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« Le Cherokee » de Richard Morgiève : un polar-western noir et tendre

  • Écrit par : Serge Bressan

morgièvePar Serge Bressan - Lagrandeparade.fr / Un coin paumé dans le sud de l’Etat de l’Utah : le comté de Garfield (du nom du vingtième président des Etats-Unis). On est en 1954, une nuit de septembre, on retrouve un héros de la guerre du Pacifique, Nick Corey, le shérif de Panguitch- « mille âmes à peu près vivantes et pas mal de fantômes », apprend-on très vite. Voilà pour le décor du nouveau roman de Richard Morgiève, « Le Cherokee ». L’an passé, cet auteur français de près d’une trentaine de livres nous avait offert un texte somptueux, « Les hommes »- une visite de la France des années 1960- 1970 en compagnie d’un voyou au cœur tendre. Avec « Le Cherokee », donc c’est le grand voyage outre-Atlantique pour un roman à l’écriture d’écorché vif. 

Là, ça commence fort au temps de la guerre froide, des soucoupes volantes et des Martiens. En une nuit, le shérif Nick Corey va être témoin d’événements pour le moins surprenants et étranges. Ainsi, un avion de chasse Sabre atterrit sur une route déserte, la carlingue est recouverte d’une suie noire, sur les pneus des traces verdâtres, il n’y a pas de pilote et encore moins l’arme tactique nucléaire dont il était doté… Un véhicule abandonné, une Hudson Sedan verte- modèle 1950, immatriculée au Nouveau-Mexique, n’est pas loin, sûrement en relation avec une disparition meurtrière… on dit même qu’il y aurait un puma blanc. Et ces traces près de la voiture- ne serait-ce pas les traces de pas de cette femme disparue et parfumée à L’Heure bleue ? Vite, débarquent sur les lieux les flics nationaux, parmi lesquels ceux du FBI- ce qui perturbe gravement toute la communauté locale. Dans le même temps, des indices laissent penser que serait réapparu un tueur en série, ce tueur surnommé « le Dindon » qui, quelques années auparavant, a massacré ses parents- « Parfois, il imaginait : ils n’avaient pas péri, ils dînaient tous les trois ensemble sur la terrasse. Il pouvait les regarder, les rassurer, entendre leurs voix, prier avec eux au début du repas pour remercier le Seigneur… » Alors, Nick Corey, le shérif de Panguitch, décide, lui l’enquêteur surdoué, qu’il en est bien fini, le temps du purgatoire qu’il avait établi sur le comté de Garfield. Sur les Hautes Plaines, il va mener une double chasse à l’homme tout en veillant à ne pas être lui-même gibier. En cette nuit d’hiver, soudain, l’ordinaire quotidien de Nick Corey a basculé- son équilibre moral, tellement fragile, va-t-il résister à cette série d’événements ?
Bien sûr, en habile maître d’écriture, Richard Morgiève aurait pu dérouler, avec « Le Cherokee », un bon thriller- et se contenter d’assurer le minimum syndical. Mais l’auteur est aussi un homme de défis. Ainsi, s’il a tricoté un très bon thriller, il a élargi ses champs d’action. Au polar western, il ajoute des parodies avec clin d’œil à Sergio Leone, David Lynch, Quentin Tarantino ou encore les frères Coen, et une bonne dose d’humour noir. Evidemment, avec « Le Cherokee », on retrouve également les « classiques » de Morgiève, les personnages orphelins rongés par leur chagrin de l’enfance, les fracassés de la vie qui va ou encore les attentifs à leur prochain, surtout quand il est fragile. Et puis, dans « Le Cherokee », roman aussi noir que tendre, aussi speedé que détonnant avec des geais bleus et des Indiens silencieux, on savourera des dialogues tout en verve- exemple : « Vous voyez quoi ? a demandé Corey. L’Eden, mon gars, j’ai vécu en Eden et je ne le savais pas ». Alors, Corey a partagé la peine de son interlocuteur. Parce que « comprendre trop tard, c’était ça la condition humaine »…

Le Cherokee
Auteur : Richard Morgiève
Editions : Joëlle Losfeld
Parution : 17 janvier 2019
Prix : 24 €


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