Une semaine de lecture avec Evelyne Dress, Bernardine Evaristo et Philippe Ridet
- Écrit par : Serge Bressan
Par Serge Bressan - Lagrandeparade.com / Trois suggestions de lecture pour une semaine : d’abord, on commence avec le dixième et nouveau roman d’Evelyne Dress, entre peinture et amour, création et passion ; ensuite, on enchaîne avec la grande Bernardine Evaristo et la réédition de son roman paru en 2008 et qui prend l’Histoire en sens inverse, et on boucle cette semaine de lecture avec le très réussi et beau roman de Philippe Ridet- un texte tout en délicate mélancolie… Bonne lecture !
EVELYNE DRESS : « Je veux peindre et aimer »
Aimer. D’abord Georges qui mourra à la guerre en septembre 1917, puis Maxime quand elle a tout juste 20 ans. Peindre. Elle se présente : « Rebecca Meyssonnier, professeur émérite de dessin dans un lycée de jeunes filles à Nîmes et peintre à ses heures perdues ». Après la mort de son premier amour à la guerre, ce sont ses parents qui passent de vie à trépas dans un accident d’automobile- Gustave, le père, était notaire ; Dora, la mère, riche héritière d’une famille de commerçants en soierie. Vue d’ensemble et introduction de « Je veux peindre et aimer », le dixième roman d’Evelyne Dress, également comédienne, réalisatrice et peintre. Au fil des pages, entre besoin inextinguible d’aimer et de peindre, c’est le voyage dans une époque, les balbutiements du 20ème siècle, la Grande Guerre, les Années folles, et dans des lieux, la Provence, New York, la Turquie… Dans cette quête d’elle-même, jeune femme contrariée (elle n’a pu poursuivre l’activité de son père, les femmes n’ayant alors pas droit d’exercer comme notaire), se considérant mal aimée par ses parents, en difficulté avec cette religion juive transmise par sa mère, Rebecca croisera un mécène, un Pygmalion. Elle assouvira sa passion de la peinture, rencontrera des personnalités- le musicien Gershwin, le poète Gibran. Aimer et peindre, dit-elle…
Je veux peindre et aimer
Auteure : Evelyne Dress
Editions : Glyphe
218 pages
Prix : 18 €
Une semaine de lecture avec Evelyne Dress, Paul Fournel et Régis Wargnier
BERNARDINE EVARISTO : « Des racines blondes »
D’un père nigérian émigré en Grande-Bretagne en 1949 et d’une mère anglaise d’origine irlandaise, Bernardine Evaristo est née en 1959 à Eltham (Grand Londres). Elle a cofondé le Théâtre des Femmes Noires, enseigné la littérature à l’université de Brunel et créé le prix international de poésie africaine. Militante et activiste, elle est surtout l’une des plus brillantes écrivaines britanniques contemporaines. A preuve : « Des racines blondes », paru originellement en 2008 et faisant partie d’une trilogie avec « Fille, femme, autre » et « Mr. Loverman ». La VF est rééditée en ce début 2023. L’auteure prend l’Histoire en sens inverse. En plaçant, en épigraphe : « En souvenir des dix à douze millions d'Africains emmenés comme esclaves en Europe puis aux Amériques… et de leur descendants, 1444- 1888 », et en posant la question : « Et si l'Afrique avait conquis le monde ? Et si les maîtres étaient devenus les esclaves ? » Sur cette thématique, on débarque sur une planète où l'Afrique a conquis le monde, et où les Blancs sont souvent réduits à l'esclavage… L’héroïne, fille d’agriculteurs anglais, se prénomme Doris, elle est enlevée par des trafiquants, vendue à une famille pour tenir compagnie à la fille, revendue à un grand propriétaire terrien dont elle devient la secrétaire indispensable…
Des racines blondes
Auteure : Bernardine Evaristo
Editions : Globe
322 pages
Prix : 23,50 €
PHILIPPE RIDET : « Les amis de passage »
Il y eut une brève amitié dans une ville de province. Les deux étaient alors au collège, en classe de 4ème. L’un- Ponthus, partira « à la capitale » ; l’autre- Zoran, demeurera dans la ville de province. Ils grandiront loin l’un de l’autre. Ils se croiseront de loin en loin. Puis Zoran meurt. Alors Ponthus plonge dans les souvenirs. Ils furent « Les amis de passage », beau titre pour le quatrième et nouveau livre de Philippe Ridet à qui l’on doit le délicieux « Ce crime est à moi » (2020). Ecrivain de haute voltige, aussi discret qu’élégant, il fut de longues années journaliste- en politique française puis tout-terrain italien. Romancier, il n’a rien perdu de son acuité journalistique mais il sait aussi, tel un metteur en scène inspiré, construire et raconter un décor, un univers. Ainsi, dans « Les amis de passage », à nouveau immergé dans le temps passé, Ponthus se souvient de cette vie de province. Là où tout bouge (en apparence), où rien ne bouge (en réalité). Le temps, dans un texte de Ridet, n’a pas de prise : on passe des années 1970 à aujourd’hui, des disques vinyle au streaming… et Ponthus, de se rendre compte combien Zoran, cet ami de passage, a changé sa vie, bien au-delà de ce qu’il imaginait… Un beau roman, tout en délicate mélancolie.
Les amis de passage
Auteur : Philippe Ridet
Editions : Equateurs
194 pages
Prix : 19 €