Swing Time : Zadie Smith, la dernière danse
- Écrit par : Serge Bressan
Par Serge Bressan - Lagrandeparade.fr / On lit : « Nous avions exactement la même couleur de peau- à croire que nous avions été fabriquées dans le même tissu marron clair-, nos taches de rousseur se concentraient aux mêmes endroits, et nous avions la même taille », puis on plonge dans le roman qui va mener à Londres, en Afrisque, à New York… Entrez dans la danse avec le cinquième roman en VF de la star des lettres britanniques, la lumineuse Zadie Smith- 42 ans, née dans la banlieue londonienne, célèbre dès son premier roman, « Sourires de loup » (2001). Et avec ce nouveau texte simplement titré « Swing Time », elle frappe à nouveau un grand coup. C’est « un roman d’apprentissage et de désillusion », assure l’éditeur français. C’est tout ça, et c’est aussi beaucoup plus, beaucoup mieux avec cette histoire de deux petites filles métisses qui ont grandi ensemble, amies- l’une avec un père noir et une mère blanche, l’autre avec un père blanc et une mère noire. Douée dans l’art de construire un roman, Zadie Smith place donc « Swing Time » dans le Londres des années 1980- on ira aussi, au fil des pages, en terres africaine et new yorkaise. Deux fillettes chantent, dansent, regardent en boucle « Swing Time » (en VF : « Sur les ailes de la danse »), le film de George Stevens sorti en 1936 avec Fred Astaire et Ginger Rogers. L’une, la narratrice, brillante en études, devient l’assistante d’une star de la pop mondiale- éblouissant mix de Madonna, Kylie Minogue et Beyoncé, et l’accompagne dans un projet en Afrique. L’autre est devenue danseuse mais sera rattrapée par la misère- elle en fera le moteur de sa vie et en nourrira sa soif de vengeance et de pouvoir. Deux univers s’entrechoquent, à travers les deux jeunes filles. Deux destins s’entrecroisent. Deux appréhensions de la vie qui va. Tout y passe, des espoirs aux désillusions en passant par les questions- essentielles comme savoir comment on devient ce que l’on est, comment on se construit quand on sait que, au vu de la société, deux personnes n’ont pas la même valeur, comment on peut s’en sortir quand on trimballe cette étrange sensation d’être une ombre… En passant aussi par des constats violents- ainsi, « personne n'est plus ingénieux qu'un pauvre, quel que soit l'endroit ou il vit. Quand on est pauvre, il faut penser à chaque étape. La richesse, c'est le contraire. Avec la richesse, on a tendance à ne pas réfléchir ». Dans ce nouveau roman de l’écrivaine britannique, on peut pointer quelque parentèle avec « L’Amie prodigieuse » de l’Italienne Elena Ferrante. On peut, mais avec Zadie Smith, c’est l’ode à la littérature de l’intime. Dans un texte comme « Swing Time », il y a encore et encore les thèmes chers à Zadie Smith : le métissage, le racisme, l’identité, la célébrité,... Il y a aussi, et toujours, une pointe d’humour et beaucoup d’humanité dans cette dernière danse.
Swing Time
Auteur : Zadie Smith
Editions : Gallimard
Parution : 16 août 2018
Prix : 23,50 €