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Le voyageur : une plongée enthousiasmante dans l'oeuvre emblématique de Léonard de Vinci

  • Écrit par : Julie Cadilhac

le voyageurPar Julie Cadilhac - Lagrandeparade.com/ Patrick, gardien de musée au Louvre, est un cinquantenaire désenchanté, vieux garçon vivant encore avec sa mère, qui a la sensation d'avoir râté sa vie. A force de côtoyer la Joconde, il ne supporte plus cette " petite conne"...jusqu'au jour où une petite voix l'invite à pénétrer dans le tableau...l'occasion de faire des rencontres troublantes dans une Toscane fantasmée qui lui permettront de renouer avec lui-même et de trouver les ressorts pour reprendre goût à la vie. 

Théa Rojzman a imaginé une odyssée picturale initiatique fort séduisante qui conquerra tou(te)s ceux et celles qui aiment se perdre dans les méandres de l'âme pour mieux s'y retrouver mais aussi tou(te)s les amoureux(ses) de l'art et du voyage. Cette bande-dessinée est empreinte d'une revigorante sensibilité et invite le lecteur à suivre le conseil éclairé : " Nul ne peut trouver l'amour sans avoir au préalable pris soin de s'aimer soi-même."

Joël Alessandra offre un écrin de très belle facture à ce "voyage intérieur". Avec les atours d'un carnet de voyage conçu à l'aquarelle, son travail graphique plonge l'oeil ravi dans les paysages et les villes de Toscane du XVIème siècle.

Conquise, la Grande Parade a voulu en savoir davantage sur la genèse et la création de cet album superbe et nous les remercions de s'être prêtés avec autant de précision et de pétillance au jeu de l'entretien ! 

 

theaThéa Rojzman - Scénario 

Dans quel rêve avez-vous fait connaissance avec Patoche?
Dans un rêve éveillé, vraisemblablement...Je ne sais plus comment ce Patoche est entré dans mon esprit. Il y est entré, c’est tout. Ils sont comme ça, les personnages, un peu intrusifs et sans gêne !

Mona Lisa a-t-elle précédé Patrick dans les pérégrinations de votre inspiration? Ou est-ce le contraire?
Oui, je crois me souvenir que je pensais d’abord à Mona puis à quelqu’un de proche d’elle. Et qui de plus proche d’elle qu’un gardien du Louvre ?

Comment ça se débute, une histoire, chez Théa Rojzman? Autour d’un personnage? d’une phrase, d’une image? D’une pensée? Toujours pareil? ou ça dépend des histoires?
Oh, ce n’est jamais pareil, le processus est toujours différent ! Ça dépend des histoires mais aussi du projet. Cela peut partir d’un sujet qui me tient à cœur (« je veux faire un livre sur ce sujet »), d’une proposition extérieure (projet de commande), d’une information qui me frappe, d’un personnage qui me fascine, de douleurs ou de joies personnelles ou encore de la sollicitation de mes partenaires, éditeurs, éditrices ou dessinateurs, dessinatrices. Je dois constater qu’il n’y a aucune règle ni aucun processus semblable si je repense à chacun de mes projets. Par contre, il faut toujours qu’une petite lumière s’allume en moi, un intérêt, une fascination, un désir soit pour le sujet, pour un personnage, une période de l’histoire ou pour un univers graphique...J’ai besoin de ressentir des « papillons dans le ventre », un peu comme un état amoureux. C’est cela le point de départ commun à tous mes projets, ce ressenti.

[bt_quote style="default" width="0"]Je ne sais plus comment ce Patoche est entré dans mon esprit. Il y est entré, c’est tout. Ils sont comme ça, les personnages, un peu intrusifs et sans gêne ! [/bt_quote]

sapereComment Le Voyageur est-il arrivé jusqu’à Joël Alessandra? Et aux éditions Maghen?
La vérité est que j’ai construit Le Voyageur sur mesure pour Joël ! Il est venu me chercher avec une envie de travailler ensemble. Je lui ai d’abord demandé ce qu’il aimait dessiner : des paysages, de l’architecture...Ce qu’il aimait : la peinture, les voyages...Je me suis concentrée sur lui, son univers graphique et ses envies. De lui, je savais qu’il était un grand voyageur...Alors, taquine, je me suis dit que ce serait amusant de lui proposer un voyage intérieur, pour changer ! Le reste s’est déroulé mais toujours en pensant à lui principalement. Et en cours d’élaboration bien sûr, se sont infiltrées mes propres obsessions, désirs et sujets de prédilection : le malaise existentiel, la quête de résilience, ma fascination pour la vie inconsciente de l’esprit... Je lui ai proposé cette histoire qui lui a plu et il en a réalisé l’univers graphique qui m’a plus aussi. Puis ensemble, nous avons envoyé le dossier à différentes maisons d’édition. Vincent Odin (notre éditeur) et Daniel Maghen ont répondu très rapidement, avec l’envie de travailler avec nous et de publier cette histoire...

Quelles ont été vos principales sources d’inspiration? Un voyage en Toscane? Des promenades au Louvre? Des films? Des livres? Une cuite au Sangiovese?
Rien de tout ça, juste Joël et mon fort intérieur.

Une guide, au tout début de la fiction, évoque les deux paysages à l’arrière de Mona Lisa, les commente peut-être comme des « paysages intérieurs »...est-ce une pure hypothèse de votre esprit ou l’avez-vous réellement lu de commentateurs?
Je ne me serais pas permise d’apporter mes propres hypothèses. D’ailleurs, il y en déjà assez comme ça concernant la pauvre Joconde ! C’est effectivement une hypothèse lue quelque part parmi les nombreuses analyses picturales de cette œuvre. Mais je ne me souviens plus où j’ai lu ou entendu ça ! J’ai fait beaucoup de recherches mais ma mémoire a déjà tout évacué, par nécessité. Cela fait déjà deux ans !

Faire basculer dans une oeuvre picturale un personnage est un topos assez répandu dans la littérature, non?
Je ne sais pas, je ne lis jamais de livres, hahah ! Plus sérieusement, oui, c’est sans doute un gimmick parmi d’autres dans les récits de fiction mais l’important est certainement ce qu’on en fait. Cela dit, je confesse volontiers que ce n’est sans doute pas l’aspect le plus original de notre proposition !

sapere ...mais il reste toujours un outil narratif aux possibilités fantastiques. Dans quel tableau Théa Rojzman a-t-elle rêvé de plonger?
Si je n’avais peur de rien, je plongerai volontiers dans les jardins de Jérome Bosch ! Pour un temps calme, je basculerai plutôt chez Edward Hopper. Et pour avoir le fin mot de l’histoire, je plongerai peut-être dans un autoportrait de moi-même !

Avez-vous - vous aussi - vécu un syndrome de Stendhal...et si oui, dans quel contexte et devant quelle oeuvre?
Oui, au sens où, comme beaucoup de gens, j’ai été submergée d’émotions devant certaines œuvres, sans aller jusqu’au malaise néanmoins. Mais il m’est arrivée d’être très émue ou perturbée, de ressentir que l’œuvre touchait en moi quelque chose de très profond, peut- être même des choses en moi que je ne connais pas. L’art, en cela, est un peu magique...J’ai ressenti cela pour de la musique, de la peinture, de la littérature, de la poésie...Je n’ai pas une œuvre en particulier à citer car cela m’est souvent arrivé à vrai dire. Récemment, je l’ai ressenti devant des dessins de Jérome Zonder ou des tableaux de Julian Spianti, par exemple, la danse d’Andréa Bescond au théâtre dans « Les Chatouilles »...Le violoncelle de Julia Kent aussi...Les bandes dessinées de Pierre Duba...Plus jeune, en lisant Kundera ou en découvrant la peinture de Francis Bacon...Ohlala, il y a eu trop de fois, je crois !

Pourriez-vous expliquer ce que c’est qu’une radiographie ? L’histoire de celle de Mona Lisa, ainsi que l’hypothèse des « contours », est fascinante...est-elle pure invention?
La radiographie appliquée aux œuvres picturales est une analyse « interne » d’un tableau, une technique utilisée par des experts ou des restaurateurs, restauratrices. C’est l’utilisation des rayons X pour accéder aux différentes couches et informations non visibles à l’œil nu. La radiographie va révéler un tableau caché sous un tableau par exemple, ou simplement sa structure, les détails techniques de sa composition, le nombre de couches, etc. En faisant mes recherches, le principe du Sfumato (peindre en atténuant jusqu’à disparition les lignes, les contours) m’a fascinée. Ensuite, j’ai trouvé un documentaire expliquant en quoi la radiographie de la Joconde différait des radiographies faites sur d’autres tableaux de la même époque. Comme je le raconte dans le livre, celle de la Joconde est très différente car les contours du personnage n’apparaissent pas.. Tout faisait sens par rapport à ce que j’avais envie de raconter : mon personnage est empêtré dans des croyances limitantes sur lui- même (son « personnage ») et toute la sagesse et la science de Léonard de Vinci évoquent techniquement la disparition des « contours ». J’ai ainsi appliqué des principes picturaux et techniques à des manières de concevoir l’existence plutôt d’une façon « psychologique », voire en partie spirituelle. Je ne sais plus dans quel ordre j’ai travaillé tout cela mais tout s’est lié à un moment donné pour faire sens.

[bt_quote style="default" width="0"]j’ai trouvé un documentaire expliquant en quoi la radiographie de la Joconde différait des radiographies faites sur d’autres tableaux de la même époque. Comme je le raconte dans le livre, celle de la Joconde est très différente car les contours du personnage n’apparaissent pas.. Tout faisait sens par rapport à ce que j’avais envie de raconter : mon personnage est empêtré dans des croyances limitantes sur lui- même (son « personnage ») et toute la sagesse et la science de Léonard de Vinci évoquent techniquement la disparition des « contours ». J’ai ainsi appliqué des principes picturaux et techniques à des manières de concevoir l’existence plutôt d’une façon « psychologique », voire en partie spirituelle. Je ne sais plus dans quel ordre j’ai travaillé tout cela mais tout s’est lié à un moment donné pour faire sens.[/bt_quote]

sapere Ici votre personnage vit une quête initiatique et découvre la saveur de la vie : « Nul ne peut trouver l’amour sans avoir au préalable pris soin de s’aimer soi-même. ». Si je ne me trompe pas, la dimension psychologique et sensible est très présente dans votre travail, pourquoi? Pourriez-vous nous parler un peu de votre parcours?
Oui, c’est vrai, ces dimensions sont très présentes dans mon travail. La vie de l’esprit et les processus thérapeutiques me passionnent. Au départ, je suis une enfant qui a subi des violences, comme des millions d’enfants et j’ai dû moi-même admettre et comprendre comment j’avais été façonnée par ces blessures. C’est le point de départ sans doute de tout mon intérêt pour ces questions. Je fus mon premier sujet d’exploration, et puis, mon intérêt s’est déplacé vers les autres, vers l’humanité tout entière. Que fait-elle de ses violences, de ses blessures, de sa vie, de son Histoire ? J’ai toujours été plus passionnée par les questions que par les réponses, alors je suis en perpétuelle recherche, posant juste ici ou là, des hypothèses, des réflexions, mais sans jamais rien affirmer. J’essaie en tout cas. Mon parcours est cohérent par rapport à tout cela : j’ai fait des études de philosophie et une formation de psychothérapeute sociale...Mais je suis très intéressée par le croisement ou la découverte de nouvelles disciplines...Les questions me dirigent et je fais tout pour rester sur un mode « ni sceptique ni crédule », à l’écoute et en recherche.

Au passage, merci d'avoir réhabilité tout le charme caché de lamoche de la billetterie ! ....elles se ressemblent toutes ces femmes ( Ginerva,la mère de Patrick etc) qui traversent cette fiction, est-ce volontaire de votre part ou est-ce à Joël Alessandre que cette particularité est due...ou ce sont mes yeux qui divaguent?
La ressemblance entre Geneviève et Ginerva est volontaire, bien sûr. Cette sœur de Mona Lisa a réellement existé et portait ce prénom. Or, Ginerva est l’équivalent de Geneviève en italien. Patrick ne plonge pas réellement dans la Toscane de Léonard, il plonge à l’intérieur de lui-même et compose cette réalité. C’est donc lui qui attribue un visage similaire à ces femmes. Il fait des liens inconscients, il s’agit de « sa » réalité. Au début, il ne sait pas qu’il est attiré par « la moche de la billetterie » mais une part de lui, le sait et le désire...Donc non, vos yeux ne divaguent pas, tout est normal !

Le Voyageur, un beau titre. Comment l’avez-vous choisi? Avez-vous hésité avec d’autres?
« Le Voyageur » était mon premier titre, celui que j’ai proposé avec mon résumé de l’histoire à Joël puis aux éditeurs. En cours de réalisation de l’album, j’ai souhaité le changer, le pensant un peu « bateau » et déjà vu. J’ai proposé « SAPERE VEDERE » qui est la devise de Léonard de Vinci et signifie « savoir voir ». C’ est aussi la phrase magique du carnet qui permet à Patrick de « basculer » dans le tableau. Nous avons gardé ce titre un moment puis notre éditeur a souhaité finalement revenir à « Le Voyageur », plus simple, sans doute plus « vendeur ». Je ne m’y suis pas opposée même si j’aimais beaucoup « Sapere Vedere ». Mais j’ai tendance à souhaité des titres trop énigmatiques, du genre que les « commerciaux » refusent...Je vis le même problème avec le titre d’un prochain album, un titre que j’ai choisi et adore mais que je suis contrainte d’abandonner. Je n’ai pas ce pouvoir de décision...

sapere Comment avez-vous collaboré avec Joël Alessandra?
De façon assez simple et plutôt habituelle de nos jours : à distance, par internet. Une fois le contrat signé, je lui ai envoyé le scénario complet et il a démarré les dessins, page après page. Joël est un travailleur incroyable, volontaire, impliqué mais aussi rapide ! Mon scénario faisait 111 pages, il en a rajouté quasiment 40, hors contrat (c’est-à-dire, pas payées en plus) pour créer des doubles pages ou des pages supplémentaires d’ambiance. Il est fou ! Mais au final, le récit y gagne forcément, la temporalité est plus douce, plus contemplative et c’est très important ! Mon travail ne s’arrête bien sûr pas au scénario, nous avons fait des allers- retours sans arrêt, modifié, réajusté, soit le dessin, soit le scénario. Nos éditeurs Vincent Odin et Daniel Maghen sont aussi intervenus, notamment sur la fin que nous avons modifiée. Bref, c’est un travail d’équipe au long cours, deux ans de suivi et de travail !

Quelles ont été vos premières impressions face à son interprétation graphique de votre histoire?
Je connaissais son « trait », son univers mais une des premières « images » qu’il m’a envoyée m’a surprise et particulièrement touchée : il s’agissait d’une couverture de présentation du dossier où l’on voyait Patrick (qui n’avait alors pas de moustache) marcher en lévitation, dans les airs, au milieu d’un paysage de Toscane. « Bingo ! » fut ma première impression, on était connecté et raccord ! Et puis, il y a eu ses pages avec des incrustations de dessins de Léonard...Magiques. Avec Joël, nous avons travaillé dans une grande harmonie, relationnelle et créative. Une collaboration idéale !

Y-a-t-il une planche que vous aimez particulièrement? Laquelle...et pourquoi?
Oh, c’est difficile de choisir...Mais je dirais la double page 118-119 parce que j’ai été particulièrement émue quand je l’ai reçue. Cette double page correspond à une seule case du scénario qui disait simplement : « Il est renversé par le souffle ». On y voit là toute l’implication et l’inspiration de Joël à partir d’une simple action proposée au départ, en tout petit. J’adore ! Ce qu’il a fait là est très fort et particulièrement réussi. Mais il y a plein d’autres pages qui m’ont fait le même effet.

[bt_quote style="default" width="0"]J’ai toujours été plus passionnée par les questions que par les réponses, alors je suis en perpétuelle recherche, posant juste ici ou là, des hypothèses, des réflexions, mais sans jamais rien affirmer.[/bt_quote] 

 joel alessandraJoël Alessandra - Dessin 

Comment êtes-vous entré dans le projet du Voyageur?
Eh bien c’est une vraie collaboration comme rares sont les ententes artistiques. Je connaissais Théa et surtout son travail et j’avais très envie de travailler avec elle. Lors d’un festival, je me suis jeté à l’eau et lui ai demandé si ça lui disait d’écrire une histoire que je pourrais illustrer.

Qu’est-ce qui vous a immédiatement séduit dans ce récit?
Tout. Ha ! Ha ! En fait c’est Théa qui a essayé de savoir ce qui me plairait de représenter dans l’histoire qu’elle allait concocter. Je lui ai décrit mon univers - qu’elle connaissait un peu pour avoir lu quelques albums - mes inspirations, mes envies, les choses qui m’attirent comme la Toscane ou l’Histoire de l’Art, les voyages bien sûr. Ainsi, Théa a réussi avec grand talent à faire apparaître tout cela, mais j’ai également adoré son écriture, sa virtuosité à échafauder des dialogues et à créer une atmosphère fantastique, à imaginer une histoire aussi épatante !

Quelles ont été vos sources d’inspiration? Vous êtes-vous beaucoup documenté sur l’époque de Da Vinci? Avez-vous voyage en Toscane? Ou, pour vous, l’émotion, l’impression, le fantasme priment sur la documentation et la précision historique?
J’ai énormément de mal à dessiner des endroits où je ne suis pas allé. A décrire des lieux qui me sont inconnus. Je me balade toujours avec un carnet avec moi, je dessine l’environnement des scènes à venir, c’est obligatoire ! Je fais cela avec tous mes livres, je fais énormément de croquis dont je me sers dans les planches de l’album. Le Voyageur n’a pas dérogé à la règle : visite du petit village de Vinci, dessins de Toscane, il y a d’ailleurs en fin d’album un cahier graphique qui reprend quelques croquis faits au Louvre ou du côté de Florence. Concernant Leonardo da Vinci, j’ai acheté beaucoup de livres et me suis procuré énormément de documentation... ce qui m’a permis ces compositions «à la manière du Maître» dans les pages qui lui sont consacrées.

[bt_quote style="default" width="0"]Je me balade toujours avec un carnet avec moi, je dessine l’environnement des scènes à venir, c’est obligatoire ![/bt_quote]

visiteursVous avez travaillé avec l’aquarelle, avec l’idée d’un carnet de voyage, c’est bien ça?
L’aquarelle est le médium que j’utilise tout le temps. Que je sois en voyage sur les carnets ou à l’atelier pour réaliser les planches proprement dites, c’est la même petite boîte de couleurs que je pratique...

Quels sont vos petits secrets de fabrication d’une oeuvre à l’aquarelle?
Je travaille au café, j’utilise beaucoup de café. J’adore cette couleur ambrée qui réchauffe l’ensemble de ma palette, le même café que je bois le matin et où je trempe mon pinceau ! Mélangé aux pigments de l’aquarelle, cela donne des choses réellement étonnantes et la particularité de ma chromie.

Est-ce votre support de dessin privilégié? et si oui, pourquoi?
J’en ai déjà un peu parlé, oui, c’est l’unique manière de travailler. Pas d’encre de chine ni d’encres de couleur, café et aquarelle. Pour la beauté simple et efficace de cette technique, où «l’accident» est toujours bienvenu et participe de la qualité du dessin.

« Regarde attentivement car ce que tu vas voir n’est plus ce que tu viens de voir » disait Leonardo Da Vinci. Est-ce que cela reflète la vision de votre art? Qu’est-ce que cette réflexion vous inspire?
C’est le secret du carnet et du dessin sur nature : je fixe dans ma mémoire ces moments d’intimité avec le décor que je dessine... je peux reprendre un carnet d’il y a 10 ans et me souvenir en tournant les pages du moment exact où j’ai tracé le croquis, je me souviens presque des odeurs, du moment de la journée... ce n’est pas du tout le cas quand je prends des photos au téléphone ou avec mon appareil...

Mona Lisa, Leonard de Vinci... quel rapport aviez-vous avec cette oeuvre et son créateur avant de travailler sur ce livre?
Quand j’étais étudiant en Arts Appliqués à l’école Boulle à Paris, j’étais toujours fourré vers le Pavillon de Flore, ou dans les salles Denon, je suis un véritable fan de ce musée, j’adorais m’y perdre. Travailler sur cet album et déambuler dans les méandres du Louvre pour le livre avait une saveur particulièrement familière et agréable. Merci Théa !!

monaCe travail vous a-t-il fait redécouvrir ce tableau? l’a éclairé d’un nouveau regard?
Oui bien sûr ! encore une fois, dessiner c’est regarder, mais regarder aussi au travers des choses, pénétrer plus profondément le sujet. On s’attache à percer les détails que nous propose Léonardo, à explorer la matière... Théa a mis l’accent sur l’arrière-plan de la peinture de Mona Lisa, m’incitant à examiner les chemins perdus et dissimulés derrière la figure de la Joconde.

[bt_quote style="default" width="0"]Théa a mis l’accent sur l’arrière-plan de la peinture de Mona Lisa, m’incitant à examiner les chemins perdus et dissimulés derrière la figure de la Joconde.[/bt_quote]

Y-a-t-il un passage que vous aimez particulièrement dans cette histoire? Lequel et pourquoi?
J’aime beaucoup le moment précis où Patoche, le gardien du Louvre, se voit «aspiré» par le tableau de la Joconde, j’ai adoré mettre en scène et dessiner cet effet fantastique. J’avais pris le parti de représenter l’univers morne et fade du quotidien de notre héros dans des tons monochromes bleus, et les œuvres d’Art en couleur, la Joconde également. J’ai pris un plaisir intense à faire cohabiter ces deux ambiances colorielles, à travailler sur ce «passage» vers la dimension Toscane du XVIe siècle haute en couleurs..

louvreEt un qui vous a posé des difficultés à composer?
Clairement la scène du Sfumato où Patrick perd ses contours... la BD est justement l’Art du contour, s’en séparer m’a posé un réel problème technique, il a fallu plusieurs tests et essais graphiques pour arriver à transcrire l’idée de Théa, un vrai challenge !

Puisque j’ai posé la question à Théa, je vous la pose aussi avant de conclure : avez-vous vécu un syndrome de Stendhal...et si oui, dans quel contexte et devant quelle oeuvre?
J’adore vraiment la peinture italienne de cette époque, mais la véritable émotion que je peux avoir, presqu’à en pleurer, c’est sans conteste devant les œuvres de Vermeer. Le peintre de Delft peut me laisser des heures entières à sa merci, la Jeune fille à la perle, par exemple, possède toute la sensibilité, la technique, la beauté possible dans un tableau selon moi.

Si vous deviez, en quelques mots, décrire cette histoire, que diriez-vous?
Que Théa est un génie des histoires fascinantes, et que je ne peux rien dévoiler de cette magnifique aventure, j’engage le lecteur à se faire sa propre idée !

[bt_quote style="default" width="0"]Je travaille au café, j’utilise beaucoup de café. J’adore cette couleur ambrée qui réchauffe l’ensemble de ma palette, le même café que je bois le matin et où je trempe mon pinceau ! Mélangé aux pigments de l’aquarelle, cela donne des choses réellement étonnantes et la particularité de ma chromie.[/bt_quote]

Le voyageur 
Editions : Daniel Maghen
Dessin: Joël Alessandra
Scénario : Théa Rojzman


Date de parution : 23.03.2023
150 pages
 

Prix : 26 €

Crédit-photo ( Théa Rojzman) : David Flick

Crédit-photo ( Joël Alessandra) : Guillaume Esteve

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