Les tournesols : D’incurables blessures...
- Écrit par : Christian Kazandjian
Par Christian Kazandjian - Lagrandeparade.com/ La pièce, Les Tournesols, dresse le destin tragique de quatre femmes s’aimant, se haïssant, incapables de se séparer.
La pièce s’ouvre sur une jeune femme recueillant des vêtements féminins sur des cordes ; elle chante dans une langue inconnue. Scène domestique apaisante, apaisée. La parenthèse se ferme sur une scène similaire ; la jeune femme n’est pas la même ; elle ne chante pas, mais paraît sereine. Nul en ne se fixant que sur ces deux tableaux, n’imaginerait le drame qui s’est déroulé dans cette maison où des femmes : une mère et ses trois filles, ont vécu en recluses. Les filles sont issues de trois mariages différents. Elles s’aiment néanmoins, se haïssent, comme les hait et les aime, à sa manière, leur mère. Toutes, cependant, souffrent : l’ainé Black est attirée par son psychiatre ; la deuxième, Brown, noie son mal-être dans les « baises » d’un soir ; la benjamine, Blue, peint, entre deux tentatives de suicide. Quant à Violet, la matriarche, elle tangue entre prise d’alcools et de neuroleptiques. On l’aura compris : de cette situation anxiogène ne peut surgir que violence et malheur. L’amour, la mort rodent dans cette prison domestique. Le viol de la cadette précipitera la descente aux enfers ponctuée de disparitions, jusqu’à laisser seule l’artiste, la voyante qui se rêve en ange aux ailes coupées.
Attirance et rejet
Ecrite par Fabrice Melquiot, Les Tournesols jettent en bouche des protagonistes la violence subie dans une société encore très marquée par une domination patriarcale insidieuse et intégrée dans les relations sociales, allant de l’intime familial aux rapports hors les murs du foyer où règne l’omerta. Le viol, agression d’une violence extrême, commis au sein de la famille ou à l’extérieur, y détruit, immanquablement, une vie, des vies. La langue, obscène, crue, ordurière, ajoute à la véhémence du propos. Le choix des prénoms, qui évoque les couleurs mates, sombres, celles que l’on attribue, le plus souvent, aux situations conflictuelles, désespérantes, pèse comme une malédiction sur ces femmes, porteuses de blessures irréparables. Le jaune flamboyant des tournesols, fleur cherchant la chaleur du soleil, en référence à Van Gogh, autre naufragé, jette une lueur d’espoir, de fête que l’art peut sublimer. Toute la pièce balance entre deux pôles : violence et amour, rejet et tendresse. Ces Tournesols se projettent dans La Maison de Bernarda Alba de Garcia Lorca. Mais, les sociétés ont-elles vraiment changé dans leur rapports homme-femme, depuis un siècle ?
Les Tournesols
De Fabrice Melquiot
Mise en scène : Delphine Lacheteau
Avec Nikita Gassot, Solène Guittenit, Jeanne Masson et Delphine Lacheteau en alternance), Camille Viel.
Création lumières : Bilal dufrou
Création musicale = Pierre Delaup
Dates et lieux des représentations :
- Jusqu'au 26 mai 2024 au Théâtre Le Funambule Montmartre, Paris 18e (01.42.23.88.83.)