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Les fourberies de Scapin : quand les mots de Molière se mêlent à la culture jeune actuelle

  • Écrit par : Victor Waque

fourberies de scapinPar Victor Waqué - Lagrandeparade.com/ Le grand classique «Les fourberies de Scapin Â» est revisité au « théâtre 13 Â» pendant les quatre semaines à venir. Si l’histoire reste inchangée et que les textes sont en grande partie tirés de l’œuvre originale, la pièce est méconnaissable. Car la comédie n’a pas lieu au XVIIeme siècle. Non elle a lieu aujourd’hui, avec des jeunes qui aiment le rap, parlent vulgairement, et s’appuient sur une culture 2.0. Seuls l’amour et la haine autant que la recherche de justice traversent juvénilement les époques. Un spectacle rafraîchissant d’où jaillit la force et l’énergie de la jeunesse d’aujourd’hui.

« Les fourberies de Scapin Â» a été écrit par Molière en 1671. On y retrouve Léandre qui cherche à éviter le courroux de son père face à son mariage secret avec un égyptienne. On retrouve Scapin le valet facétieux. On y parle la langue de Molière. Ce sont des ducs, des nourrices et des valets qui tiennent les grands rôles. Les menaces sont portées à coup d’épées et l’on paye en pistoles. A priori pas évident de ré-actualiser dans le paysage contemporain cette histoire datée. C’est pourtant ce que va faire le metteur en scène Tigran Mekhitarian avec brio. Si le scénario respecte scrupuleusement Molière, c’est la mise en scène qui va transformer la pièce. La réprimande du père, les consultations de Scapin par les jeunes gens désemparés, les déclarations d’amour des amants, seule la forme change. Mais quel changement ! Au lieu de réciter des vers amoureux, les jeunes hommes prennent le micro et crachent leur texte sous un beat de rap soutenu. Les bourgeois sont parés des vêtements de nos adolescents. Survêtement Nike. Veste et pantalon noire. L’épée est remplacée par le couteau à cran. Au lieu de malmener son maître à coups de bâton, Scapin sort de son sac à dos une batte de baseball. Les mots du vieux français sont mêlés aux expressions actuelles à coup de « wesh Â», « vazi Â» et d’un vocabulaire coloré-trash mêlant vulgarité et images édifiantes. Le rapport au corps et à la sexualité est sans détour. Une culture franche, portée par les excès, remplace la distance et la respectabilité du XVIIeme siècle.

Le texte original est si respecté que les mots des comédiens sont parfois en décalage avec leurs gestes, comme c’est le cas lorsqu’un personnage parle de l’épée qu’il brandit alors qu’il tient en fait un revolver. Ils enchaînent les clins d’œil à Molière et à son époque. Ils interpellent le régisseur, interagissent avec le public. Les comédiens nous rappellent par petites touches que tout cela est faux, qu’ils en ont conscience et qu’on s’en moque bien !

Les comédiens sont jeunes, ils sont fougueux, et débordent d’énergie. Ils hurlent de désespoir lorsqu’ils apprennent que leurs parents sont de retour, ils crient de joie lorsque Scapin a réussi à manipuler leur père. Ils dansent, ondulent leurs hanches, sautent, chantent, courent, encore et encore. Une jeunesse libérée, délurée qui vit pleinement chaque action. Des comédiens qui se donnent totalement sur scène, et nous inondent de leur force.

Le parti pris de ce spectacle est de faire entrer la culture jeune actuelle dans une pièce d’un autre siècle. Le pari est osé. Assumé. Le rap et ses paroles parfois scabreuses, la violence des termes « pardonne moi j’voulais juste rentrer dans toi pas dans ta vie Â» (ici tirée du rappeur Dosseh), la lumière forte et clignotante, les excès en tout genre frisent parfois l’écÅ“urement. Pourtant, Tigran Mekhitarian trouve pour une grande partie de la pièce un subtil dosage.

Chez les spectateurs, des jeunes aux yeux ébahis sont hilares à chaque référence à leur culture. Des moins jeunes au regard plus circonspect découvrent une autre manière d’appréhender la vie. Façon cité. Un spectacle définitivement de notre époque pour une intrigue intemporelle.

LES FOURBERIES DE SCAPIN - ADAPTATION URBAINE ET DÉJANTÉE
De MOLIÈRE
Mise en scène : TIGRAN MEKHITARIAN
Avec Isabelle Andrzejewski, Alexia Hebrard, Charlotte Levy, Sébastien Gorski, Tigran Mekhitarian, Étienne Paliniewicz, Théo Navarro-Mussy, Samuel Yagoubi, Louka Meliava, Théo Askolovitch, Damien Sobieraff, Blanche Sottou, Axel Giudicelli, Pauline Huriet

Durée : 1h45 sans entracte, conseillé à partir de 7 ans (attention, ne convient pas aux personnes épileptiques - utilisation de lumières stroboscopiques)

Dates et lieux des représentations:  

- Du 12 MARS au 14 AVRIL 2019 au Théâtre 13 (30 rue du Chevaleret, 75013 Paris) - du mardi au samedi à 20h, le dimanche à 16h – relâche le lundi

 


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