Exit West : Mohsin Hamid, histoire d’amour et « crise des migrants »
- Écrit par : Serge Bressan
Par Serge Bressan - Lagrandeparade.fr / Pour décor, une grande ville, quelque part au Moyen-Orient (Syrie, peut-être Afghanistan ou encore Pakistan, on n’en saura rien). On pressent qu’elle est tout proche de la guerre civile. On lit : « Dans une ville ayant connu un afflux massif de réfugiés mais encore relativement pacifique, ou du moins pas encore en état de guerre ouverte, un garçon rencontre une fille en salle de cours sans lui adresser la parole. Plusieurs jours de suite. Il s’appelle Saïd, elle Nadia, il porte la barbe- pas très fournie, plutôt un duvet soigneusement entretenu- tandis qu’elle est toujours en caftan noir flottant qui la couvre des orteils à la veine jugulaire ». C’est l’ouverture d’« Exit West », le quatrième roman du romancier anglo-pakistanais Mohsin Amid, né à Lahore il y a 46 ans et repéré pour, entre autres, « L’Intégriste malgré lui » et « Comment s’en mettre plein les poches en Asie mutante ». Selon le « New York Times », Hamid est « l’un des auteurs les plus talentueux et inventifs de sa génération ». Il se définit comme « un hybride occidentalo-asiatique ».
Le point de départ d’« Exit West »- belle fable humaniste, c’est l’amour. Une histoire d’amour et de douceur- Hamid a mis le frein sur son écriture teintée de cynisme de ses précédents romans, et joue là l’émotion. Ainsi, Saïd- jeune homme issu de la petite bourgeoisie locale et qui travaille dans une agence de publicité, et Nadia, jeune femme indépendante et déterminée, vont s’aimer tendrement, follement mais doivent, dans ce décor de quasi-guerre avec une ville aux mains des extrémistes, se cacher. Situation difficilement vivable. Alors, le jeune couple optera pour l’exil. Qu’ils choisiront en passant une des portes magiques que l’auteur, à l’exemple des contes orientaux, glisse au hasard du récit et dont on assure qu’elles ouvrent sur l’Occident. Première étape : Mykonos, l’île grecque, dans un camp de réfugiés. Puis Londres dans un squat de migrants. Puis San Francisco dans une cabane… Saïd et Nadia, ou une vie de migrants- à un moment, un personnage confie : « Nous sommes tous des émigrés à travers le temps »…
Amour, exil, crise migratoire… avec « Exit West » (qui sera prochainement adapté au cinéma), Mohsin Hamid a voulu préciser certaines données de ce qu’on appelle « la crise des migrants » : « Quand on parle des migrants, la première image qui vient généralement à l’esprit est celle des personnes qui, pour des raisons diverses, sont amenées à quitter leur pays, leur lieu de vie habituel. On considère que migrer se résume au seul fait de se déplacer d’un endroit à un autre. Or, chacun de nous a déjà fait l’expérience de la migration, ne serait-ce que parce que le monde autour de nous bouge tout le temps. Une personne peut n’avoir jamais quitté son quartier, sa ville, mais elle ne peut empêcher des mutations de s’y opérer : au fil du temps, nos voisins changent, les devantures des immeubles et les rues aussi. Et, qu’on le veuille ou non, que l’on s’en rende compte ou non, cela a une incidence sur nous-mêmes ». Et de conclure : « La vérité est que les êtres humains se sont toujours mélangés. L’histoire de l’humanité a toujours été un voyage à l’intérieur de soi et vers les autres ». « Exit West », voilà ce que promettent les portes magiques. Vers l’Occident, sortie vers un monde où toute personne aurait le droit de se déplacer quand et où elle veut. Ce qu’ont cru Saïd et Nadia…
Exit West
Auteur : Mohsin Hamid
Editions : Grasset
Parution : 17 janvier 2018
Prix : 19 €