« Le jeu des possibles » : Bess ou la découverte du libre arbitre
- Écrit par : Guillaume Chérel
Par Guillaume Chérel - Lagrandeparade.com/ Seule et désespérée, A 25 ans, Bess met fin à ses jours et se réveille dans un lieu étrange, un monde suspendu où chaque fragment de son existence passée, ou présente, est enregistré.
Reste le fameux champ (et chant) des possibles… Car un homme l'attend, qui se présente comme son « chargé d'évolution ». Nous sommes en plein dans le thème du développement personnel, et du « feel-good-book » (le style d’écriture est à avenant, ça tire à la ligne), sauf qu’au contraire de myriade d’influenceuses, de « romances » à l’eau de rose, qui pullulent sur TikTok, Bénédicte La Capria sait de quoi elle parle.
Ça faisait longtemps qu’elle ne croyait plus au Prince Charmant, lorsqu’elle a vécu une belle histoire d’amour « platonique » (dixit), avec le chanteur Christophe, à qui son fils, Mattéo (18 ans), était venu proposer de faire un film, après un concert. Grand « amateur de femmes » (malgré sa petite taille), comme on disait avant #MeToo, la vedette de la chanson lui a proposé de lui présenter sa mère (pourvue d’un joli minois, il est vrai) : « Avant lui, je n'étais rien, j'étais pauvre de tout », confesse celle qui tenait la caisse d’une salle de cinéma (MK2) et n'avait pourtant rien d'une groupie.
Bénédicte La Capria s’intéressait plutôt aux écrivains (ceci explique cela), avant de partager un bout de (fin) de vie, sans être considérée comme une des amantes « officielles », de cet artiste à l’ancienne, pas seulement pour son âge (plus de 70 ans, quand elle le rencontre, à la quarantaine), aussi par sa manière de vivre (seul Michel Polnareff le dépasse sur ce point) - la nuit, essentiellement, au-dessus de ses moyens : une popstar, quoi – et de mourir (seul, pendant l’épidémie de Covid). De cette expérience, elle a su tirer un livre touchant (« Christoph Intime », Albin Michel, 2022) qui lui a mis le pied à l’étrier – il faut dire ce qui est -, tout en l’inspirant.
Vivre dans l’ombre d’une star – afin d’atteindre la lumière (la métaphore parfaite), qu’elle ne voyait presque jamais, depuis son petit appartement, en rez-de-chaussée, de Montreuil – lui a permis de comprendre que pour avoir le sentiment d’exister, il ne suffit pas d’être « reconnue » (pour son travail). Il faut s’accepter telle qu’on est, tout en s’arrogeant le droit de tout tenter pour s’exprimer. L’essentiel étant d’essayer, afin de n’avoir aucun regret. Le « Marius », censé être son « chargé d’évolution » a beau lui parler de « conscience », de « conditionnement », et de « réalités invisibles à nos sens », il est question de libre-arbitre, et c’est sans doute Christophe, en quelque sorte, qui continue de communiquer avec elle, depuis l’au-delà (moins « chaudement » que lors de son vivant, via des SMS érotico-poétiques). Morale de l’histoire, pour se libérer du poids du passé, Bess/Bénédicte semble avoir compris que c’est elle qu’elle doit transformer, pour ne plus subir sa vie. Mais au contraire la choisir. La liberté se gagne de haute lutte. Certain.e.s font des psychothérapies pour y arriver. D’autres écrivent des livres (pour mieux se connaitre, se retrouver). Bénédicte La Capria avait déjà un nom d’artiste. La voila déesse de sa propre histoire. Maintenant, le plus dur commence, si elle veut créer une œuvre qui dure.
Le jeu des possibles
Editions : Albin Michel
Collection : Jouvence
Auteure : Bénédicte La Capria
368 pages
Prix : 17, 95 €
Parution : 10 octobre 2025