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Le ciel de Nantes : le road movie familial mémorable de Christophe Honoré

  • Écrit par : Xavier Paquet

le ciel de nantesPar Xavier Paquet - Lagrandeparade.com / Lumière tamisée dans un vieux cinéma d’époque aux fauteuils rouge défraichis. On aurait pu croire à une dernière séance comme si Christophe Honoré voulait clôturer ce chapitre de sa vie.
Dans ce décor qui lui rappelle son amour de jeunesse pour le ciné club, il se met en scène et convoque certains membres de sa famille, Marie Do sa mère, Roger et Jacques ses oncles, Claudie sa tante, Odette et Puig les grands parents maternels, pour revivre le film qu’il aurait aimé tourner sur son histoire familiale. Ce sont trois générations qui se côtoient sur le plateau, les morts sont ressuscités, les vivants sont transportés dans les souvenirs de leur histoire personnelle.
Ce qui aurait pu être la clôture d’un chapitre intime ne serait-il pas finalement une renaissance et un acte fondateur pour l’auteur d’être en paix avec ses proches et avec lui-même ?

Dans cette fresque familiale, les personnages sont amochés par la vie, par leur condition sociale prolétaire, les blessures sont encore là et se ravivent, les tensions enfouies se révèlent. Chacun a une vérité qui lui est propre. Tout le monde est à fleur de peau, tout le monde revit son histoire, les secrets de famille volent, les non-dits s’exposent avec sensibilité ou violence. Coups de gueule, coups de sang et coups de cœur.

Entre adultères, suicides, accidents, dépression et maladie, la vie de cette famille n’a pas été rose et pourtant il se dégage une vraie tendresse à l’énonce des faits, une sensibilité à fleur de peau pour chaque personnage, beaucoup d’émotions mais aussi des moments plus légers et drôles qui permettent à la pièce de se suivre comme un road movie familial.

Le cinéma n’étant jamais très loin, la mise en scène reprend avec brio et intelligence les codes du 7ème art. Projection vidéo sur un écran géant pour certaines tranches de vie, projection vidéo d’essais de film sur la famille comme si l’auteur lui-même révélait avec pudeur n’avoir jamais réussi à le réaliser, et puis le hors-champ théâtral. Sublime, filmant certaines scènes en coulisses mais aussi sur le plateau en direct, il apporte beaucoup d’intensité, de profondeur de vue et une vraie immersion introspective : il permet en gros plan de capter les émotions des acteurs sur scène.

Les jeux de lumière, les éclairages et le travail millimétré des ombres, donnent énormément de relief à l’ensemble et font vivre et vibrer un texte fort, poignant, très quotidien dans son phrasé, très tendre et sensible. Il s’accompagne de musiques finement choisies et de passages dansés ou chantés qui apportent une douce note de légèreté.
Il fallait une troupe d’acteurs au diapason et on retrouve l’autre famille d’Honoré, celle de ses comédiens fétiches, déjà présents dans les Idoles, qui jouent tous avec une force, une générosité, une intensité et une humanité incroyables.

Dans ce portrait de famille, et en étant lui-même incarné sur scène, Christophe Honoré aurait pu tomber dans l’écueil d’une pièce autocentrée : au contraire, la structure narrative et la manière de conter les histoires lui permettent une mise à distance.
A travers le côté romanesque de sa pièce, il permet à chacun de se retrouver dans les souvenirs familiaux que l’on a et qui se brouillent avec le temps, dans les regrets de ne pas avoir dit ou fait du temps des vivants, et de repenser avec nostalgie à sa propre construction personnelle.

« Nos vies ne nous appartiennent pas » s’exclame t-il sur scène. En ne cherchant pas à régler ses comptes mais à gommer les fractures d’antan et œuvrer pour la réunification familiale, il nous offre une tragédie sociale d’une incroyable élégance visuelle entre légèreté et gravité.

Magistral !

Le ciel de Nantes
Texte et mise en scène : Christophe Honoré
Scénographie : Mathieu Lorry-Dupuy
Lumière : Dominique Bruguière assistée de Pierre Gaillardot
Vidéo : Baptiste Klein
Son : Janyves Coïc
Costumes : Pascaline Chavanne assistée de Oriol Nogues
Assistanat à la mise en scène : Christèle Ortu
Construction décor : Théâtre Vidy-Lausanne
Remerciements : Famille Puig, Alex Beaupain, Benjamin Biolay, Marina Foïs, Pierre Deladonchamps, Anaïs Demoustier, Aurélien Deniel, Vincent Lacoste, Ludivine Sagnier
Production : Théâtre Vidy-Lausanne, Comité dans Paris (Compagnie de Christophe Honoré)
Coproduction : Odéon – Théâtre de l’Europe, Célestins – Théâtre de Lyon, Comédie – Centre dramatique national de Reims, TANDEM – Scène nationale Arras-Douai, Le Grand T – Théâtre de Loire-Atlantique, La Filature – Scène nationale de Mulhouse, Bonlieu – Scène nationale Annecy, TAP – Théâtre et Auditorium de Poitiers, La Coursive – Scène nationale de La Rochelle, Scène nationale d’Albi, Théâtre national de Bretagne

Dates et lieux des représentations: 

- Le 5 novembre 2021 en avant-première au Théâtre des Célestins - Lyon
- Du ven. 19/11/21 au mar. 23/11/21 - Théâtre Vidy-Lausanne - En partenariat avec Opéra de Lausanne Tel. +41 (0)21 619 45 45
-  Du mer. 01/12/21 au jeu. 02/12/21 - La Coursive - La Rochelle - Tel. +33 (0)5 46 51 54 02
- Du mer. 08/12/21 au jeu. 09/12/21 à La Filature, Scène nationale de Mulhouse - Tel. +33 (0)3 89 36 28 28

- Du mer. 15/12/21 au ven. 17/12/21 à La Comédie de Reims - Tel. +33 (0)3 26 48 49 10
- Du jeu. 06/01/22 au jeu. 13/01/22 à Le Grand T - Nantes - Tel. +33 (0)2 51 88 25 25
- Du mer. 19/01/22 au jeu. 20/01/22 au TANDEM Scène nationale Arras-Douai - Tel. +33 (0)9 71 00 5678

- Du jeu. 27/01/22 au ven. 28/01/22 au TAP – Théâtre Auditorium de Poitiers - Tel. +33 (0)5 49 39 29 29

-Du jeu. 03/02/22 au ven. 04/02/22 à Bonlieu Scène nationale - Annecy - Tel. +33 (0)4 50 33 44 11

-Du mer. 09/02/22 au jeu. 10/02/22 à Malraux - Chambéry - Tel. +33 (0)4 79 85 55 43
- Du mer. 16/02/22 au jeu. 17/02/22 à la Scène Nationale d'Albi- Tel. +33 (0)5 63 38 55 56

- Du mer. 23/02/22 au ven. 25/02/22 à La Criée - Marseille - Tel. +33 (0)4 91 54 70 54

-Du sam. 05/03/22 au dim. 03/04/22 à l'Odéon-Théâtre de l'Europe - Paris - Tel. +33 (0)1 44 85 40 40


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