The Flame : Leonard Cohen, le testament d’un passionné torturé
- Écrit par : Serge Bressan
Par Serge Bressan - Lagrandeparade.fr / Jusqu’à sa mort le 7 novembre 2016 à Los Angeles, il a dit encore et encore son admiration pour les poètes, dont son préféré, son idole- l’Espagnol Federico Garcia Lorca (1898- 1936). Canadien de Montréal, Leonard Cohen est connu mondialement surtout comme auteur-compositeur-interprète et musicien pour, entre autres, « Suzanne » (1967) ou encore « Dance Me to the End of Love » (1984)- on oublie trop souvent qu’il fut également poète, romancier, dessinateur et peintre canadien : il publia son premier recueil de poésie en 1956 et son premier roman, en 1963. Il s’en trouva même, en octobre 2016, pour assurer que le jury suédois aurait été plus inspiré en accordant le Nobel de littérature à Leonard Cohen plutôt qu’à Bob Dylan… Alors, pour se consoler, on peut (et on doit !) se plonger sans retenue dans « The Flame », « le livre testament de Leonard Cohen » comme l’assure l’éditeur français sur la bande rouge qui ceint l’ouvrage. Et entendre ses mots prononcés en 1966 dans une émission d’une télé américaine : « Je ne suis pas intéressé par la postérité qui est une forme poétique de l’éternité. J’aime que les choses que je fais aient cette part d’immédiateté horizontale. Je ne suis pas intéressé par un régime d’assurance pour mon travail »…
On ne le répétera jamais assez, Leonard Cohen fut l’homme qui voyait tomber les anges. Le chantre des perdants magnifiques. Le chanteur et l’écrivain qui détenait le secret et le pouvoir de transformer le noir en lumière, en flamme (« the flame », comme le titre de ce recueil indispensable). Livre posthume, il a été mis en forme par son fils Adam et se présente en trois parties : d’abord, des poèmes déclarés « bons à publier » ; ensuite, les textes de ses trois derniers albums (« Popular Problems », « Old Ideas » et « You Want It Darker ») et de celui (« Blue Alert ») qu’il a écrit pour Anjani qui fut sa choriste et, un temps, sa compagne ; enfin, le contenu de carnets que Cohen n’a pu relire, voire corriger ou annoter. Du brut de décoffrage, des textes, des dessins et des croquis peu flatteurs pour autoportraits. Dans les derniers mois de sa vie, Leonard Cohen se savait très malade, il se comparait à une statue vivante, une statue qui bouge quand on pose une pièce de monnaie à ses pieds.
Passionné torturé, parmi tant et tant de mots, il a écrit : « Je suis une putain et un junkie / Si certaines de mes chansons / Vous ont soulagés un moment / De grâce rappelez-vous ceci ». Un temps, pendant quelques années, il a fréquenté assidument des moines zen et goûté aux plaisirs des nuits brûlantes. A la lecture de ses mots, en feuilletant « The Flame » en mode adagio, on savoure les phrases, on entend cette voix grave et profonde. Ne nous privons surtout pas d’un tel plaisir !
The Flame
Auteur : Leonard Cohen
Editions : Seuil
Parution : 11 octobre 2018
Prix : 25,00 €