Madame Bovary, en plus drôle et en moins long : une pièce pour se réconcilier avec Flaubert!
- Écrit par : Delphine Caudal
Par Delphine Caudal - Lagrandeparade.com/ « Nous sommes des générations de lycéens forçats qui se farcissent Madame Bovary sous la contrainte ».
Après un passage au Théâtre des Corps Saints, il est désormais impossible de considérer l’œuvre de Flaubert comme un roman fade et ennuyeux. On y voit les subtilités, les désirs cachés et les motivations propres à chaque personnage avec un œil neuf. Un délicieux plaisir qu’on souhaiterait éprouver pour chaque grand classique épineux de la littérature française.
« Madame Bovary, c’est un petit bonbon acidulé […] Et on a envie de le partager avec vous ce bonbon ! »
Le pari était loin d’être gagné. Le réalisme et les interminables descriptions de Flaubert pouvaient difficilement être ignorés. Mais le duo féminin composé de Camille Broquet et de Marion Pouvreau a été très malin : donner du rythme là où il n’y en avait pas, donner un souffle de nouveau sur l’ancien, rendre amusants des personnages qui étaient loin de l’être. Le metteur en scène Edward Decesari a su lui aussi relever ce défi avec brio.
Bref, c’est très drôle. On suit l’histoire d’Emma, paysanne, élevée au rang de bourgeoise grâce à son mariage avec Charles Bovary. Et on écoute avec rire et plaisir l’analyse qui en est faite: pourquoi donc les lycéens ne voient aucun intérêt à ce récit… Comme si l’amour durable, le quotidien, la fidélité les intéressaient, à cet âge de découverte et d’émoi !
On est tout à fait d’accord avec Camille et Marion : « Difficile de ne pas abandonner dès les premières pages ». Car le réalisme, c’est « décrire tout, absolument tout, tout le temps ».
Avec complicité et énergie, elles tournent les pages imaginaires du roman. Elles s’arrêtent à chaque évènement marquant, citent les pages, sautillent, dansent, chantent, jouent, se renvoient les répliques sans s’essouffler. Elles sont inépuisables. Et leur regard de femme donne une lumière étonnante et hilarante pour une époque très patriarcale.
« Comment elle faisait Britney pour chanter et danser en même temps ?! »
« Qu’est-ce que tu fais ?! … Je minaude ! »
Joyeuses et chaleureuses, elles s’approchent du public pour livrer sans retenue leurs impressions, leurs moments de doutes et de joie face au personnage d’Emma, sujette au bovarysme (l’art d’être insatisfait ) depuis de nombreuses années. Elles relatent les histoires d’amour de l’héroïne, en particulier la lettre de rupture de Rodolphe. On a bien ri, quelle performance !
En résumé, du bon goût, de l’intelligent, et du rythme, servi par deux comédiennes talentueuses. Une beau spectacle à ne pas rater pour se réconcilier avec Flaubert et pour passer un très agréable moment.
Madame Bovary, en plus drôle et en moins long
De et avec : Camille Broquet et Marion Pouvreau
Mise en scène : Edward Decesari
Interview de Marion Pouvreau et de Camille Broquet
Vous avez certainement lu plusieurs romans épineux au cours de vos années de lycée, pourquoi Madame Bovary en particulier ?
- Madame Bovary, dans nos souvenirs, a été la plus grande souffrance à cause de l'ennui d’Emma, personnage principal, et pour ma part (Marion) mon professeur de Français nous en a parlé pendant des semaines et semaines, plus longtemps que les autres romans !
Quel autre roman auriez-vous pu utiliser comme "base" pour écrire une pièce de théâtre ? 

Le Rouge et Le Noir de Stendhal
Eugenie Grandet de Balzac
La Princesse de Clève
Au final, êtes-vous plutôt attendries par Madame Bovary, ou agacées par cette manière d'être toujours insatisfaite ?
On comprend Emma, malgré ses complexités. Car l'eau de rose ça n'existe pas. Et on se reconnait en Emma.


Dates et lieux des représentations :
-Du 3 juillet au 21 juillet (pas de relâche) au Théâtre des Corps Saints - FESTIVAL AVIGNON OFF 2024
Durée : 1h15