Pauvre chose : le portrait sensible et subtil du grand opéra de la rupture
- Écrit par : Félix Brun
Par Félix Brun - Lagrandeparade.fr/ A force d’avaler des couleuvres, des montagnes même, à force de mensonges, de faux-semblants et de trahisons, Julie comprend enfin que Ryûdai la trompe avec son ex-compagne Akiyo, venue vivre chez lui…Comment Julie a-t-elle pu tomber dans le déni de l’évidence, de la perfidie, de la traîtrise ? "La jalousie (lui) a sauté à la gorge par surprise." Trop compassionnelle, elle ouvre enfin les yeux : "Plus j’en apprenais, plus Ryûdai m’apparaissait comme une sorte de Superman. Arriver à faire le joli cœur comme ça auprès de deux femmes en même temps, il fallait le faire quand même. Il fallait avoir la santé." Comment Julie réagit-elle, elle pour qui "La déclaration de rupture, ça ressemble aux verdicts de peine de mort : par la vertu de ces quelques mots brefs (elle s'était) retrouvée pendue étranglée[…]. » Pourtant cette situation va déclencher chez elle une renaissance : "Avoir un désir fort de changer et passer à l’acte est l’expression d’un désir de tuer le moi qui existait jusqu’à cet instant." Cette palingénésie va dévoiler la personnalité de Julie : "Je me préférais de loin telle que j’étais maintenant, plutôt que cette pimbêche qui se forçait à dire : la pauvre je vais l’aider."
Ce n’est pas un hasard si le roman de WATAYA Risa a obtenu en 2012 le Prix Kenzaboro Oe ; la comédie est sensible, subtile, un vaudeville empreint d’émotion et de sincérité, d’humour et d’empathie, avec une éblouissante déclinaison du mot pauvre. L’écriture est singulière, et parfois surprenante : "Dire que ceux qui renoncent à leur désir de courir tout nu dans la rue par peur de se faire arrêter ne connaîtront finalement jamais la sensation trop bonne d’avoir les tétons durcis au froid de l’air extérieur, franchement !"
Un très bon moment de lecture!
Pauvre chose
Auteur : WATAYA Risa
Traduit du japonais par Patrick Honnoré
Edition : Philippe Picquier