« Sallinger » : une descente aux enfers familiale orchestrée par Léa Sananes
- Écrit par : Serge Bressan
Par Serge Bressan - Lagrandeparade.fr / Pour décor : New York, symbolisé par deux blocs blancs et verticaux. On est en 1964, les Etats-Unis sont empêtrés dans la guerre du Vietnam. Un jeune homme (de bonne famille) refuse de jouer les va-t’en-guerre, il se suicide. On l’appelle Le Rouquin, il lance : « Tu sais bien que ce n'est pas vrai. Tous, vous me détestez. Partout, on me déteste ; à l'école on me fait des grimaces, à la maison vous me faites vos sales sourires, dans la rue on me tend des pièges. Partout tout le monde, toi et les autres, vous me mettez à part. Je le sais bien, moi : ceux comme moi, tous les détestent. Qu'ils crèvent, vous dites, qu'ils crèvent, ou qu'ils rentrent dans le rang. Et moi je ne veux pas, je ne veux pas. Je ne veux pas ».
Hantée par son souvenir, sa famille (épouse, parents, frère et sœur, ami) vont se disputer sa mémoire. Début du cauchemar. L’époque est violente ; les rapports entre les membres de la famille, aussi… Un pays, une famille, ça explose dans tous les sens, à tous les étages. Avec au menu du sexe, de la guerre, des nuits (plus belles que les jours ?), de l’alcool… Ça crie, ça pleure. C’est joyeux, c’est désespéré avec des personnages aussi élastiques qu’azimutées par la folie. Avec de la guimauve et de la colère noire pour une descente aux enfers, pour « Sallinger » (avec deux « l »), cette pièce écrite par l’un des dramaturges français les plus joués dans le monde, Bernard-Marie Koltès (1948- 1989), pour un hommage à l’Américain J.D. Salinger, auteur éternel de « L’Attrape-cœurs » et de « Franny et Zooey ».
Une évidence : la force de « Sallinger », c’est avant tout le texte de Bernard-Marie Koltès, tiré au cordeau, en permanence au plus près de l’explosion et de la folie ordinaire. On apprécie aussi le jeu tout en souplesse et félinité de Gabriel Tamalat (qui joue le personnage de Leslie), en élégance contenue de Claire Devere (Ma) ou encore en gracilité et haut débit de Thom Lefevre (Le Rouquin), et également les intermèdes musicaux avec guitares électriques saturées à souhait, composés par Mark Alberts qui interprète également le personnage d’Al, le père de la famille. Malheureusement, « Sallinger » dans cette version 2017 souffre de deux points faibles : d’abord, la mise en scène de Léa Sananes, qui étouffe dans la petite salle des Déchargeurs ; ensuite, les deux comédiennes qui interprètent la femme du Rouquin et son amie sont moins convaincantes que les autres membres de la distribution. Deux points faibles qui auraient pu, qui auraient dû être évités…
Sallinger de Bernard-Marie Koltès
Mise en scène : Léa Sananes
Avec Mark Alberts, Claire Devere, Thom Lefevre, Mégane Martinel,…
Durée : environ 1h45.
Dates et lieux des réprésentations :
Jusqu' au 18 décembre 2017. Lundi 19h.
Au Théâtre Les Déchargeurs
3 Rue des Déchargeurs
75001 Paris
Tél. : 01 42 36 00 02
http://www.lesdechargeurs.fr/