Le roi des pâquerettes : de l'aventure, du rythme et le charme suranné du début du siècle dernier
- Écrit par : Xavier Paquet
Par Xavier Paquet - Lagrandeparade.com/ Voyage dans le temps. Juillet 1909 dans une chambre d’hotel à Calais. La nuit est tombée, l’orage gronde, la pluie s’intensifie quand apparaissent Louis Blériot et son épouse Alicia qui séjournent ici en prévision de la traversée de la Manche dans un concours organisé par le journal Daily Mail.
Son principal concurrent Hubert Latham, qui a eu la primeur de s’élancer en premier, a échoué dans sa tentative. Blériot sera le prochain et veut prouver que son aéroplane est capable de l’exploit quand tout le monde ne jure que par le biplan comme solution technique.
Alors que - de foi du paysan du coin, le temps va s’éclaircir dans la nuit rendant la traversée possible au petit matin, tout ne va pas se passer comme prévu. Au delà de la météo capricieuse, les péripéties s’enchainent : de l’avarie technique en passant par l’irruption du journaliste Fontaine à la recherche du scoop et qui met en concurrence les deux aviateurs, de la rébellion du mécanicien Ferdinand aux doutes personnels de l’aviateur ; la préparation se révèle aussi épique que la traversée en elle-même.
On découvre dans cette pièce le cheminement mental du héros. Blériot, industriel passionné et incompris, en proie à des difficultés financières, est surnommé « le roi des pâquerettes » par ses nombreuses chutes. En proie aux doutes, à la remise en question, un doux mélange d’excitation et d’incertitude face à l’événement et en comparaison d’un Hubert Latham sûr de lui, fougueux, charmeur et séducteur, dont le monde et la presse s’enamourent.
De l’excitation à l’angoisse dans cette course contre la montre, Blériot se questionne sur ses qualités de pilote et ses capacités d’ingénieur visionnaire mais aussi son ambition, sa motivation. Dans ce monde masculin et technique, une mention importante est donnée à Alicia dans le soutien apporté à son mari, dans les stratégèmes qu’ellle met en place pour repousser les limites de celui-ci et son abnégation et implication pour lui faire réaliser l’exploit.
La pièce très rythmée regorge de rebondissements et fait traverser aux protagonistes une palette d’émotions : espoir, inquiétude, doute, rivalité et amour. Mise en scène sous forme de huit clos dans cette chambre d’hotel, elle emprunte les codes du boulevard dans les apparitions, changements de direction et jeux d’acteur. Energique, elle fait la part belle à des dialogues vifs, à une intrigue dynamique dans un texte bien documenté et qui, au delà de retranscrire le charme de l’époque, apporte beaucoup de douceur, d’intensité et d’humour.
Elle est portée par une belle équipe de comédiens généreux sur le plateau et qui semblent s’amuser dans leur composition de personnages : cela se ressent, cela est vivant et très bien joué, et cela nous apporte encore plus de proximité pour être plongé avec eux dans les boiseries de cet hotel calaisien.
« Le roi des pâquerettes » est un magnifique récit de la préparation d’un exploit plus que de l’exploit en tant que tel et se concentre davantage sur la nuit précédant la traversée que sur cette dernière. Pourtant la manière de conter le vol final est un superbe moment de théâtre où la force de l’imaginaire suffit à nous transporter.
Comment peut-on presque renoncer à son rêve quand on en est si proche et douter de sa réussite ? Il faur certes du courage et de la force pour accomplir l’exploit mais aussi à l’image de la pièce : du panache, de la bravoure. Un goût certain pour l’aventure et un certain goût de la liberté.
Le Roi des Pâquerettes - Le jour où Blériot a traversé la Manche
Texte: Bérangère Gallot, Sophie Nicollas
Mise en scène : Benoit Lavigne
Avec Maxence Gaillard, Emmanuel Gaury, Guillaume d'Harcourt, Lauriane Lacaze, Mathieu Rannou
Dates et lieux des représentations:
- Jusqu'au 2 janvier 2022 au Théâtre du Lucernaire (53 rue Notre-Dame-des-Champs, 75006 Paris), du mardi au samedi à 19h, le dimanche à 16h
-Du 20 janvier au 3 avril 2022, Du jeudi au samedi à 19h, le dimanche à 17h au Théâtre de l'Oeuvre ( 55 rue de Clichy, 75009 Paris)