Monsieur : une romance indienne grisante, façon Pretty Woman
- Écrit par : Julie Cadilhac
Par Julie Cadilhac - Lagrandeparade.fr/ Ratna vient de la campagne ; devenue veuve après seulement deux mois de mariage, elle est contrainte de travailler à la ville pour échapper à sa belle-famille qui accepte son indépendance en échange d’un envoi mensuel de roupies. Elle travaille comme servante chez Ashwin, le fils d'une riche famille de Mumbai. Ce dernier vient tout juste d’être quitté par sa fiancée Sabina à la veille de son mariage. Alors que tout semble à portée de main pour ce jeune homme né dans une caste aisée, il est perdu tandis que Ratna - qui n’a rien - fait preuve d’une force admirable. Ashwin vivait aux Etats-Unis avant le décès de son frère, était écrivain….et même s’il a « l’argent pour partir », il a le « devoir de rester » auprès de sa famille…et a renoncé à ses rêves. Peu à peu, sa sensibilité et son ouverture d’esprit le rapprochent de la jeune femme dont il admire la ténacité et le regard brillant d’espoir à l’idée de devenir un jour créatrice de mode….Quand deux êtres qui appartiennent à deux mondes que tout oppose cohabitent, parfois ils apprennent à se découvrir et l’inimaginable se produit…
Rohena Gera a imaginé une fiction attrayante car elle dépeint avec délicatesse et justesse la société indienne si pleine de contrastes et de grands écarts. On apprécie la manière dont elle amène avec pudeur le rapprochement et la complicité entre ces deux êtres que les conventions sociales séparent. La caméra joue avec des effets de cloison qui symbolisent tout à la fois l’isolement de deux protagonistes principaux et la séparation à laquelle leur situation sociale les soumet. Les rituels filmés de chaque journée invitent la familiarité à s’épanouir : des sandales que l’on ôte à l’entrée, les plats que l’on cuisine pour prendre soin de l’autre, les coups de fil de la mère envahissante que l’on évite.
Tillotama Shome incarne une Ratna lumineuse dont chaque sourire et larme attendrit; l’épanouissement croissant de son visage est un petit soleil que l’on remporte avec soi à la fin de la séance… Vivek Gomber est le gentleman de la situation, l’incarnation du « prince charmant », compréhensif, progressiste, doux et prévenant ; Geetanjali Kulkarni joue avec justesse les amies indispensables ; Chandrachoor Rai fait figure parfaite de la nouvelle jeunesse indienne moderne, arrogante et tiraillée entre son émancipation possible et sa culpabilité héritée…
Si quelques scènes plongent dans l’imaginaire de l’Inde - la séquence de Ganesh Chaturthi offre notamment des tableaux de fête superbes ; l’immeuble dans lequel vit la soeur de Ratna, avec ses façades blanches découpées des couleurs chatoyantes des draps et saris crée des images d’une belle esthétique et l’on découvre plusieurs scènes de la ville de nuit depuis les toits dans lesquelles le regard plonge à plaisir -, c’est surtout l’espace de l’appartement d’Ashwin qui sert de pièce essentielle à la narration.
« Monsieur »? Un long-métrage franco-indien qui séduira tous ceux qui aiment frissonner d’amour indicible…tensions palpables grisantes, humanité ragaillardissante…du cousu-main de qualité dont il serait idiot de bouder le plaisir!
Découvert en avant-première au Cinéma Diagonal ( Montpellier 34) dans le cadre de la 9ème édition du Festival organisée par l’association So-Bollywood.
Monsieur
Date de sortie : 26 décembre 2018
Durée : 1h 39min
Réalisatrice : Rohena Gera
Avec Tillotama Shome, Vivek Gomber, Geetanjali Kulkarni , Rahul Vohra, Divya Seth Shah, Chandrachoor Rai, Dilnaz Irani, Bhagyashree Pandit…
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