Rhizomes Compagnie : A la gloire du père de Michel Onfray
- Écrit par : Guillaume Chérel
Par Guillaume Chérel - Lagrandeparade.fr/ Et voilà que le public sent l’odeur du pain qui cuisait dans le four, sur scène. Puis l’interprète, Bernard Saint-Omer, propose de le déguster. Il donne une corbeille au premier rang qui va circuler de spectateur en spectateur. L’un d’eux va même partir avec le reste du pain, encore chaud, à la fin du spectacle. Cette courte scène donne une idée du spectacle mis en scène par le même Bernard Saint-Omer, autour d’un texte du philosophe Michel Onfray consacré à son père dans le "Journal hédoniste, tome 1, « Le désir d’être un volcan »", paru en 1996. C’est une mise en scène de « partageux » d’après un texte écrit par un anarchiste convaincu, qui s’est promis de défendre les opprimés du lumpenprolétariat, comme on disait avant…
Dans ce texte autobiographique sensible, le philosophe nous livre une ode touchante à la figure paternelle (un homme simple, comme dans « Un cœur simple » de Flaubert). Il évoque avec pudeur et lyrisme son enfance auprès de cet ouvrier agricole, taciturne et courageux. Il parle de l'amour infini, bien que rarement exprimé, qui les liait. Le père était un taiseux, un physique, qui subissait sa condition de bête de somme, au point de se tuer (au travail), le corps usé par l’exploitation humaine… trop inhumaine. A sa mort, son fils s’est juré de le venger, en quelque sorte. Il deviendra un tribun qui use de son droit de parole à la recherche de la vérité.
Bernard Saint-Omer (un physique lui aussi) dit le texte (très littéraire) plus qu’il ne le joue. Tout étant déjà écrit, décrit, ne reste qu’à montrer et faire sentir. Plutôt que de tomber dans le piège du pathos, il fait entendre l’existence de ce prolo par le bruit de ses outils, le son de ses activités physiques d’homme de peu mais riche humainement, dur et droit comme la nature évidente. Il renvoie aux bruits et aux odeurs qui nous renvoient à nos souvenirs d’enfance. La petite scène du théâtre de l’Essaïon se prête très bien à ces tableaux charnels, sensuels et olfactifs, puisque c’est une cave fraiche qui ressemble à une caverne, ou à un garage, voire à un atelier. Un espace d’ouvrier, pas d’un intellectuel. L’acteur, par ailleurs sculpteur lui-même (c’est une « gueule ») fait des étincelles avec ses outils, et du bruit avec ses mains de manuel. Il se les lave, tire à l’arc et s’habille, se déshabille et écoute du rock blueseux de Jimi Hendrix. On peut imaginer qu’il prépare le socle de sculpture qui accueillera le corps du père. Il joue aussi de l’harmonica, comme dans un roman de Steinbeck ou de Jack London. Bernard Saint-Omer campe le peuple de l’abîme, le peuple d’en bas… les « sans-dents ».

Pour rappel, Michel Onfray est né en 1959. Docteur en philosophie, il a enseigné vingt ans en lycée, avant de fonder en 2002 l'Université populaire de Caen, conçue pour permettre un accès au savoir à tous, sans condition d'âge ou de diplôme. Parmi ses ouvrages (une bonne cinquantaine), traduits en plus de vingt langues, beaucoup de philosophie (« La puissance d’exister » ; Traité d’athéologie » ; « Contre-histoire de la philosophie », mais aussi, sous forme de préambules ou de postfaces, de courts récits autobiographiques tels « Le Corps de mon père ou Autobiographie de ma mère ».
Le corps de mon père de Michel Onfray, mise en scène et interprétation de Bernard Saint-Omer (durée 1 h 10), avec Rhizomes Compagnie
- Jusqu’au 1er octobre 2016 , à 19h45, les jeudis, vendredis et samedis ; puis du 10 octobre au 1er novembre 2016 à 21h30, les lundis et mardis.
Reprise : du 12 janvier au 25 février 2017, du jeudi au samedi à 19h45.
Au Théâtre de l’Essaïon ( 6, rue Pierre au Lard – 7504 Paris (métro Hôtel de Ville / Rambuteau). Tel : 01 42 78 46 42)