Par Xavier Paquet - Lagrandeparade.com/ Dans le Londres des années 70, où le ciel est aussi gris que les âmes vagabondes, la vie aussi austère que la politique de Thatcher, où la crise économique se veut aussi sociale, quatre adolecentes ont décidé de crier leur colère.

Venant d’horizons différents (milieu bourgeois ou ouvrier, milieu déclassé ou abandonné) et étant en rupture de ban avec leur famille, elles décident de se rebeller contre l’ordre établi et de créer The Slits, le premier groupe de punk féminin.

Elles ne savent pas jouer, elles ne connaissent pas toutes la musique, elles n’ont pas d’objectif dans leur vie si ce n’est celui de s’affranchir : pas dans les standards de beauté, pas dans les codes des ados de leur âge, elles font valoir leur culot, leur soif de liberté et leur goût pour la provocation. Et une idole en commun, Patti Smith, la reine du rock.

Cette pièce n’est pas un biopic mais fortement influencée par l’histoire réelle de ce groupe, entré dans la légende musicale aussi vite qu’il en est sorti : une épopée fantastique et romanesque de ces quatre rebelles qui disent non à l’autorité et imposent leur propre style comme leurs propres envies.

L’ambiance créée sur scène nous plonge directement dans l’univers londonien par sa structure d’échafaudages et sa grisaille à laquelle répondent des tenues parfois trash et les cris électriques des riffs de guitare. La scénographie est travaillée au millimètre sur les costumes et les références scéniques pour nous bercer au son des Beatles, des Sex Pistols ou des Stones. Au-delà de la belle qualité de musique et de chant en live, une performance remarquable d’intensité, l’esthétique est poussée jusque dans les perruques marquant la construction de ces jeunes femmes et leur affranchissement en artistes rebelles.
L’ensemble est dynamique, énergique et rythmé par les intermèdes chantés ou joués qui apportent une vraie fraîcheur. La première partie, parfois nerveuse et à fleur de peau, traduit le cri de colère de ces adolescentes tandis que la seconde partie, plus tendre et poétique, amène plus de douceur. Ce contraste renforce la force et la fragilité de ces jeunes femmes que rien ne prédestinait à ce rôle de pionnière.
Le texte alterne les parties narratives et les dialogues ciselés, la langue claque, les répliques fusent et s’enchevêtrent, le souffle ne se reprend pas tant que leur flamme intérieure brule encore. Il y a de l’humour et des passages très drôles à l’image du producteur, de la joie dans l’air mais aussi de la tristesse et de la mélancolie dans les regards comme dans les vies où le mal de vivre est l’emblème.
Ce groupe féministe dans un milieu qui ne l’était pas et une époque qui ne s’y prêtait guère avait le goût de la provocation au point de s’appeler Slits (Fentes en français) et de gérer leur image sans être régi par les diktats d’une maison de disques.
Un discours engagé et une musique radicale qui n’auront duré que quatre ans : une étoile filante qui a brillé dans le brouillard de Londres et dans le paysage artistique.
Une étoile qui continue de briller sur des générations de jeunes gens qui rêvent aussi d’un monde meilleur et d’une quête de liberté portée en étendard.
Ultime provocation de cette troupe : terminer le spectacle par un énième morceau, légendaire également, qui nous porte dans les fins de concert endiablées où le temps s’arrête et l’énergie collective explose dans une belle communion endiablée.

Punk.e.s

Texte : Rachel Arditi et Justine Heynemann
Mise en scène : Justine Heynemann
Avec Rachel Arditi, Charlotte Avias, James Borniche, Salomé Diénis Meulien, Camille Timmerman et Kim Verschueren
Assistantes à la mise en scène : Stéphanie Froeliger et Marine Torre
Scénographie : Marie Hervé
Compositeur : Julien Carton
Lumières : Héléna Castelli
Chorégraphe : Alexandra Trovato
Régie son : Soizic Tietto
Costumes Camille : Aït-Allouache
Perruques & maquillage : Julie Poulain
Régie générale : Fouad Souaker

Dates et lieux des représentations: 

- Juillet 2023 - Théâtre Scala Provence - Avignon - FESTIVAL AVIGNON OFF 2023