Théâtre : Mengele, la fuite sans fin d’un génocidaire
- Écrit par : Christian Kazandjian
Par Christian Kazandjian - Lagrandseparade.com/ Au moment où l’on commémore les 80 ans de la libération d’Auschwitz, La Disparition de Josef Mengele fait œuvre de nécessaire mémoire.
S’agissant d’une pièce –adaptée du roman d’Olivier Guez, La Disparition de Josef Mengele, prix Renaudot 2017- qui s’appuie sur des événements historiques, il convient de rappeler les faits bruts, avant toute analyse critique. Josef Mengele, naît en 1911, en Bavière. En 1937 et 1938 il obtient ses doctorats en anthropologie, puis médecine. C’est alors qu’il adhère au parti nazi et effectue son service militaire. Après deux années sur le front en Ukraine, il est recruté comme médecin au camp de concentration et d’extermination d’Auschwitz-Birkenau où ses expériences médicales sur des êtres humains lui servant de cobayes, lui valent le surnom d’Ange de la mort. Lorsque l’Armée rouge délivre le camp, Mengele a fui. Capturé par l’armée américaine, il est rapidement libéré. Dès lors, il se camoufle sous différentes identités, avant de rejoindre l’Argentine en 1949, avec un passeport de la Croix rouge. A Buenos Aires, il prend contact avec la société des dignitaires nazis, que le président Peron a accueilli, crée des entreprises, avec le soutien financier de son père, industriel resté en Allemagne, obtient la nationalité argentine et un passeport allemand sous son nom véritable. Tout allait pour le mieux pour lui, jusqu’à ce qu’en 1960, l’arrestation d’Eichmann par les services israéliens en Argentine, et le mandat d’arrêt émis contre lui, le pousse à fuir au Paraguay, puis au Brésil, où il meurt le 7 février 1979 ; il y est inhumé sous un nom d’emprunt. Les analyses génétiques effectuées en 1992 apporteront la preuve de sa véritable identité.
Au cœur des ténèbres
Porter sur scène, une figure aussi monstrueuse que celle d’un Josef Mengele, responsable d’atrocités inimaginables, et jouissant d’une choquante impunité, tient de l’évolution sur le fil d’un rasoir. Mickaël Chirinian, qui a adapté le roman et joue, et Benoît Giros qui met en scène, restituent cette page de l’histoire, de notre histoire de l’humanité, avec tout le tact et la mesure qu’impose un tel sujet, sans en gommer les faits aussi abominables soient-ils, témoignages irréfutables de ce que la haine de l’autre peut engendrer de funeste pour les sociétés. Le comédien intervient, au début et à la fin du spectacle depuis la salle éclairée, s’adressant au public, dans le souci de l’impliquer, afin que reste vive la mémoire des génocides qui marquèrent le XXe siècle et semblent devoir se perpétuer. Mickaël Chirinian, tour à tour en narrateur et en Mengele, déploie une parole d’une crudité glaçante, une plongée au cœur des plus sombres penchants de l’être ; le cingle parfois d'un trait d’humour. L’acteur est le plus souvent assis, immobile, pour mieux donner tout son poids au texte, soutenu par un décor efficace de signification : mur où s’affichent les portraits des nazis qui accueillirent et aidèrent Mengele, se tachant, par moment de rouge du sang des martyres de l’Ange de la mort, valises bouclées jalonnant la fuite du bourreau, éclairages affaiblis étendant leur ombre sur la solitude du fugitif. Une pièce d’une belle intelligence, d’une irréfutable nécessité à l’heure où, des dizaines de conflits déchirent le monde, déshumanisent les victimes, jettent sur les routes des millions d’exilés, tandis que paradent les fauteurs de guerres et d’horreurs. Un spectacle pénétrant qui ne peut laisser indifférent.
La Disparition de Josef Mengel
dTexte : Olivier Guez
Adaptation et jeu : Mickaël Chirinian
Mise en scène : Benoît Giros
Crédit-photo : Jean Philippe Larribe
Dates et lieux des représentations :
- Jusqu'au 27 avril 2025 à La Pépinière théâtre, Paris 2e (01.42.61.44.10.) les vendredis, samedis et dimanches.