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"Clete" : le noble ami de Dave Robicheaux

  • Écrit par : Guillaume Chérel

cletePar Guillaume Chérel - Lagrandeparade.com/ Les lecteurs assidus James Lee Burke (89 ans), depuis plus de deux décennies, seront ravis de retrouver Clete Purcel, pour la première fois dans le premier rôle de son nouveau roman noir.

L'incontrôlable ex-flic en disgrâce de la Nouvelle-Orléans, devenu détective privé, retrouve sa Cadillac pillée par un gang lié au trafic de drogue. Il se sent personnellement atteint car sa petite nièce est morte d'une overdose de fentanyl. Il va partir en croisade, avec l’aide son « noble ami » Dave Robicheaux, et mettre au jour une affaire autrement plus complexe et dangereuse. Au moment où il commence à remonter la piste des coupables, une certaine Clara Bow insiste pour l’engager pour enquêter sur son (futur) ex-mari, un millionnaire magouilleur, à la sale réputation, qu’elle accuse de torture physique et morale. Fidèle à lui-même, malgré les conseils de prudence de son vieil ami, ce défenseur de la veuve et de l’orphelin ne peut supporter de savoir une femme maltraitée. Il accepte… à ses risques et périls.

Comme à chaque opus de James Lee Burke, plusieurs affaires vont s’entremêler, et de nombreux personnages se succéder dans une sarabande infernale arbitrée par la mort, causée violemment, la plupart du temps. Très vite, Clete, qui est obsédé par la Shoah, comprend qu’il a affaire à une clique de dangereux suprémacistes Blancs proches du Ku Klux Klan. Sa colère ne cesse d’augmenter, au fur et à mesure que l’étau se resserre. Car ces terroristes nazillons ont comme projet de répandre dans le pays une substance chimique (le « Leprechaun » ) capable de provoquer une catastrophe dévastatrice.

Plus que l’intrigue, qui réserve, comme toujours, de nombreuses surprises et rebondissements, c’est l’atmosphère, moite et sulfureuse, du pays cajun, rendue célèbre par le film de Bertrand Tavernier (« Dans la brume électrique », avec un Robicheaux campé par Tommy Lee Jones), qui envoute le récit. L’ombre tutélaire de Faulkner plane mais aussi celle de ce bon vieux « papa » Hemingway, régulièrement invoqué. Sans oublier les fantômes. Si l’ami Dave a vu (pas cru voir) des confédérés, sortir de la fameuse brume (« électrique »), Clete engage carrément un dialogue avec… Jeanne d’Arc, bien loin de ses terres françaises. Était-il empoisonné, sous acide ? Lui n’en démord pas. Elle lui a sauvé la vie. Son « noble ami » l’écoute sans le juger.

A travers les yeux de Clete, c’est Dave, son double chevaleresque qu’il décrit. Comme lui, ils n’ont d’autre but que d’être des hommes « bons » (ce qu’on leur répète souvent). Ce qui signifie, sans faire de politique (comme ce fut le cas pour James Crumley, qui fit se rencontrer ses deux anti-héros, C.W Sughrue et Milo Milodragovitch, également excessifs en tout ou presque, et vétérans du Vietnam), s’engager contre toute forme d’injustice, qu’elle soit sociale, physique ou psychologique. Tout en combattant leur propres démons (ils ont sombré dans l’alcool et ont du mal à se laisser aimer par autrui).

Tout y est, le décor de la Louisiane (ville et nature), la mixité, le parler cajun (excellente traduction de Christophe Mercier), les odeurs de cuisine, le brouillard et la bruine, les bars interlopes, et cette menace incessante d’une société ultraviolente basée sur la doctrine ultralibérale du rapport de force : marche ou crève. Heureusement, il y a des résistants. Qu’ils soient, flics, détectives ou écrivains. Leur combat a beau sembler perdu d’avance, chaque bataille gagnée, contre l’horreur et l’ignorance, offre un peu d’espoir aux générations futures.

Clete
Editions : Rivages/Noir
Auteur : James Lee Burke
Traduit de l’anglais (US) par : Christophe Mercier
361 pages
Prix : 23 € 
Parution : juin 2025

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