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Roman noir : Pogo le clown en free style

  • Écrit par : Guillaume Chérel

pogoPar Guillaume Chérel - Lagrandeparade.com/ L’action se passe du côté de Marseille, dans une ambiance rock-baston à l’ancienne.

Sauveur Moracchini est d’origine Corse, où il n’a jamais vécu. Cet impizutitu (plus continental qu’insulaire), comme on dit sur l'Île de Beauté, a horreur des mochetés de l’existence. Aussi, lorsqu’au cours d'une « rave », au milieu des champs, il remarque le comportement suspect d’un type grimé en clown (il tire un enfant à l'écart d’autres mômes, du côté des toilettes sèches), Sauveur réagit sans réfléchir (faut dire qu’il a un nom prédestiné). Car il connait le père du « minot », un cinquantenaire attardé, qu’il surnomme « Keupon Kro », avec qui il a eu maille à partir (une histoire de micro disparu). Ce dernier drague une « zadiste » en robe flamenco.

Tous les ingrédients d’un thriller sont là : « ça » démarre comme dans un roman de Stephen King, ça continue en mode justicier, à la Charles Bronson. S'ensuit un échange de coups, au cours duquel le ravisseur potentiel est assommé. A l'arrivée des gendarmes, le clown est dans les vapes et l'enfant reste mutique. Comme il ne donne pas sa version des faits, Sauveur est arrêté. Un commissaire de police, nommé Bensucem, qui l'a vu grandir, et son avocate, aidé par un ami d'enfance, vont enquêter pour l'innocenter. C’est le pitch de « Pogo », court roman noir de Pierre Luciani, enseignant et auteur-compositeur, amateur de SF et écrivain éclectique.

Pierre Luciani semble écrire ses livres (« Le sang des pères », aux Orfèvres, « Coureur de Nuages », Montrez-leur la mort », chez Melmac) comme il joue de la guitare, en improvisant, au feeling de son inspiration. Ainsi, page 26, il nous entraine dans le RER (donc en région parisienne), où Max mate un « Arabe » de travers, ce qui lui rappelle des rixes avec des Redskins en Angleterre. Puis nous voilà en Ardèche, où ce zonard, qui se la joue saltimbanque circassien, a trouvé de la bonne « beuh » et du travail de saisonnier, entre deux coups de main sur des festivals comme celui du « Grand Messir ». Il se propose d’amuser les mômes des artistes, et du staff, en se déguisant en clown (amateur de pogo). Nous voilà soudain avec Jasmine, l’avocate, qui tient son journal, tout en s’occupant du cas de Sauveur (présumé coupable mais innocent). Elle a découvert que le dit clown a déjà eu affaire avec la justice, et pas pour des broutilles (tentatives de meurtre – relâché faute de preuve- et attouchements sur des mineurs…).

Il est aussi question de Wolf Larsen, du Loup des Mers, de Jack London, donc de rapports de force, de la loi du plus fort, et de lutte des classes ; des Clash, de bad trip, de descente, de spliff, d’homophobie, d’abus sexuels, de « Sanglier », le capitaine Serval, de Paco de Lucia, Camaron de la Isla, de Noah (pas l’ex-tennisman), un garçonnet, de Stohrer (c’t’horreur !?), et du meurtre de la petite Marika. Mais aussi d’un « Papa graine », de l’ex-détenu Charlie Bauer, qui se voyait comme un Robin des Bois, aux côtés de Mesrine. Donc du milieu carcéral… où les savonnettes volent bas, comme on le sait.

Pierre Luciani aime sauter du corps à l’âme. Il n’a pas besoin de drogue pour planer, il est stupéfiant. Comme pour un riff de guitare, ou un be-bop de saxo. C’est le phrasé, le rythme, la musicalité qui comptent. Car il est surtout question de rock dans « Pogo » : « Le punk, c’est du rock’n’roll par des gens qui ne savent pas le jouer », a dit Frank Zappa. L’auteur prouve, une fois de plus, qu’il maîtrise l’art d’écrire, comme celui de jouer d’un instrument. En virtuose de l’improvisation. On le suit ou pas. Peu lui importe le plan initial. Il trace sa route. Ce qui compte, c’est le voyage, dit-on. Pas la destination. Avec Pierre Luciani, on voyage.

Pogo 
Editions : Rouge profond
Collection : Les Mots Noirs
Auteur : Pierre Luciani
129 pages
Prix : 18 €
Parution: 2 septembre 2025


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