A l'infini du baiser : une belle déclaration d'amour à la vie
- Écrit par : Xavier Paquet
Par Xavier Paquet - Lagrandeparade.com/ Que se passe t-il dans un couple quand le désir s’estompe dans la réalité du quotidien? Que se passe t-il dans un couple quand le désir est anéanti par l’arrivée de la maladie ? Regards croisés sur ces deux couples où l’amour devient vital. Marie est médecin et Marco cadre, ils ont deux enfants et vivent une histoire paisible. L’amour est là , le désir s’est étiolé. Ils se parlent mais ne s’écoutent plus : les mots doux sont mis au même niveau que la lecture d’une recette de cuisine. Janet et Malek sont amoureux et heureux jusqu’à ce que le cancer fasse irruption. C’est Marie qui leur annoncera, elle-même qui, petit à petit, retrouve la flamme du désir dans les yeux de Malek. Succomberont-ils à cette tentation nouvelle ?
A l’infini du baiser pourrait être une comédie sur une histoire d’infidélité. Il n’en est rien. Elle pourrait être une ode à l’amour. Elle va plus loin. Elle parle avec justesse de notre rapport au désir : quand celui-ci disparaît pour renaître dans le regard d’un autre, quand celui-ci renait de ses cendres quand la maladie brule la flamme de la vie. Une force vitale en réponse à une mort propre comme figurée. Il y a une part d’instinct, un élan viscéral qui s’exprime dans ses deux attitudes : le besoin de séduire pour se sentir vivant, le combat face à la maladie pour rester en vie. Il y a une part de renoncement aussi : renoncer ou non à la tentation, renoncer à la morale de la fidélité, renoncer ou non pour rester digne. Question d’espoir et de flamme, celle qui illumine.
Ce texte fin et intelligent, cruel et profond, mélange dialogues quotidiens et questionnements personnels et d’introspection. Le traité en jeu apporte une double lecture où les réflexions intimes sont parfois adressées au partenaire, une pensée intérieure qui n’est pas écoutée. La grande force de la pièce est de ne jamais tomber dans le pathos et d’apporter des émotions contenues, présentes, parfois étouffées ou réprimées, parfois vivaces mais exprimées avec une certaine retenue. Comme si ces cris d’amour, d’espoir, d’envie de vivre, de désir étaient intérieurs et ne pouvaient s’exprimer avec autant de vie que ce que souhaiteraient ceux qui les portent. C’est donc avec sobriété et justesse que les comédiens arborent cette pulsion, avec dureté et douceur. Leur désir est présent physiquement par un cinquième personnage interprété par une jeune comédienne qui les observe, les contourne, et évolue sur le plateau avec plus ou moins de distance et de proximité. Un symbole de ce désir, jeune, frais et dynamique qui ne cherche qu’à s’exprimer et trouver sa place.
L’ensemble est porté par une scénographie avec cinq panneaux lumineux tantôt teintés de blanc, de bleu, de rouge suivant les tourments intérieurs qui se jouent dans l’esprit des personnages. Des vidéos de bord de mer y sont aussi projetées en écho aux situations traversées : vague à l’âme du renoncement, vague dans l’âme de la tentation, lame de fond du désir, océan calme ou déchainé de la réalité. Avec profondeur, cette création originale évoque une pulsion sexuelle et une pulsion de vie avec la même urgence vitale. Le courage, l’espoir, les aspirations et les doutes comme autant de prises de conscience qu’il faut vivre vite. Pour ne pas que fin du désir et fin de vie ne s’entrechoquent. Une belle déclaration d’amour à la vie. Et à soi-même.
A l'infini du baiser
Ecriture : Frédérique Keddari-Devisme
Mise en scène : Frédérique Keddari-Devisme et Vincent Reverte
Avec Olivia Dalric, Ali Esmili, Stéphane Hervé, Mathilde Le Borgne et Aude Léger
Musique originale : La Maison Tellier
Scénographie : Vincent Reverte
Lumière : Éric Pedini
Réalisation des décors : Nicolas Testas, Pelao Andres et Nicolas Javel
Durée : 1h10
A partir de 14 ans
Dates et lieux des représentations:
- Du 5 au 28 janvier 2020 au Théâtre de Belleville ( 16 Passage Piver, 75011 Paris) - 01 48 06 72 34