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La fabrique des lendemains : foncez sur ce remarquable recueil de nouvelles, pleines d’originalité et d’émotions

  • Écrit par : Sylvie Gagnère

larsonPar Sylvie Gagnère - Lagrandeparade.com/ Vingt huit textes, vingt huit tranches de vie, des robots, des humains augmentés ou fracassés, des aliens et des sociétés fondamentalement étrangers, des avenirs désespérés, des ambiances âpres, des variations sur le transhumanisme et le posthumanisme, des récits postapocalyptiques et des futurs angoissants aux dérapages technologiques, l’imagination de Rich Larson lui permet de nous offrir une série d’histoires aux thématiques multiples, mais qui ont en commun d’explorer les relations entre les êtres.

La diversité des nouvelles est remarquable, les ambiances sont tranchées, mais toutes racontent l’humain, ses dérives, ses angoisses, ses questionnements, ses rapports à la technologie, aux IA, au virtuel, aux modifications génétiques. Si les thèmes sont assez classiques en SF, leur traitement est brillant. L’écriture très visuelle, quasi cinématographique, de l’auteur nous permet de plonger au cœur de ces récits où l’univers est posé en quelques phrases, tandis qu’elles sont portées par des personnages forts et très profonds. Parce que Rich Larson ne raconte pas des technologies ou des mondes, il raconte des êtres humains (ou pas humains, mais des êtres vivants). Il parle de leurs souffrances, de leur vécu, de leur histoire, de leurs sentiments. Ce sont les héro·ines qui donnent chair et puissance aux nouvelles.

On trouve dans ce recueil quelques textes humoristiques ou tout bonnement foutraques – souvent très réussis : Carnivores et son restaurant aux goûts particuliers, Don Juan 2.0 qui questionne sur l’intérêt d’une IA pour draguer, Tu peux me surveiller mes affaires, dont le côté Men In Black (tout explose en bien crade) est assez réjouissant, Un rhume de tête qui voit un homme se réveiller un matin avec un drôle de symptôme : il s’aperçoit que tous ceux qui l’entourent ont sa propre figure, ou encore On le rend viral où les personnages ont tout goûté, tout essayé ou presque, jusqu’au moment où l’ultime nouveauté s’avère…ultime !

Et puis, on croise des bijoux, de tendresse, d’émotion, de violence, de rage et de colère, d’amour et d’amitié.

Dans Incolore, un étrange soldat se découvre une famille – la fin est formidable. L’usine à sommeil rend hommage aux invisibles, corvéables à merci, chair à industrie sacrifiée. Dans la même veine sociale, Porque el girasol se llama el girasol évoque l’enfer des migrants, que le passage quantique ne rend pas moins terrible.

Il y avait des oliviers se situe dans un futur post-apo où une partie de l’humanité s’est réfugiée dans des cités tandis que la majorité est décimée. La maîtrise de la technologie s’est perdue au profit d’une pseudo-religion. Le personnage fait l’apprentissage de la liberté et du choix. Veille de contagion à la maison noctambule parle également d’un avenir où quelques-uns ont établi leur domination sur les inférieurs, le texte explose d’une violence inouïe, dans une ambiance cruelle et décadente.

Rentré par tes propres moyens est un récit très émouvant, sur l’amour qui lie un grand-père et son petit-fils, dans un futur où c’est encore et toujours l’argent qui fait la différence. Innombrables lueurs scintillantes parle d’amour de la science et de la vérité, de ce que l’on est prêt à sacrifier pour découvrir, et de la peur farouche d’accepter de remettre en question sa vision du monde. Faire du manège est une bouleversante histoire d’amour, par-delà la mort. Corrigé interroge sur ce qui fait de nous ce que nous sommes : changer une chose nous change-t-il totalement ? Un récit émouvant et beau. Enfin, De viande, de sel et d’étincelles a pour personnage principal une chimpanzée, dont l’intelligence a été artificiellement augmentée. Le texte questionne l’altérité, la différence, la solitude avec une finesse remarquable.

Si toutes les nouvelles ne sont pas de même qualité, tous sont a minima réussis, quelques-uns sont très bons, certains tout à fait mémorables. L’agencement des textes forme un ensemble très cohérent, qui s’approfondit au fur et à mesure de la lecture. Soulignons également le superbe travail de traduction de Pierre-Paul Durastanti, dont la finesse et l’intelligence sont à la hauteur de l’écriture riche, inventive et charnelle de Rich Larson.

La fabrique des lendemains 
Auteur : Rich Larson
Éditions : Le Livre de Poche
Parution : 4 janvier 2023
Prix : 9,70 €

 


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