard :ces Règlements intérieurs du bien s'habiller selon soi-même, d'où sont ils nés?
Bah. je devais être en lendemain de cuite à tous les coups.
Dans votre foirasse à la questionnasse, on découvre le secret de vos si jolis talons. Ce fétichisme de la chaussure, est-ce une sorte de compulsion au sortir de La théorie de la contorsionlongues périodes de castration devant son bureau? ou êtes-vous née avec le complexe de Cendrillon?
C'est très compulsif effectivement. Et c'est exactement ça: une libération, une soif à assouvir, un besoin d'air et de féminité pure après des jours en cheveux gras devant l'ordi.
Toute en contradictions, est-ce ainsi que vous définiriez votre personnage? est-ce votre reflet sensible de la société?
Bien sûr, c'est mon personnage. Mais c'est un peu chacun d'entre nous. Ma foi on en est tous là , à gérer nos incohérences, à vouloir un truc et son contraire. Je veux dire sinon, on serait des loutres. je ne m'aventurerai pas à parler de "reflet de la société".
Vous avez participé au dernier fluide.G et vous êtes même la créatrice de la dernière couverture...que peut-on trouver d'autre de vous dans ce numéro?
Bah rien! J'ai fait la couv, et j'ai bossé (un tout petit peu) sur notre 4 mains avec mon Twin, Pacco (qui a tout fait); c'est tout! Zéro photo de mes seins et aucun dessin de bite.
Enfin....et même si c'est drôlement gonflé de demander cela à une artiste overbookée ( comme si ces deux bouquins etc etc, ça n'était pas assez), avez-vous d'autres projets en cours?
Oui, je regarde Pacco écrire le scénar' de Very Bad Twinz qui va normalement sortir en BD, en réfléchissant intensément aux tenues que je vais faire porter a mon personnage...et j'entrevois l'éventualité d'écrire un truc dont j'ai vaguement le sujet, un jour. Sinon, poster sur le blog avant la fin de la semaine, et faire mon taff d'illustratrice en rendant mes commandes a l'heure!