Libres ! : un manifeste féministe aussi intelligent que salvateur !
- Écrit par : Julie Cadilhac
Par Julie Cadilhac - Lagrandeparade.fr/ Quand on a une âme féministe, force est de constater au quotidien combien ce mot est souvent utilisé et récupéré par des femmes qui sont…les pires ennemies des femmes. En effet, n’évoquons que la question de l’écriture inclusive qui fait tapage actuellement dans les médias ; une vaste chimère que brandissent fièrement des intellectuelles médiatisées et qui n’apportent rien - est-il vraiment essentiel de coucher dans le dictionnaire le mot « chroniqueuse » que personnellement, à la Grande Parade, nous n’attendons pas une autorisation de l’Académie française pour utiliser? Être une "cheffe" va-t-il donner aux femmes plus d'autorité et de possibilités d'accéder à des postes de tête?...Soyons sérieux deux minutes, hein! Les vrais débats et problématiques de notre société patriarcale qui continue de faire (sournoisement, évidemment, parce qu’on y a ajouté par-dessus un joli vernis d’égalité irréprochable) des femmes un objet de désir, une ménagère innée et une mère en puissance condamnée à faire passer ses enfants avant sa carrière ( parce que, hein, c’est un scandale une mère qui n’est pas aux côtés de ses enfants tous les jours de l’année!), ne sont abordés que de manière superficielle et souvent par des plumes de magazines féminins qui affirment en même temps que le ménage, c’est pour tout le monde, mais qui, à la page suivante, vous expliquent comment vous modeler un joli petit cul pour séduire un homme cet été....
Alors, vraiment, ce manifeste d’Ovidie illustré par Diglee est un vrai bonheur…le genre d’ouvrages qu’il faut offrir à tire-larigot pour faire avancer un peu les mentalités. Découpé en chapitres aux titres percutants ( Sirop de corps d’homme, Gras double, Cachez ce sang que je ne saurais voir, Bouge ton boule, I kisse a girl and i like it, Plus on est de fous plus on rit etc…), cet ouvrage aborde des tas de questions sexuelles essentielles et sans tabou et rappelle aux femmes qui l’auraient oublié que « la seule certitude qui nous reste en matière de sexe (c'est que) nous sommes les seules décisionnaires de ce que nous faisons de notre corps et rien ni personne ne devrait jamais nous dicter notre conduite. »
Truffé de réflexions pertinentes et de planches pleines d’espiéglerie, ce bouquin fait vraiment vraiment vraiment du bien ! On a assez insisté? Invitation à la tolérance, sans agressivité pour les hommes mal placée mais dénonçant plutôt les us d’une société patriarcale qui s’acharne à confiner le sexe féminin dans un rôle prédéterminé, « Libres! » devrait être prescrit par la sécurité sociale pour toutes les âmes fatiguées de tenter de répondre aux exigences culturelles occidentales.
Alors, en vrac, on y réfléchit sur la fellation et pourquoi on la prétend être le ciment du couple - quand on sait que le sperme a « un goût de lait périmé dans lequel auraient infusé des asperges » et que, d’un autre côté, le cunnilingus est bien moins pratiqué et véhicule toujours des questions d’hygiène notamment qui torturent l’esprit des femmes et les empêchent souvent de profiter de certaines pratiques. Ovidie aborde aussi la question du corps et la manière dont les femmes doivent répondre à des critères physiques toujours plus contraignants ( qui incluent un poids acceptable, une épilation presque totale, une date de péremption autour de 30 ans etc.). Elle évoque aussi le sexe durant les règles, souvent considéré comme écoeurant par des partenaires masculins pourtant addicts à d'autres pratiques tout autant sujettes à question d'hygiène - les menstruations étant si taboues que l’on continue dans les publicités à inonder les serviettes hygiéniques d’un liquide bleu ( et là , on ne vous apprend rien...). On parle aussi de sodomie et de la bisexualité, qu’étonnamment, on encourage les femmes à pratiquer mais que les hommes pratiquent très peu…et de tant d’autres sujets documentés par une experte du sexe qui cite des spécialistes, donne des anecdotes en lien avec le monde de la pornographie et nous rappelle avec justesse toutes les humiliations pernicieuses dont les femmes sont victimes au lit, simplement parce que les mentalités n’ont bougé que d’un iota.
Ovidie aborde la question du sexe avec une ouverture délicieuse et surtout parce qu’elle rappelle que chacun doit faire ce qu’il veut et n’user de pratiques que s’il y est consentant et qu’il y prend du plaisir. Ainsi elle rappelle que le polyamour par exemple est une forme d’amour, pas un modèle à suivre...parce que c’est à la mode.
On terminera par une citation qui nous a touchés, dans un chapitre intitulé « Une burka de chair »: « L’esprit trop encombré par la terreur d’être rejetées, de ne pas être aimées, de vieillir, de grossir, nous ne pouvons nous consacrer pleinement à ce qui constitue réellement notre personnalité au delà de notre forme charnelle. Nous ne pouvons nous définir autrement que par notre beauté, et ne pouvons exister pleinement, par et pour nous-mêmes. »
« A poil ou en burqa, jamais le féminisme ne devrait être un prétexte pour s’en prendre à d’autres femmes. » Tout est dit. Un mot…MERCI Ovidie et Diglee!
Libres ! Manifeste pour s'affranchir des diktats sexuels
Scénariste : OVIDIE
Coloriste : THIBAUT-JOUVRAY Anne-Claire, DIGLEE
Illustrateur : DIGLEE
Collection : TAPAS BD
Prix : 18,95€
Date de parution : 04/10/2017