Blanc autour : un bel hommage à des femmes féministes américaines qui ont soutenu les mouvements abolitionnistes au XIXème
- Écrit par : Julie Cadilhac
Par Julie Cadilhac - Lagrandeparade.com/ Nous sommes en 1832, à Canterbury dans le Connecticut, où une pittoresque petite école de jeunes filles est tenue par une lumineuse Miss Prudence Crandall.
Un jour, une fillette noire nommée Sarah vient interroger la directrice de l’établissement sur le phénomène de la réfraction dans l’eau et cette dernière réalise la nécessitéc de dispenser l'éducation à tous et décide au fur et à mesure d’ouvrir son école aux filles de son Etat qui ne sont pas blanches. La réaction, dans la bourgade, est immédiatement très négative : on s’indigne et des notables demandent à Prudence de revenir sur sa décision. Celle-ci, déterminée, féministe à l'avant-garde et convaincue de la pertinence des lois abolitionnistes, ne change pas d’avis…au contraire! ....et à son propre péril et celui de ses pensionnaires qui vont voir une vague de violence et de haine s’abattre sur elles.
Inspiré de faits réels, ce récit qui traite de l’abolition de l’esclavage aux Etats-Unis et du difficile parcours entre le vote des lois et leurs applications, aborde le sujet de manière aussi fine que percutante. Wilfrid Lupano y insère une galerie de personnages singuliers et attachants comme la sorcière féministe qui sévit au fond des bois ou encore le sauvageon rebelle qui vocifère à l’envi des testes du prédicateur Nat Turner. A l’exception d’une scène meurtrière, le scénario prend le parti d’aborder cette animosité et cette peur de l’étranger non pas au travers d’images choquantes mais plutôt en réfléchissant sur les conséquences et les enjeux des bouleversements d’une société. Lorsque la sorcière Miriam invite les filles à réfléchir à ce qu’il y a dans leur ventre, elle donne le secret de la révolte la plus efficace : « Nous mettons au monde des enfants, et nous les élevons. Des femmes noires instruites auront des enfants instruits, qui auront des enfants plus instruits encore. »
Stéphane Fert accompagne cette histoire de femmes fortes de sa patte graphique originale : on apprécie ses nombreuses vignettes sans phylactère, sa manière de représenter certaines scènes de foule et son traitement des couleurs d’une grande expressivité.
Un beau roman graphique qui conviendra à un public adulte et adolescent et qui rappelle de manière salvatrice la nécessité de lutter, encore et encore, contre toutes les formes de discrimination.
Blanc autour
Editions : Dargaud
Scénario : Wilfrid Lupano
Dessin : Stéphane Fert
144 pages
Parution : 15 janvier 2021
Prix : 19,99€