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La Harpiste des Terres rouges : un western horrifique qui marque l’imagination, brillant !

  • Écrit par : Sylvie Gagnère

harpistePar Sylvie Gagnère - Lagrandeparade.com/ Nacarat. Terre rouge, riche et dangereuse. Les colons rêvent de magie et d’or, les chasseurs de prime tuent les monstres pour revendre leurs organes, qui sont greffés à ceux qui veulent s’aventurer dans ces étendues sauvages.

Les greffes donnent des pouvoirs, aléatoires, aux effets souvent redoutables, transformant parfois les volontaires en véritables abominations. Au cœur de ce territoire, Symphonie, une région inexplorée où règne la Harpiste, une créature de cauchemar qui soumet et torture par la musique, orchestrant des spectacles atroces dont elle se délecte.

Abraham, à la mort de sa mère, décide de partir à la recherche de son frère, disparu dans cet enfer quelques années plus tôt. Pour affronter la Harpiste, il doit se trouver des alliés solides.
Sa rencontre avec le groupe de mercenaires de Belle lui fournit l’occasion qu’il attend. Tous ont subi une greffe, plus ou moins visible, dont le revers s’exprime la nuit, revers qu’ils doivent maîtriser pour ne pas sombrer ou mourir. Grâce à son savoir sur les chevaux (et la cuisine !) Abraham intègre la bande et apprend à connaître chacun de ses membres, leur pouvoir, leur motivation, leur histoire. Il n’oublie toutefois pas la raison première de sa venue : sauver son frère des griffes de la Harpie.

L’ambiance est typiquement celle du western : le saloon, l’hôtel, le vent qui tourbillonne, les chevaux, les trottoirs de bois, les pistoleros à la gâchette facile, on se sent comme dans un film de John Ford. Quand la bande s’aventure dans les Terres rouges, ce sont les parois rocheuses, les cactus, le soleil de plomb qui servent de décor. Toutefois, se mêle à ce décor quasi convenu, une dimension horrifique très vite perceptible, qui penche plutôt du côté de Freaks, de Tod Browning.
Trêve de références, l’univers d’Aurélie Wellenstein est unique, d’une originalité remarquable.
Elle confronte ses personnages à leur part d’ombre, tandis qu’ils se battent contre un ennemi qui incarne le mal, le vrai mal qui plane sur ce monde étrange, cette femme avec une tête de harpe, dont on ne saura au final pas grand-chose, hormis qu’elle réduit en esclavage tous ceux qui approchent, et les massacre par simple plaisir, semble-t-il. Pourtant, au fil des pages, les monstres ne sont peut-être pas ceux que l’on croyait, ou peut-être chacun porte-t-il en lui une forme d’abjection. Ni les protagonistes de ce roman, si ses lecteurs ne sont épargnés. C’est souvent brutal, voire pervers, mais cela a toujours un sens. Que l’autrice dénonce les violences faites aux femmes, ou la barbarie des hommes envers les chevaux, c’est encore le nécessaire respect qui est au cœur de son histoire.

Le récit prend le temps de s’installer, en nous permettant de mieux connaître les personnages, tous traités avec une intelligence et une subtilité remarquables, avec leurs faiblesses, leurs colères, leur amour, leur volonté. La traversée du désert est un cheminement au cœur de l’âme humaine, lumineuse et sombre, généreuse et cruelle. La deuxième partie du roman s’accélère franchement, avec des scènes d’une grande violence, et des moments d’une beauté envoûtante. Notre seul (petit) regret est la Harpiste, dont les motivations sont certes évoquées, mais peu. Nous aurions aimé voir cet aspect-là plus développé. L’autrice a choisi de se concentrer sur Abraham, et d’approfondir la part d’humanité chez l’animal, la part d’animalité chez l’humain. À juste titre sans doute, car il fait partie de ces personnages qui frappent l’imagination et le cœur, comme chacun de ses compagnons, fracassés par les horreurs qu’ils ont connues, mais gardant quelques fragments de bonté et d’amour

L’écriture est bluffante, nerveuse et vive pour suivre le mouvement de la narration, douce et sensuelle dans les moments de partage et de tendresse, sanglante et âpre dans les combats. Un roman qui marque et reste en mémoire. Longtemps.

La Harpiste des Terres rouges 
Autrice : Aurélie Wellenstein
Éditions : Fleuve
Date de sortie : 3 octobre 2024
Prix : 20,90 €


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