Par Sylvie Gagnère - Lagrandeparade.com/ États-Unis, années 1990. Echo grandit dans l’East Side de Cleveland, où les appartements sont minuscules et les parents, accros au crack. Les pères sont violents/violeurs ou inexistants, les mères tentent de survivre grâce à la drogue. Chaque jour, Echo va à l’école dans le West Side, avec l’espoir chevillé au corps de pouvoir s’imaginer un autre avenir.

Black girl unlimited est un roman semi-autobiographique, qui mélange des éléments de fantastique avec le récit de l’enfance et l’adolescence de l’autrice.
Il s’ouvre sur une scène terrible : Echo a six ans, sa mère est inconsciente sur le sol de la salle de bains, ses petits frères hurlent et l’appartement est envahi par une épaisse fumée. La famille est sauvée in extremis, et nous, lecteurices, sommes plongé·es au cœur du quotidien de cette famille très défavorisée, gangrénée par la brutalité et la dope.

Quelle claque que ce roman ! Echo est une héroïne que l’on n’oublie pas. Dans une société nécrosée par la violence et la drogue, elle lutte pour s’affranchir des diktats de son milieu, de l’assignation qui pèse sur les femmes noires et pauvres, de ce déterminisme qui enfonce au lieu d’élever. L’autrice trace le portrait d’adolescents touchants, de Jessie, au caractère solaire, à Davante, fils de militants Black Panthers, en passant par Tiffany, son amie d’enfance, rongée par la jalousie. Dans son école, Echo est une des seules élèves noires. C’est là qu’elle trouve une échappatoire, dans l’attention que lui porte une professeure, dans sa soif d’apprendre et de comprendre. Sans jamais renier son milieu, elle rêve de réaliser ses ambitions, même si elle doit, outre le racisme des blancs, combattre la misogynie et le sexisme de sa propre communauté.

Echo Brown parle également de l’amitié, de ces contacts qui donnent la force d’avancer, de l’éveil du désir, qui bouleverse la relation au monde et aux autres, avec intelligence et subtilité. Elle raconte les liens qui unissent Echo à ses frères, Rone et Dre, qui s’enfoncent dans la délinquance, mais tentent de s’en sortir.
Echo découvre grâce à sa mère qu’elle est une sorcière, une femme qui connaît le passage pour l’entre-deux-mondes et peut voir des choses inaccessibles au commun des mortels. Les 19 chapitres du roman sont autant d’étapes pour maîtriser ce pouvoir.
Le récit est âpre, violent, sans concessions, et pourtant lumineux. L’empreinte du fantastique offre une échappatoire, une manière de colorer la réalité et de la faire mieux comprendre/percevoir par des lecteurices peu familiers de ce milieu. L’espoir affleure à chaque page, grâce à une écriture vivante et puissante. Il convient d’ailleurs de saluer le travail de traduction qui parvient à rendre la richesse et la force du Black English, l’anglais vernaculaire afro-américain, une langue très présente dans les communautés noires des classes populaires, et dont l’histoire remonte à l’esclavage.

Black girl unlimited 
Autrice : Echo Brown
Éditions : École des Loisirs
Collection : M+
Parution : 9 avril 2025
Prix : 18 €
À partir de 13 ans