Ivan le Terrible : le Théâtre du Rugissant orchestre avec brio la cruauté médiévale et la bêtise totalitaire
- Écrit par : Mathieu Cartailler
Par Mathieu Cartailler - Lagrandeparade.fr/ Quand nous sommes sortis de ce spectacle, à Aurillac il y a (déjà) quinze jours, nous avions envie d’en parler à tout le monde. On a commencé par les premiers passants dans la rue. Ils nous ont parlé du leur en réponse, nous ne les écoutions déjà plus. Nous savions (d’expérience) que nous avions vu un spectacle rare. Par où commencer, tant il est difficile de raconter ce que l’on a trop aimé? Peut-être par nos premiers doutes: amené à ce spectacle (excentré) par un quidam égaré, un sujet historique exotique et étranger au public comme à la compagnie. Un texte sans auteur...et deux heures de spectacle! ...A Aurillac...
Le titre ? Ivan le Terrible, que tout le monde connaît comme Don Quichotte, c’est-à-dire sans le connaître. Ivan le Terrible, fondateur de la Russie, et film de Sergueï Eisenstein, qui réfléchit au pouvoir stalinien. Le sujet ? Double comme le titre : la machiavélique cruauté d’Ivan qui construit un état, les difficultés d’Eisenstein à tourner le film, pourtant de commande, sous la pression de Staline.
Nous entrons dans une salle à ciel ouvert, séparée du parking par des palissades, avant de prendre place sur des bancs disposés en demi-cercle autour d’une scène centrale surélevée. Deux musiciens, une pianiste-accordéoniste-chanteuse et un percussionniste, se placent au fond, sur une deuxième scène : ils joueront durant tout le spectacle. “Mince, nous disons-nous, ça ne va vraiment pas être du théâtre de rue”. Tout faux.
Première obscurité, la mère d’Ivan apparaît, grande marionnette effrayante, au fond, sur son trône. Et nous sommes saisis.Toute l’énergie du théâtre est là pendant les deux heures de la représentation; les acteurs qui changent sans cesse de costumes pour multiplier les personnages; la marionnette froide, grise, sans expression et pourtant terrifiante, qui joue Staline et Ivan mieux qu’aucun acteur; la musique qui tourbillonne ou se pose langoureusement; le ballet maîtrisé des acteurs qui jouent à 360° sur cette scène centrale, arrivent de l’extérieur par la porte du théâtre, sortent entre les deux musiciens par le fond ou disparaissent dans la scène centrale sous les lumières. Les scènes s’enchaînent, brèves et pourtant complètes. Nous passons d’une époque à l’autre, du spectacle de la cruauté médiévale à celui de la bêtise totalitaire, d’Ivan qui installe son pouvoir à Staline qui conforte le sien, d’interrogations sur la violence du pouvoir à celles sur la place de l’art, quelque part entre les hommes et ce pouvoir. Tout emporte le spectateur pour lui faire ressentir les émotions des personnages et le pousser à penser ces deux époques.
Et les deux heures de spectacles s'écoulent sans qu'on s'en rende compte . C’est dire la performance de toute la troupe. Et, sous les lumières revenues, nous avons pu observer le même ressenti dans les yeux de nos voisins. Un spectacle qu'on vous recommande absolument. Dès qu’il est joué à côté de chez vous, foncez et louez un bus pour y amener vos amis!
Ivan le Terrible
Compagnie le Théâtre du Rugissant
Découvert au Festival d'Aurillac