Les fantômes de Pinochet : un dictateur habité par les spectres de la haine, de la trahison, de la torture, du sang, de la mort…
- Écrit par : Félix Brun
Par Félix Brun - Lagrandeparade.com/ Londres…Virginia Waters, février 2000…depuis 17 mois Augusto Pinochet est assigné à résidence.
Le juge espagnol Balthazar Garzon a permis cette inconcevable situation en traduisant le dictateur en justice pour génocide, terrorisme et violations multiples des droits de l’homme. Dans cette très confortable demeure londonienne, il observe par la fenêtre un rapace s’abattre sur sa victime, qui comme lui-même avec patience, détermination et précision, frappait ses ennemis et tous ceux qui l’empêchaient dans sa progression funeste. La scène de l’oiseau de proie ravive sa mémoire depuis son enfance à Santiago jusqu’à son règne absolu au Palais de la Monéda. Une vie marquée d’évènements qui ont délivré des fantômes qui vont l’habiter et qui ressurgissent à l’aube de sa mort…spectres de l’anticommunisme, spectres de la trahison, spectres sanguinaires, spectres de la mort!
Francisco Ortega signe un scénario puissant et documenté, en explorant l’âme dévorée du dictateur influencé par une mère et une femme aux caractères tordus et maléfiques. Félix Vega, dans un graphisme figé et des couleurs filtrées, donne au récit une ambiance d’oppression, de mal-être, de servitude, de tyrannie. Par le prisme de la trahison, de l’ambition, de la manipulation, de la torture, des assassinats, du massacre de ses opposants, de la diplomatie manipulatrice, on découvre un Pinochet hanté par la peur, prisonnier de ses fantômes.
Un moment de lecture particulièrement angoissant et oppressant mais cependant réaliste d’une dictature génocidaire qui a laissé de nombreuses blessures et des profondes cicatrices dans le Chili d’Allende et de Neruda. Un rappel aussi que ces régimes fascistes et liberticides assoient leur pouvoir sur la torture, le crime, l’élimination systémique et systématique des opposants, la terreur et les bains de sang. La recrudescence des régimes dictatoriaux alors que les démocraties sont chahutées et bousculées dans le monde doit nous alerter tout en restant sur une note positive : "Ils pourront couper toutes les fleurs, lis n’empêcheront jamais le printemps" (Pablo Neruda).
Les fantômes de Pinochet
Auteurs : Francisco Ortega (scénario) Félix Vega Encina (dessin)
Traduction : traduit de l’espagnol ( Chili) par Sophie Hofnung
Editions : Nouveau Monde
Date de parution : 05/02/2025
Prix : 19,90€