Central station : un roman foisonnant, original, plein d’espoir et d’une grande richesse de personnages, un auteur à découvrir !
- Écrit par : Sylvie Gagnère
Par Sylvie Gagnère - Lagrandeparade.com/ Boris Chong vit sur Mars depuis de nombreuses années. À son retour sur Terre, il atterrit à Central Station – où il a grandi –, sorte de hub planétaire, carrefour où se croisent des humains, des augmentés, des robots, des IA, des créatures génétiquement modifiées et des entités extraterrestres. Il retrouve peu à peu ses marques dans cet univers foisonnant, au gré de ses rencontres avec son premier amour, en enfant aux capacités étranges, un père à l’agonie, un cyborg mendiant (et amoureux) ou une data-vampire. Central Station se fait carrefour d’une humanité curieuse, faite de débrouillardise, d’amitié, de sensibilité et de découvertes. Chaque vie y est unique, importante et précieuse.
Central Station est un fix-up de nouvelles publiées dans divers magazines, qui explore avec tendresse un futur où les humains tentent de survivre. Coincée entre la ville juive de Tel-Aviv, et l’arabe Jaffa, Central Station est une immense construction qui fait office de spatioport, point de rencontre de multiples ethnies, de pléthore de religions et de technologies bricolées. Ses personnages sont humains, cyborg, hybrides extraterrestres, fabriqués de toute pièce, de chair ou de fer, mais tous ont la capacité de rire, de pleurer, d’aimer, de s’émouvoir.
Boris Chong et son amour de jeunesse Miriam Jones servent de fil conducteur à ces tranches de vie, alors que foisonne autour d’eux une multitude de protagonistes hauts en couleur. Le Moyen-Orient que Lavie Thidar nous décrit ici est un avenir où les tensions entre Juifs et Arabes se sont apaisées, tandis qu’évoluaient les technologies et que naissaient de nouvelles religions. Nous sommes sur Terre, mais l’auteur nous fait voyager, juste en les évoquant, sur Mars-Qui-N’a-Jamais-été, dans les ludivers, sur Titan.
La force de ce roman, outre ce background très riche, ce sont ses personnages : Carmel la strigoï, triste data-vampire contrainte de fuir, obsédée par son besoin d’informations, Molt, l’ancien soldat ressuscité puis mis au rebut après d’épouvantables combats bactériologiques, Boris, qui peine à retrouver une place et interroge ses choix passés, Miriam, solide et courageuse qui assume les siens sans hésiter. On croise également les Autres, des êtres digitaux et mystérieux, et des augmentés de toutes sortes. Chacun s’attelle à (re)construire une famille, la préserver, à rester solidaire, malgré les différences. On ne peut s’empêcher d’y voir une métaphore d’un Moyen-Orient qui en aurait fini avec les guerres et serait enfin apaisé.
Le rythme est assez contemplatif, pas d’aventures trépidantes ni de péripéties haletantes dans le récit, qui se laisse plutôt le temps de questionner les rapports humains, avec délicatesse. Les tranches de vie se croisent et s’entremêlent ; à l’image de Central Station, ce carrefour, le roman propose des rencontres, des départs, des retours, des retrouvailles, tout un bouquet d’humanité qui vibre, s’interroge, vit. L’auteur y questionne la foi, l’amour, la mort, la guerre, la reconstruction, la recherche de son identite.
Lavie Thidar ne nous fait pas plonger dans cette fresque foisonnante, il nous la donne à voir, à coups de moments fugaces, de rencontres éphémères et d’histoires étranges. Il nous accompagne au cœur d’une cité où religions, cultures, ethnies se croisent et se décroisent, pour offrir finalement une aventure humaniste et joyeuse, teintée de tristesse aussi, mais résolument optimiste.
Central station
Auteur : Lavie Thidar
Éditions : Mnémos
Parution : 21 février 2024
Prix : 20,50 €