Quelque chose du côté gauche : le chemin vers la lumière
- Écrit par : Christian Kazandjian
Par Christian Kazandjian - Lagrandeparade.com/ Adaptée d’un nouvelle de Tolstoï, Quelque chose au côté gauche déroule le cours d’un voyage introspectif dans « l’âme humaine ».
Dans cette Russie tsariste où rien ou presque ne laisse présager le bouleversement de 1917, Ivan Ilitch mène son agréable vie bourgeoise, sans accrocs, sauf en ménage. Il grimpe tous les échelons de la hiérarchie judiciaire, humiliant ses rivaux, emménage dans de luxueux appartements somme toute assez conventionnels, et devient un redoutable joueur de whist, une passion qu’il place au-dessus même de sa vie de famille. Tout va pour le mieux (il a réussi), malgré la mort de plusieurs enfants et les humeurs d’un épouse confinée au rôle de mère et femme au foyer : il a, à force de volonté et d’entregent, satisfait à ses aspirations de pouvoir. Du moins le pense-t-il jusqu’à cet accident domestique qui lui occasionne une douleur indéfinissable, « quelque chose au côté gauche ». Dès lors, la maladie se fait souveraine ; vient donc, pour le brillant juge qui peut convoquer et interroger brutalement les plus hauts représentants de la société, le temps de introspection, des interrogations sur le pourquoi ? de l’existence, jusqu’au seuil de la mort, au bout de térébrantes souffrances physiques. Ivan Ilitch découvre la vanité de ses actes, sa cruauté et son indifférence envers les siens et ses amis ; et la simplicité, l’attention fraternelle du moujik Guérassim, enfant du bas peuple, qui l’assiste dans sa déchéance et sa solitude.
Au fil d’une existence
La pièce Quelque chose au côté gauche est l’adaptation libre mais fidèle de la nouvelle de Léon Tolstoï La mort d’Ian Ilitch, qu’a faite Hervé Falloux qui, seul en scène, est Ivan Ilitch. Avec Séverine Vincent qui a mis en scène, le parti est pris du monologue, qui donne chair à une multitude de personnages. Idée féconde : l’homme est toujours seul face à la mort imminente ; il démêle l’écheveau de ses actes, se remémore des évènements marquants comme des anecdotes les plus triviales, en un mot, se fait réalisateur du film d’une vie qui s’écoule vers sa fin. Le choix du blanc - costume et décor –, tout comme les pieds nus du comédien suggère le deuil comme il est de mise dans de nombreux rites funéraires. Quant à la dalle qui émet la lumière, n’évoque est-elle pas ce couloir qu’on apercevrait à l’heure démettre le dernier soupir ? Tout dans la scénographie prépare au grand départ comme ces sièges recouverts de housses immaculées. Le choix dans le titre du « côté gauche » renvoie à la place du cœur qui a, de tous temps, symbolisé les qualités morales, le courage, l’amour. Car c’est bien de cela qu’il s’agit ici : le besoin d’humanité, de solidarité dans un monde où sont prônés, à force de discours et de fausses évidences, la réussite, le paraître, la frivolité, où paradent les « premiers de cordée ». La pièce, remarquablement servi par un Hervé Falloux pénétré de sensibilité, comme la nouvelle de Tolstoï, entre humour et émotion, légèreté et profondeur, résonnent d’une lumineuse actualité, mettant à jour les contradictions qui agitent nos existences.
Quelque chose du côté gauche
D’après La mort d’Ivan Ilitch de Tolstoï
Adaptation et jeu : Hervé Falloux
Mise en scène : Séverine Vincent
Dates et lieux des représentations:
- Jusqu’au 27 novembre 2021 au Studio Hébertot, Paris 17e (01.42.93.13.04.)
- Juillet 2022 au théâtre du Petit Louvre, Festival d’Avignon 2022.