Les Travailleurs de la mer : Dans la solitude des flots....
- Écrit par : Christian Kazandjian
Par Christian Kazandjian - Lagrandeparade.com/ L’adaptation du roman de Victor Hugo Les Travailleurs de la mer convie au combat d’un homme contre la mer, la solitude et ses propres sentiments.
Un homme seul, bonnet de laine sur la tête, narre une aventure inouïe : le combat contre les éléments déchaînés, une nature hostile, d’un être solitaire, taiseux, pas même un vrai marin, mais un grand connaisseur de la mer. Cet être singulier Gilliatt, dont on ignore la naissance, objet de ragots et de méfiance, un étranger en somme, va, par amour, affronter la mer, ses pièges, pour récupérer la machine d’un vapeur ayant fait naufrage : c’est que La Durande a révolutionné le transport maritime et fait la fortune de Mess Lethierry et de sa nièce Déruchette ; au comble du désespoir, l’armateur promet la main de la jeune fille à quiconque sauverait la machine coincée dans l’épave. Gilliatt, secrètement amoureux de l’adolescente, lui qui fuyait la femme, se lance sur les flots en furie, avec une boîte à outils et quelques provisions. Sur l’écueil, des semaines durant, il luttera : contre le froid, la faim, la soif, la fièvre, les marées et les tempêtes et enfin contre un monstre, la pieuvre. Il luttera, malgré l’envie, parfois, d’abandonner et de se laisser mourir, entouré de mouettes, avec les étoiles comme témoins. Il lutte et vainc : la machine réparée est ramenée à bon port, là où une cruelle désillusion l’attend quand se taisent hourras et vivats. Il se trouve à nouveau confronté à la solitude qui fut sa compagne quotidienne et dont il s’accommoda, jusqu’à ce qu’un jour lointain Déruchette lui sourit après avoir écrit son nom sur la neige.
Renaissance après naufrage
Clémentine Niewdanski, adaptatrice du roman, a choisi de mettre en scène un seul comédien (Elya Birman, également coadaptateur). Il assume les rôles de conteur et de tous les personnages. Le décor, un fatras initial d’objets et matériaux de construction, décombres, se transforme, sous les mains obstinées du travailleur ; d’espace mort, il en vient à évoquer la renaissance, reflet de l’évolution du mal vers le bien, notions chères à Victor Hugo. A travers Gilliatt, ce ne sont plus les guerriers qui sont les héros qu’on loue pour leurs exploits sur les champs de bataille, mais les bâtisseurs, ceux qui, par la vertu du travail, font évoluer les techniques, participant au progrès des sociétés. L’auteur y exalte l’amour, fût-il tragique, le désintéressement, la générosité. L’humanité.
Mélodie des vents
Donner une pièce d’une heure et quart, avec un seul comédien, à partir d’un roman de plus de 500 pages, tient de la gageure. Défi relevé et combat gagné. Elya Birman y met toute son énergie, passant de la narration paisible, à l’exaltation, la frénésie lorsque le corps entre en lutte contre des ennemis visibles comme les vents, les lames, les vagues déferlantes, ou ces adversaires imperceptibles et sournois que sont le découragement, le désespoir. Un spectacle qui donne envie de (re)lire Les Travailleurs de mer, pas le plus connu des romans de Victor Hugo, mais probablement un des plus importants. La langue est superbe et quand le comédien énumère les différentes pièces du navire : moques, margouillets, calebas, galoches, boute-hors, etc., on entend comme une musique faisant pendant aux sautes du vent et au ressacs. De la grande littérature, du beau théâtre.
Les Travailleurs de la mer
D’après Victor Hugo
Adaptation : Clémentine Niewdanski et Elya Birman
Interprétation : Elya Birman
Mise en scène : Clémentine Niewdanski
Dates et lieux des représentations :
- Jusqu’au 17 mars 2024 au Lucernaire, Paris 6e (01.45.44.57.34.)
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