Par Sylvie Gagnère - Lagrandeparade.com/ Raymond a 12 ans. Jusque-là, sa vie a été assez compliquée : il n’a jamais connu de véritable maison, ses parents déménageant sans cesse – trois fois au cours des derniers mois. Ils ne lui prêtent aucune attention, le laissent souvent seul pour des périodes indéterminées, ce qui lui a valu d’être placé dans un foyer pour enfants pendant un an. Et, ça, il ne veut à aucun prix que cela se reproduise. Il se sent plutôt bien à River Mill. Le collège est agréable, et il réussit à être tout à fait invisible. Il faut dire qu’il excelle à ce jeu-là, dont il a compris qu’il lui permet d’échapper aux ennuis.

Un jour, il rentre au Mobil-home, pour trouver un sac de vêtements devant la caravane et ses parents disparus. Avec sa fidèle chienne Rosie, Raymond s’installe dans les bois, à côté du collège, armé d’un manuel de survie emprunté à la bibliothèque. Il va devoir être encore plus invisible, qu’on ne découvre jamais sa cachette, qu’on ne l’oblige pas à aller dans un foyer pour enfants. Mais l’hiver arrive, et tout devient plus compliqué.
Raymond a beau essayer de demeurer seul, il se fait un ami à l’école et tombe sous le charme de Lexi, sa camarade de classe. Sans compter le vieux Stigs, qui pêche avec lui et l’emmène à sa cabane. Pour la première fois de sa vie, il a envie d’aller vers les autres, même si c’est dangereux.

Le personnage de Raymond est travaillé et profond. L’enfant est à la fois très solide et très fragile, comme lorsque l’on quitte l’enfance pour entrer dans cette période troublée de l’adolescence. Pour lui, c’est d’autant plus difficile qu’il doit se cacher, mentir, faire des choses dont il a honte, comme fouiller les poubelles. Lui qui n’a jamais pu s’arrêter assez longtemps pour se faire des amis, découvre qu’il en a très envie. Les interactions entre les jeunes sont particulièrement subtiles, et bien rendues. On y sent toute la fragilité, les interrogations qui sous-tendent leur vie, leur idéalisme aussi, leur désir d’aider l’autre. Quant aux adultes, si ses parents sont des moins-que-rien, Raymond croise également la route de personnes bienveillantes et sincèrement attachées à son bien-être. Sa relation avec sa chienne et un coyote rencontré dans les bois est décrite avec beaucoup de sensibilité et de justesse.

L’autrice évite l’écueil d’un happy end trop prévisible, même si la fin est pleine d’espoir. Ce gamin est bougrement émouvant. La résilience est au cœur de son histoire, et les liens d’amitié qu’il parvient à tisser, d’abord avec sa chienne, puis avec quelques humains, lui donnent la force d’avancer.

L’écriture, sans fioritures, nous embarque au cœur de l’action et des émotions de Raymond, pour un roman qui se lit d’une traite, tant on a envie de savoir ce qui va arriver à ce garçon, et qu’on souhaite un dénouement heureux.

Comment rester invisible
Autrice : Maggie C. Rudd
Éditions : Seuil jeunesse
Parution : 4 avril 2025
Prix : 16,90 €
À partir de 12 ans