Ghachar Ghochar : chronique d’une famille indienne ordinaire
- Écrit par : Félix Brun
Par Félix Brun - Lagrandeparade.fr/ « Mon interlude à la Coffee house, loin des tensions de la vie familiale, est le moment le plus paisible de ma journée. » Le narrateur dont on ne connait ni le nom, ni son véritable métier, est installé à la terrasse de ce café, l’oisiveté en bandoulière, perdu parce qu’il n’a jamais rien décidé de lui-même, son mariage, ses revenus, sa situation sociale.
Il observe les clients et admire l’élégance et la finesse de Vincent le serveur, loin de sa femme Anita, de sa sœur Malati, de sa mère Amma, de son père Appa représentant de commerce, et de son oncle Venkatachala, son "chikkapa" qui fait la fortune de cette famille avec son négoce d’épices. Notre "héros" est le pseudo directeur, le dirigeant virtuel de cette entreprise ; il se remémore les changements au sein de ce clan familial ordinaire de Bangalore où à l’origine "nous ne désirions pas ce que nous ne pouvions nous permettre. Quand on n’a pas le choix, on ne connait pas non plus l’insatisfaction." Et puis avec les affaires qui sont prospères, la rentabilité des échanges, tout change…
[bt_quote style="default" width="0"]C’est vrai, ce qu’on raconte : on ne contrôle pas l’argent, c’est lui qui nous contrôle. Quand il manque, il fait le dos rond ; quand il y en a trop, il fait l’impertinent et vous mène par le bout du nez. [/bt_quote]
Une narration subtile d’un personnage inquiet de cette progression sociale soudaine, victime passive d’un mariage arrangé, ingénu puceau et amant godiche, enfermé et dominé par les arrangements familiaux.
[bt_quote style="default" width="0"] On raconte que les nouveaux riches, avant d’avoir de l’argent, n’ont pas peur de rester au soleil, mais ensuite, ils se promènent avec une ombrelle même au clair de lune…[/bt_quote]
A la manière d’un conte, Vivek Shanbhag décline avec tendresse, humour et dérision, une parabole acide de la société indienne, de l’évolution des comportements des femmes et de leur place dans le cercle familial et la communauté indienne, du fragile équilibre entre les membres de cette tribu, des rapports hypocrites, secrets, des instants de bonheur autour d’une tasse de thé comme un trait d’union. Un regard réaliste sur les contradictions de la civilisation indienne. « Ghachar Ghochar » est une expression utilisée pour expliciter une situation où les évènements et les personnages sont confus, mélangés, embrouillés. Un très agréable moment de lecture d’un auteur qui perpétue la tradition d’écrire en kannada, une langue très ancienne du sud-ouest de l’Inde. La plume est habile, légère, et les métaphores à propos.
Ghachar Ghochar

Auteur : Vivek Shanbhag

Traduction : traduit du kannada en anglais par Srinath Perur et de l’anglais(Inde) par Bernard Turle

Editions : Buchet.Chastel
Parution : 24 mai 2018
Prix : 14 €
180 pages