Tous ces chemins que nous n’avons pas pris : William Boyd en tranches de vie
- Écrit par : Serge Bressan
Par Serge Bressan - Lagrandeparade.fr / A sa disposition, il a une sacrée belle palette. Toutes les couleurs s’y prélassent élégamment. A 65 ans, né à Accra (Ghana), le Britannique William Boyd s’est glissé en littérature dans les premières années 1980- on l’a découvert en VF en 1984 avec « Un Anglais sous les tropiques ». Depuis, peintre en mots, il brille dans des genres et des styles divers et variés- en 2013, il a même écrit « Solo », un James Bond avec l’assentiment de la famille de Ian Fleming, le créateur de l’agent secret 007 !
En cet automne, on retrouve notre Britannique qui vit à égalité de temps entre Londres et le Sud-ouest français, avec un recueil de neuf nouvelles joliment rassemblées sous le titre « Tous ces chemins que nous n’avons pas pris ». Sept premières nouvelles « courtes »- comme pour se mettre en jambes, pour faire chauffer le moteur, puis deux textes qu’on appellera « novellas »- un genre qu’affectionnent les auteurs anglo-saxons. Neuf textes pour dérouler des tranches de vie, pour jongler avec le journal intime, le roman épistolaire, l'exploitation de la moindre faille humaine…
Avec « Tous ces chemins… », on plonge vite dans l’univers de William Boyd. Première nouvelle : « L’homme qui aimait embrasser les femmes ». D’emblée, le ton est donné. Voilà donc Ludo Abernathy, il est marchand d’art, au cœur de la quarantaine. Il en est à son troisième mariage- le présent avec Irmgard, une Autrichienne dont le père, prénommé Heinz, surnommé « Tomato Ketchup », finance les activités professionnelles dudit Ludo. Longtemps, il a batifolé, passant de bras et de corps à d’autres. En épousant Irmgard, il prend une grande décision : il n’ira plus voir ailleurs. Il ne prendra plus les chemins balisés. Conséquence : pendant cinq ans, il embrasse quarante-deux femmes. Se pose parfois la question : ces baisers, est-ce tromper ? Un jour, une jeune femme lui demande de vendre son tableau signé Lucian Freud- il ne va pas seulement l’embrasser, ils se retrouveront dans un lit et feront l’amour. Ludo a-t-il replongé ?
Un peu plus loin dans le recueil, une deuxième partie avec « Les rêves de Bethany Mellmoth »- une « novella » de plus de cent pages qui donne son titre au livre en version originale. Ah ! Bethany Mellmoth… voilà une jeune femme divinement « boydienne », magnifique personnage aux atours de loser. Oui, tout ce qu’elle tente, elle le manque, que ce soient ses boulots, ses amours ou encore sa relation avec sa mère. Elle rêve de devenir comédienne, elle vit avec un jeune type vautré devant les chaînes télé d’info continue tout en écoutant du Dylan… On la retrouve figurante dans un film, la voilà alors qui se met à penser à une carrière dans la littérature, se met en couple avec un mime de rue, fuit l’amant de sa mère qui se montre un peu trop entreprenant ! Pour finir, en verve, William Boyd nous propose, sur une soixantaine de pages, un « Jeu d’esquive en Ecosse ». Là encore, on a un acteur. Celui-là , il est au chômage, pour survivre il fait de petits jobs- le voilà en mission, il doit convoyer un flacon empli d’eau du Jourdain. S’ensuit une suite rocambolesque : il est poursuivi par une berline noire, se cache dans une forêt, boit du whisky, dort dans son 4x4… Inégalement inspiré, William Boyd nous fait son cinéma. Un cinéma qu’il convient de regarder et de lire au second degré. C’est délicieusement pétillant, à consommer sans retenue !
Tous ces chemins que nous n’avons pas pris
Auteur : William Boyd
Editions : Belfond
Parution : 2 novembre 2017
Prix : 21 €