Cavalier noir : Philippe Bordas en exil amoureux
- Écrit par : Serge Bressan
Par Serge Bressan - Lagrandeparade.fr / Voilà déjà quelques années dans la foulée de « Chant furieux » (2014), un texte consacré à Zinédine Zidane, il confiait écrire dans un français « à tronc fort et fines ramures ». On retrouve Philippe Bordas pour un nouveau roman, sobrement titré « Cavalier noir »- le livre d’un écorché vif, d’un grand lyrique dont on ferait volontiers un compagnon de rêverie. En prépa littéraire, avec un autre élève venu de banlieue, Bordas jeune « faisait peur aux gens. C'était un vrai plaisir de terroriser les imbéciles ». Désespéré parce que confronté aux insuffisances de la vie qui va, il a suivi les courses cyclistes (il voulait venger Bernard Hinault !), a photographié MC Solaar et l’Afrique. Il écrit des romans d’exigence. Il vénère la langue française et, dans cet immense texte qu’est « Cavalier noir », il la caresse, la câline- elle y est sensuelle, charnelle. L’histoire du roman est toute simple, quasi banale, basée sur l’exil amoureux : après avoir cru trouver le « haut français absolu » dans les classes préparatoires, pour bagages son vélo et ses écrits, un matin, le narrateur monte dans le train à Paris, « mon cœur s’est descellé de Paris », traversée des brumes, des forêts et des paysages fantômés par les romantiques allemands, arrivée à Heidelberg où, dans un chalet perché, il retrouve Mylena, jeune femme aussi solaire que musicale. Nouvel amour, réminiscences d’une existence de « malparleur » et d’« une promesse de haute langue française »… Qu’on se le dise encore et encore, Bordas est un magnifique écrivain, il n’a pas son pareil pour jongler avec l’épique et le lyrique tout en poussant la langue écrite à son degré ultime. « Cavalier noir », le roman parfait de l’amour d’une femme et de l’amour du français. Le roman de la sensualité, de la pureté, de la clairvoyance. De la flamboyance, de la sidération, de la singularité. De l’élégance ultime.
Cavalier noir
Auteur : Philippe Bordas
Editions : Gallimard
Parution : 4 février 2021
Prix : 21 €
[bt_quote style="default" width="0"] A m’enfuir et glisser de parlures en autres, du pidgin des cités vers les proses de feu de l’idiome des mômes vers ce que je crus l’autel du haut français, je me suis défait des groupes et dessaisi de moi. Le goût m’est passé d’entrer dans un médaillon. J’ai perdu l’écorce et j’ai perdu la chair. Je suis né sans vernis et mourrai sans que cesse la mue.[/bt_quote]