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Botafogo : la genèse chaotique du Brésil moderne !

  • Écrit par : Félix Brun

BotafogoPar Félix Brun - Lagrandeparade.fr/ Dans une courte introduction, Olivier Bosseau le traducteur, définit ce roman avec justesse : "Ce livre est peut-être l’une des meilleures introductions sociologique et culturelle à ce pays continent, à ce monde de saveurs, de fête, de violence, d’injustices sociales, de révolte et d’insurrection, de machisme, de racisme, de repentance, de religions larvées, de blasphèmes et de théologie sociale, le monde également du samba, de la capoeira (dont on a ici la première évocation littéraire)- seul manque le foot-ball !" Un récit captivant à travers le parcours cynique et cupide de Joao Romao, « baron » d’un « cortico », d’un bidonville ouvrier qui va devenir un quartier, une cité, un espace identitaire et solidaire que les habitants sous la domination de cet individu vont protéger, défendre dans le sang et la violence contre les autres « favélas » et la police. Une banlieue où la loi est celle de ce chef de clan qui édicte ses règles avec l’ambition de devenir un jour un personnage reconnu et connu dans une société fondée sur la corruption, la lâcheté, la confrontation clanique, l’exploitation des pauvres et des miséreux. Les musiques et les chants des immigrés portugais, italiens –l’Europe déversait ici son trop plein de misère- se mêlent aux « chorados bahianais », « accords de musique noire pour que le sang de tous ces gens s’éveillât aussitôt » ; « Ce n’étaient plus deux instruments qui jouaient, c’étaient des gémissements lascifs, des soupirs lâchés à torrents qui couraient en ondulant, comme des serpents dans une forêt incendiée ; c’étaient des convulsions baignées de larmes dans la frénésie de l’amour, de la musique faite de baisers et de délectables sanglots, la caresse d’une bête féroce, une caresse à faire souffrir, à faire éclater de jouissance. » La galerie des personnages est impressionnante, avec Rita de Bahia irrésistible et sensuelle, égérie de l’amour libéré…Firmo le mauvais garçon agile et sans loi, cruel capoeira, dextre du couteau…Jeronimo l’immigré portugais, fort et laborieux comme un bœuf qui succombe aux charmes de Rita…Bertoléza l’esclave qui se croyait affranchie, victime de l’avidité et de la traîtrise de Joao Romao…. C’est sous le titre « O Cortiço » que l’ouvrage d’Aluisio Azevedo est paru en 1890, et considéré rapidement comme un classique de la littérature brésilienne ; pour la première fois il a été traduit en France en 1955 sous le titre « Botafogo » (illustre quartier de Rio). Un livre qui nous fait mieux comprendre le Brésil, celui des favelas et des banlieues, symbole identitaire des gens de peu, des miséreux, des exploités ; une écriture de poésie, de musicalité, sensuelle, animée de danse fiévreuse, enrichie d’expressions populaires et de métaphores choisies. Un Brésil qui ressemble à Rita la métisse de Bahia "pleine d’une grâce irrésistible, simple, primitive, faite purement de péché, de paradis, tenant beaucoup du serpent, et beaucoup de la femme." Une lecture passionnante à l’heure où le pays d’Aluisio Azevado traverse une période politique, sociale et économique délicate.

Botafogo
Editions : H & O
Auteur : Aluisio Azevedo
Traduction : traduit du portugais(Brésil) par Olivier Bosseau
Date de parution : 7 septembre 2018 
Prix : 21€


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