Delacroix et les Orientalistes : la référence du Livre d’art - Editions Hazan
- Écrit par : Guillaume Chérel
Par Guillaume Chérel - Lagrandeparade.fr/ Dans "Boussole", le roman de Mathias Enard, qui lui valut le Prix Goncourt, le personnage principal est un musicologue viennois, Franz Ritter, spécialiste de l’influence des musiques de Turquie sur celles de l’Occident. En une nuit de mélancolie, il évoque les orientalistes du XIXe siècle dont il est l’héritier et autour d’eux, d’autres figures, comme celle de Félicien David, l’auteur de l’ode-symphonie Le désert, jouée avec succès en 1844 et fredonnée par Eugène Fromentin à Bisrkra. Le livre est guidé par la « boussole » de Beethoven qui pointe obstinément vers l’est. Il avait compris qu’il faut rapprocher les deux côtés dans la musique, l’Orient et l’Occident, pour repousser la fin du monde qui menace. Au-delà de la séparation entre un Occident dominateur et un Orient dominé, s’impose le désir d’utiliser ce qui vient de l’Autre pour modifier le Soi.
La nouvelle édition, revue et augmentée, de l’ouvrage de référence sur les Orientalistes, parue en 1997, est une synthèse qui fera date. Christine Peltre retraçait déjà les grandes étapes d’un mouvement pictural inspiré par la passion de l’Orient, rêvé ou approché. La production artistique fait écho à la « question d’Orient » qui agite l’Europe du XIXe siècle. Né avec la campagne d’Égypte de 1798, l’intérêt des artistes pour le sujet est attisé entre autres par l’insurrection grecque en 1821 ou par la prise d’Alger en 1830. Aux inspirations romantiques où rayonne l’œuvre marocaine de Delacroix succèdent les approches « ethnographiques » de voyageurs en quête d’altérité, avant les bouleversements esthétiques formulés par Matisse ou Kandinsky autour de l’exposition d’art musulman de Munich en 1910.
Depuis 1997, monographies, expositions et actualités sont venues étoffer les connaissances sur le mouvement orientaliste et développer notre intérêt pour le sujet. Vingt ans après la première édition et après plusieurs réimpressions, ces nouveaux Orientalistes déploient une vision augmentée d’une question qui interroge le regard porté sur l’autre. On peut en effet parler d’« orientalisme des Orientaux » en étudiant les sujets traités à la fin du XIXe siècle ou au début du XXe par des peintres de Turquie ou d’Afrique du Nord, souvent formés par des ateliers européens. Dans le même temps, le regard des artistes occidentaux est fécondé par une connaissance approfondie des arts de l’Islam, souvent présents dans leurs propres collections. Il faut « voir avec d’autres yeux », remettre en cause les clichés et les « mélopeintres », voire chercher un autre langage plastique qui s’inspirerait d’une tradition proprement orientale.
Le regard justement, qui fait de l’autre un oriental ou qui questionne le rôle de la femme, s’affirme aujourd’hui dans les œuvres d’artistes issues de ces cultures, les « Nouvelles Shéhérazades ». Une autre géographie de l’Orient occidental est-elle en train de se dessiner ? Christine Peltre tente d’apporter une réponse à ces histoires croisées, entre plusieurs cultures, entre art et histoire, entre politique et société, dans un livre abondamment illustré. Filtres de leur temps, chaque œuvre, chaque artiste, retiennent l’éclat d’un Orient qu’il est urgent de redéfinir.
Dans la même collection, Delacroix l’album officiel de l’exposition Delacroix (1798-1863) au musée du Louvre du 29 mars au 23 juillet 2018. Cet album est une coédition Editions Hazan/Editions du musée du Louvre. Coédition Editions Hazan/Editions du musée du Louvre : « Vous me traitez comme on ne traite que les grands morts ; vous me faites rougir tout en me plaisant beaucoup : nous sommes faits comme cela », écrit Eugène Delacroit à Charles Baudelaire, l’un de ses plus fervents défenseurs, le 27 juin 1859. Près de 160 ans plus tard, la formule rappelle que Delacroix avait une vive conscience de sa position dans l’histoire.
Les orientalistes
Auteur : Christine Peltre
Editions : Hazan
336 pages
Prix : 45 euros
Delacroix
Editions : Hazan
Ouvrage collectif sous la direction de Sébastien Allard et Côme Fabre
478 pages
Prix : 45 euros