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Un sacré gueuleton : Jim Harrison passe à table…

  • Écrit par : Serge Bressan

HarrisonPar Serge Bressan - Lagrandeparade.fr / En voici un qui n’y allait pas par quatre chemins- surtout quand il s’agissait de manger, voire de bouffer ! Ogre yankee, Jim Harrison (1937- 2016) avait un sacré coup de fourchette, lui le romancier et nouvelliste, même s’il assurait qu’« il en va de la nourriture comme du sexe, des bains, du sommeil et de la boisson : leurs effets ne durent pas ». Bon, d’accord, pour que ça dure quand même un peu, Jim Harrison n’hésitait pas à consommer nourriture et boisson en même temps et en quantité astronomique quand il passait à table ! Et pour arrondir ses fins de mois, entre une petite trentaine de romans et de recueils de nouvelles, l’auteur de, entre autres, « Légendes d’automne », « Dalva », « La Route du retour » ou encore « Dernières nouvelles », se muait en chroniqueur gastronomique pour quelques gazettes US dont le « New York Times ».

Manger. Bouffer. Lire « Un sacré gueuleton » de Jim Harrison, c’est du même calibre que (re)voir « La Grande Bouffe », le film de Marco Ferreri sorti en 1973 avec Marcello Mastroianni, Philippe Noiret, Michel Piccoli, Ugo Tognazzi et Andréa Ferréol. On prend place à la table, on lit Harrison, gueule buriné : « Manger est une course contre la montre. Ce matin, j’ai abattu un énième crotalidé (serpent à sonnettes) près des marches de mon bureau, son corps agité de soubresauts s’effondrant enfin en point d’interrogation. Finis les déjeuners de rongeurs pour ce salopard de républicain dont un parent a tué Rose, mon setter anglais bien-aimé ! J’ai jeté le serpent mort en pâture aux cochons, et la grosse truie, Mary, l’a dévoré avec le plaisir évident d’un homme affamé se régalant d’une assiette de foie gras. Elle m’a souri comme pour me dire : ‘’Merci, nous sommes bien ensemble sur terre. Quand tu dégusteras mes gros jambons, je gambaderai au paradis dans un champ de maïs doux et de melons cantaloups bien mûrs’’ ».
Guidé par sa philosophie qui admettait « un seul mot d’ordre : être modéré à l’excès », Jim Harrison ne crachait pas sur la bouteille. Et avouait, sans difficulté, son penchant pour quelques vins français : « Quand la vie décide de m’accabler, je sais que je peux faire confiance à un bandol », ajoutant : « à quelques gousses d’ail et à Mozart ». Oui, l’Américain né à Grayling, Michigan bouffait. Il a même écrit : « Si l’on devait m’apprendre que j’allais bientôt passer l’arme à gauche, j’ai souvent pensé que je rejoindrais Lyon pour y manger comme quatre durant un mois, après quoi on pourrait me jeter d’une civière dans le Rhône bien-aimé ».
Dans ce « Sacré gueuleton » qui ouvre sur une « tambouille mentale » et suggère de « rentrer dans le lard », l’auteur prouve qu’en bon esthète, en bon consommateurs des choses de la vie, il pouvait et savait prendre des notes tout en se bâfrant, tout en bouffant ! Au fil des pages, il ne manque pas, dans une langue étourdissante, de glisser des recettes aussi enthousiasmantes et pleines de promesses qu’inattendues. Il savait également sortir l’artillerie lourde quand il s’agissait de dézinguer les critiques littéraires et / ou gastronomiques ou encore les prétendus experts œnologues, quand il fallait dénoncer encore et encore toute la bouffe industrielle sans le moindre goût… Oui, personnage grandement barré et furieusement talentueux, le grand Jim appréciait la gastronomie tout autant qu’il aimait la littérature, la politique et les femmes. Et toujours ce mot d’ordre pour cet amoureux des bonnes tables qui, séjournant en Europe, faisait étape à Lyon ou en Provence : « être modéré à l’excès ». Une philosophie de vie dans ce « Sacré gueuleton » qui se révèle véritable festin littéraire. A table !

Un sacré gueuleton
Auteur : Jim Harrison
Editions : Flammarion
Parution : 7 novembre 2018
Prix : 21,50 €


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